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LA

SAINTE-CHANDELLE D'ARRAS

(1794-1803)

Par M. LOUIS WATELET

Membre résidaut.

MESSIEURS,

Le culte rendu à « Notre-Dame des Ardents » et la dévotion à «< la Sainte-Chandelle d'Arras » occupent dans les annales religieuses de l'Artois une place trop importante pour n'avoir pas attiré l'attention des érudits. Sans compter les écrivains antérieurs à la Révolution, plusieurs membres de notre Académie ont recherché, au triple point de vue de la religion, de l'histoire et de l'art, tout ce qui concerne l'avénement du Saint-Cierge, la confrérie fondée en son honneur, la custode d'argent qui lui servait d'écrin et cette chapelle du Petit-Marché,

où, pendant plus de sept siècles, se manifesta la foi de nos pères.

Après les travaux de MM. Proyart, de Linas et Terninck, ne semble-t-il pas que tout soit dit sur ce sujet, et qu'à peine il reste à explorer, d'une manière plus complète, les vieux parchemins extraits du coffre de la confrérie? On se tromperait néanmoins, si l'on pensait que les événements les plus éloignés sont ceux qui se dérobent le plus aux regards des investigateurs. Les recherches auxquelles je me suis livré en compulsant des papiers de famille et les documents que possèdent les Archives d'Arras m'ont convaincu que les circonstances au milieu desquelles la confrérie de Notre-Dame .des Ardents a été dissoute, la gracieuse pyramide de la Petite-Place renversée, la custode du Saint-Cierge (chefd'œuvre de l'orfévrerie du XIIIe siècle) conservée providentiellement, ont été rapportées jusqu'à présent d'une façon incomplète et inexacte. J'ai donc résolu de faire connaître le résultat de mes découvertes et d'apporter ainsi une pierre à la restauration du passé. Peut-être cette tentative sera-t-elle jugée opportune, au moment où le premier pasteur du diocèse, avec le concours de la ville d'Arras tout entière, élève un monument religieux sous ce vocable antique et vénéré Notre-Dame des Ardents.

C'était en juin 1791. Encore bien que la Constitution civile du clergé eût donné naissance à quelques mesures hostiles à l'Eglise (les électeurs du Pas-de-Calais avaient procédé à la nomination d'un évêque constitutionnel; le Conseil général de la Commune d'Arras venait de supprimer sept paroisses sur onze et d'apposer les scellés à

l'ancien évèché), la confrérie de Notre-Dame des Ardents. n'avait reçu aucune atteinte; elle conservait son organisation, ses mayeurs et ses fêtes; elle continuait de faire célébrer l'office divin dans la chapelle de la PetitePlace et dans celle dite du Préau. Tout à coup, un événement en apparence indifférent mit un terme à son existence. Le 28 juin 1791, le clocher de l'église du collége s'écroula. La chute de cet édifice, situé au centre de la ville et près de la rue la plus fréquentée, impressionna vivement la population. Les imaginations s'émurent. On se demanda si d'autres monuments, placés dans des conditions plus dangereuses et encore plus maltraités par les ans, ne constituaient pas une menace permanente pour la sécurité publique. Ces préoccupations se portèrent principalement sur la pyramide de la Sainte-Chandelle. Qu'arriverait-il si cette flèche, construite au commencement du XIIIe siècle, élevée de quatre-vingt-six pieds au-dessus du sol, s'écroulait en plein marché?

L'émotion populaire, surexcitée sans doute par quelques meneurs, parvint à la connaissance des mayeurs de la confrérie. Sans perdre un instant, ils se réunirent, et, allant au-devant des inquiétudes réelles ou simulées de leurs concitoyens, ils proposèrent au Conseil général de la Commune la visite de la pyramide, à l'effet d'en constater l'état et d'en vérifier la solidité. Leur délibération, dont voici la teneur, atteste l'initiative qu'ils prirent à ce sujet :

« L'an 1791, le XXVII jour du mois de juin, les membres composant la société laïque de Notre-Dame des Ardents, dite du Saint-Cierge de cette ville d'Arras,

assemblés en leur chapelle du Préau, nommée vulgairement du Tripot, en la manière accoutumée, après convocation faite en la forme ordinaire, il a été exposé par l'un des dits membres qu'à propos de la chute précipitée du clocher de l'église du collége de cette ville, arrivée cejourd'hui vers une heure trois quarts de l'après-midi, certaines personnes ayant conçu ou prétexté des craintes d'un pareil accident par rapport à la pyramide de l'ancienne chapelle de la dite société, érigée sur la PetitePlace de cette dite ville, laquelle chapelle ainsi que celle adjointe, dite la Chapelle rotonde, appartiennent à la dite société, il avait été question de motions à faire pour provoquer la démolition de la susdite pyramide; et comme la présente assemblée, en même temps qu'elle se doit à elle-même de maintenir ses propriétés, consacrées par les titres les plus respectables et par la plus longue possession, s'empressera toujours de reconnaître d'ailleurs ce qu'elle doit à la fois à la sûreté et à la tranquillité publique, il a été unanimement résolu que cette assemblée fera procéder incessamment, et au plus tard le jeudi trente de ce mois, à la visite de la susdite pyramide par les sieurs Lincque et David, architectes et arpenteurs jurés de cette ville, pour reconnaitre l'état réel et actuel de cette partie d'édifice, constater si sa situation peut faire craindre quelque accident ou autre danger pour le public, ou s'il est opportun d'y faire quelque réparation; nommant pour ses commissaires, aux fins d'assister à la dite visite, MM. de Hauteclocque et Desmazières, membres d'icelle société, lesquels en souscriront le procèsverbal avec les experts ci-dessus et autres qu'il appartiendra;

« Et pour que Messieurs les Officiers municipaux puissent, s'ils le jugent à propos, y faire intervenir de leur part tel expert qu'ils trouveraient bon de choisir pour rendre, s'il le faut, cette visite contradictoire, expédition. de la présente sera remise au corps municipal par les dits commissaires.

«< Résolu, au surplus, que dans le cas où il arriverait que la dite pyramide fût jugée devoir être démolie par le danger prouvé de sa chute, la dite démolition, qui sera faite aux frais de la société, sera adjugée au rabais et moins disant, dans une nouvelle assemblée qui sera convoquée à cette fin.

« Fait et délibéré les jour, mois et an susdits, ayant les membres composant la dite assemblée signé l'original d'icelle couchée au registre. Collation faite par le secrétaire soussigné de la présente expédition à l'original couché au dit registre et trouvé y concorder, cejourd'hui vingt-neuf juin 1791. Pochon. » (1).

La municipalité, à qui cette délibération fut notifiée le 29 juin, prit le jour même la résolution suivante :

« Les Officiers municipaux de la Commune d'Arras assemblés en la forme ordinaire, il a été exposé que la chute subite et inopinée du clocher de l'église de l'Oratoire, arrivée hier vers une heure trois quarts de l'aprèsmidi, donne des craintes et cause des inquiétudes à plusieurs habitants de cette ville, notamment de la PetitePlace, où se trouve une pyramide élevée au-dessus de la chapelle dite de la Sainte-Chandelle, qu'on dit défec

(1) Archives de la ville d'Arras. Liasse concernant la pyramide de la Sainte-Chandelle.

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