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THÉRAPEUTIQUE MÉDICALE

Etude sur le hoàng nàng

D'APRÈS UNE BROCHURE DE M. LESSERTEUR

ET D'APRÈS QUELQUES ESSAIS THÉRAPEUTIQUES;

Par M. le docteur F. BARTHELEMY, ancien interne des hôpitaux de Paris, Médecin suppléant des hôpitaux de Nantes,

Médecin de l'asile Sainte-Anne.

Le Hoàng-nàn, remède tonquinois contre la rage, la lèpre et autres affections, tel est le titre d'une brochure publiée en 1879 chez Baillière, par E.-C. Lesserteur, directeur au séminaire des missions étrangères.

Nous allons essayer, en analysant cet ouvrage et en nous appuyant sur nos propres recherches, d'esquisser l'histoire d'un médicament nouveau appelé sans doute à rendre de grands services.

Origine.

L’introduction du hoàng-nàn en France date de 1875. Elle est due à Msr Gauthier, vicaire apostolique du TongKing méridional, qui a voulu payer ainsi à son pays natal un tribut de reconnaissance. Il envoya au directeur des missions étrangères, à Paris, une bouteille de poudre jaune, portant pour étiquette: «<< poudre de hoàng-nàn, remède contre la rage », et l'engagea à faire connaître ce remède en France.

M. Lesserteur, en qualité d'ancien missionnaire au TongKing, avait eu déjà connaissance du hoàng-nàn. Ses premiers écrits donnèrent lieu en différents pays à des expérimentations dont les résultats sont relatés dans la brochure.

La poudre jaune du Tong-King renferme de l'alun, du réalgar et, comme élément principal, l'écorce pulvérisée d'une liane qui porte le nom de hoàng-nàn.

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Histoire naturelle. Le hoàng-nàn se rencontre dans les montagnes qui séparent le royaume d'Annam du Laos, à la hauteur du Tong-King méridional. On le trouve encore sous d'autres latitudes, mais alors sa qualité paraît inférieure. La tige grêle et nue, grise ou rougeâtre suivant l'âge, atteint les premières branches des grands arbres, s'y attache par des vrilles

TOME CI. 3o LIVR.

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comme la vigne, puis porte jusqu'au sommet son feuillage vert foncé. M. Pierre, directeur du jardin botanique de Saïgon, à qui l'on soumit des échantillons, reconnut de suite que cette plante appartenait à la famille des loganiacées, et lui donna le nom de strychnos gautheriana.

M. G. Planchon, professeur à l'Ecole supérieure de pharmacie, a publié une étude complète sur les caractères physiques de l'écorce de hoàng-nàn (Journal de pharmacie et de chimie, mai 1877). Il résulte de ses recherches qu'une étroite parenté existe entre ce produit et la fausse angusture. On peut reconnaître cependant quelques différences à l'œil nu et au microscope.

L'analyse chimique a été faite par F. Wurtz et Caventou, qui ont constaté dans le hoàng-nàn l'existence des deux alcaloïdes de la fausse angusture, strychnine et brucine. Cette dernière y prédomine.

Les caractères structuraux et les propriétés chimiques s'accordent donc pour faire considérer l'écorce du Tong-King comme provenant d'un végétal du genre strychnos, famille des loganiacées. Ces résultats sont confirmés par les observations physiologiques.

Propriétés dynamiques. Elles ont été étudiées chez les animaux par le docteur Livon, professeur suppléant d'anatomie et de physiologie à l'Ecole de médecine de Marseille (1).

Ce savant confrère a fait vingt-cinq expériences soit sur des grenouilles, soit sur des chiens, en se servant de la teinture de hoàng-nàn. Les animaux éprouvent des accès tétaniques semblables à ceux que produisent la strychnine et la brucine, et la mort arrive de la même manière. Il y a cependant des points différents. Le principal est que le hoàng-nàn agit plus spécialement sur le train postérieur. Le Bulletin général de thérapeutique a donné, en 1879, l'analyse du travail du docteur Livon.

Chez l'homme, d'après les observations citées dans la brochure, et d'après mes premières expériences, les effets du hoàngnàn peuvent se résumer ainsi :

A faible dose, une demi-pilule à une pilule, soit 5 à 10 centigrammes, augmentation de l'activité physique et intellectuelle, relèvement du moral, animation et ouverture des idées. Le hoàng

(1) Marseille médical, 20 juillet 1879.

nan agit comme ferait le meilleur café. Si l'administration en est faite d'une manière prolongée, il y a effet tonique, augmentation du mouvement nutritif, de l'embonpoint et des forces.

A dose moyenne, deux à quatre pilules, chaleur générale, démangeaisons, fourmillements; tonus musculaire et mouvements réflexes augmentés; puis douleurs dans les membres, dans la région du foie, douleurs aux tempes et vertiges.

A dose forte, quatre à six pilules et plus, le patient éprouve un malaise général, des vertiges violents, des crispations involontaires. des pieds et des mains, des mouvements nerveux de la mâchoire. A dose excessive, perte subite de connaissance et refroidis

sement.

L'impressionnabilité des personnes semble variable. De plus, l'accoutumance se produit pour le hoàng-nàn de même que pour bien d'autres médicaments. Par un usage progressif et gradué, on peut faire tolérer sans inconvénient grave, au moins pour quelques jours, des doses de huit à dix pilules qui seraient toxiques si elles étaient administrées d'emblée.

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Modes de préparation et d'administration. Le hoàng-nàn est administré sous forme de poudre ou de pilules. Il est presque toujours associé en Orient à l'alun et au réalgar; mais, à défaut des deux autres éléments considérés comme secondaires, il peut être employé seul. Voici les formules les plus usitées :

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Le poids des pilules varie de 20 à 25 centigrammes. Elles contiennent donc 10 à 12 centigrammes de hoàng-nàn.

Au Tong-King, les pilules sont administrées dans une cuillerée de vinaigre pour hâter leur dissolution dans l'estomac. On recommande de purger le malade préalablement toutes les fois qu'on soupçonne une surcharge bilieuse. Les aliments échauffants et excitanis, les substances grasses, les liqueurs alcooliques surtout sont l'objet d'une interdiction formelle pendant toute la durée du traitement.

Les doses diffèrent suivant la nature du mal à combattre. Si la vie est mise en danger à brève échéance, comme dans la rage ou la morsure de certains serpents, la dose doit être massive et répétée à courts intervalles, jusqu'à ce que les effets physio

logiques du remède l'emportent sur les symptômes morbides. Dans les maladies chroniques, on procède avec plus de réserve., On commence par une pilule ou même une demi-pilule, donnée en deux fois, matin et soir. On augmente chaque jour d'une quantité égale, et l'on s'arrête aux premiers signes de malaise grave. Si l'affection nécessite un traitement prolongé, on le divise par période de six jours de médication suivis de huit jours de repos. Toutefois, l'administration peut être continue avec des doses très modérées.

Propriétés thérapeutiques. -La brochure est remplie de faits sur l'usage du hoàng-nàn. Les uns sont constatés par des médecins, les autres relatés par des missionnaires qui expérimentaient tantôt sous la surveillance de docteurs, tantôt en dehors de tout contrôle. Tous ces documents n'ont donc pas la même valeur scientifique.

Quoi qu'il en soit, les maladies dans lesquelles le hoàng-nàn a été employé avec plus ou moins de succès peuvent, suivant nous, être rangées en trois groupes :

1° Maladies du système nerveux ;

2° Empoisonnement par virus ou venins;

3o Affections cutanées, locales ou constitutionnelles.

Premier groupe.

Dans le premier groupe nous trouvons : Deux cas d'hémiplégie gauche, rapidement guéris, datant, l'un de cinq à six ans chez une jeune femme, l'autre de quelques mois chez un terrassier;

De nombreux cas d'anesthésie, quelques troubles visuels, un cas d'hypéresthésie cutanée, toutes affections symptomatiques de la lèpre;

Trois cas d'épilepsie, guéris ou améliorés par le docteur Levy (de Mossoul). Le même expérimentateur dit avoir obtenu la prompte guérison des convulsions des enfants par des doses très faibles de hoàng nàn.

Plusieurs névroses vaso-motrices, fièvres continues ou d'accès accompagnant certains états morbides, tels que lèpre, anémie ou épuisement.

Enfin, deux cas de diabète sucré, névrose de nutrition, améliorés ou guéris, nous ont été signalés par M. Lesserteur.

Deuxième groupe. -1° Rage. Dans sa lettre d'envoi, Mer Gauthier assurait que le remède est infaillible avant le premier accès, et très souvent efficace même quand la maladie est déjà déclarée.

Il se bornait à citer le fait d'un jeune homme de son voisinage qui venait d'être guéri. M. Perrier, missionnaire au Tong-King, raconte avoir obtenu la guérison d'un cas de rage déclarée par 7 grammes de poudre à doses rapprochées.

Pour M. Lesserteur, les succès observés au Tong-King ne font l'objet d'aucun doute. Il fait des voeux pour que des expériences sérieuses soient dirigées en France, dans le but de constater la curabilité d'une maladie dont le nom seul provoque l'effroi (1). Voici quel est, d'après lui, le modus faciendi :

Dans la rage déclarée, il faut procéder énergiquement, et faire avaler au malade, à l'aide d'une cuillerée à bouche de vinaigre, d'abord deux ou trois pilules, puis plusieurs autres à courts intervalles, jusqu'à ce que le malade éprouve des crispations des pieds et des mains, et surtout des mouvements nerveux de la mâchoire.

Dans le cas de morsure par chien enragé, le traitement préventif consiste à prendre une pilule le premier jour, deux le second, trois le troisième, etc., en augmentant ainsi d'une pilule par jour, jusqu'à ce que surviennent les premiers phénomènes toxiques. Si la rage n'a pas été inoculée, quelques pilules suffiront pour produire ces accidents. Il en faudrait beaucoup plus, si l'inoculation du virus avait eu lieu.

2o Venins. Pour combattre le venin des serpents et autres animaux venimeux, la manière de faire est la même que pour la rage déclarée. La dose doit être d'autant plus élevée que l'animal est plus dangereux. M. Féron affirme avoir guéri ainsi plusieurs personnes mordues soit par le capelle, soit par différentes espèces de vipères.

Le hoàng-nàn réussit non seulement contre l'empoisonnement aigu, mais encore contre les accidents chroniques et les plaies de mauvaise nature qui succèdent à la morsure de certains serpents. Il peut être employé tout à la fois à l'intérieur, et localement sous forme de poudre ou d'emplâtre.

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Troisième groupe.

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C'est aux affections de la peau que s'appliquent la plus grande partie des documents réunis par M. Lesserteur. Le traitement de la lèpre occupe plus de la moitié de la brochure. De nombreuses expériences ont été faites depuis 1876,

(1) Des recherches sur les propriétés du hoàng-nàn sont faites en ce moment à l'Ecole vétérinaire d'Alfort,

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