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BULLETIN LITTÉRAIRE

PUBLICATIONS FRANÇAISES

HISTOIRE DE FRANCE de L. Ranke, traduction Porchat ― LA SAINTE-BIBLE, résumée par M. Wallon DE QUELQUES POINTS DES SCIENCES DANS L'ANTIQUITÉ. par M. Jullien. LA COSMOGONIE DE LA BIBLE, par M. l'abbé Sorignet. -EXPOSITION ET HISTOIRE DES PRINCIPALES DÉCOUVERTES SCIENTI FIQUES MODERNES, par M. L. Figuier. LA MUSIQUE ANCIENNE ET MODERNE, par M. P. Scudo.

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HISTOIRE DE FRANCE, principalement pendant les seizième et dix-septième siècles, par Léopold Ranke, traduction de J. J. Porchat.- Deux volumes in-octavo. Paris Klincksieck 1854. Le nom de M. Ranke est bien connu en France, sa renommée a passé le Rhin, et ses remarquables écrits ont été appréciés chez nous comme ils méritaient de Pêtre. Le seizième et le dix-septième siècles ont été, comme on sait, l'objet spécial des études du professeur berlinois; l'Histoire de la papauté, de la Monarchie Espagnole et de la Turquie pendant cette période ont fourni le sujet de ses précédents ouvrages; en parcourant le cercle de travaux qu'il s'est tracé, il a enfin rencontré la France et il a entrepris le récit des événements dont elle a été le théâtre du règne de François Ier à celui de Louis XIV.

Deux volumes seulement de cet ouvrage ont été traduits par M. Porchat; ils s'étendent de la mort de Louis XIII à l'as-assinat d'Henri IV et commencent par deux chapitres consacrés à des considérations à la fois judicieuses et élevées sur les époques antérieures.

M. Ranke déploie dans son nouvel ouvrage toutes les qualités qui le distinguent, une érudition étendue unie à un jugement éclairé et qui sait choisir. On n'ignore pas que l'un des premiers il a exploité des mines jusqu'ici négligées, et su tirer grand parti des nombreux matériaux que contiennent les dépôts publics des différents pays d'Europe. Dans son Histoire de France, tout en consultant les documents depuis longtemps connus, il s'est servi utilement de pièces enfouies dans la poussière des Archives; il a surtout consulté avec fruit les dépêches des agents diplomatiques accrédités auprès du Roi très chrétien, et il est facile de concevoir quelles sources inépuisables de renseignements il a trouvé dans les rapports des envoyés Espagnols qui furent un moment presque les maîtres de la France, dans les dépêches des nonces, si mêlés aux affaires pendant toute la période des guerres religieuses, dans celles des agents vénitiens enfin, si actifs à instruire de tout ce qui se passait en Europe un gouvernement soupçonneux.

M. Ranke est un esprit trop élevé pour être atteint de cette passion haineuse contre notre pays, qu'on rencontre trop souvent chez ses compatriotes et qui les rend pleins d'injustice à notre égard. Il juge les faits de notre histoire avec une impartialité digne de la tâche qu'il a assumée et apprécie sans exagération dans un sens ou dans l'autre, le grand rôle que nos pères ont joué dans le monde.

<< Parmi les nations modernes, dit-il, dans sa préface, il n'en est aucune qui

ait exercé sur les autres une influence plus diverse et plus continue que la nation française. On a été jusqu'à dire que l'Histoire de France, du moins, dans les derniers siècles, était l'histoire de l'Europe. Je suis bien loin de partager cette opinion. Environnée des quatre grandes nations qui sont avec elle dépositaires de la civilisation Européenne, la France ne s'est point soustraite à leur influence. Elle a reçu de l'Italie les lettres et les arts; les principaux fondateurs de la monarchie du dix-septième siècle en trouvaient dans l'Espagne le type et le modèle; à l'Allemagne se rattachent les idées de réforme religieuse; à l'Angleterre celle des réformes politiques.

>> Mais il est incontestable que depuis longtemps toute fermentation générale des esprits a commencé principalement sur le sol de France. De tout temps les Français méditaient avec l'attention la plus vive les grands problèmes de l'Eglise et de l'Etat, et les répandaient chez les autres peuples avec le talent d'expresșion qui leur est propre; il fut toujours dans leur génie de centraliser, pour ainsi dire, les libres efforts de la pensée, et, dès qu'ils avaient embrassé une théorie, d'en faire aussitôt l'application. Et ce n'est pas seulement dans le domaine des idées qu'ils ont voulu régner. Entraînés par le sentiment de l'honneur national, ambitieux, guerriers, sans cesse les armes à la main, ils ont tenu leurs voisins en haleine; soit qu'ils fissent dériver leurs prétentions de leurs systèmes, soit même sans cela, nous les voyons tantôt prendre l'offensive, tantôt se défendre contre des périls réels ou supposés, quelquefois délivrant les opprimés et plus souvent même s'efforçant d'opprimer les peuples libres. Parfois aussi l'importance des événements intérieurs et l'étendue des effets généraux qui en découlaient ont donné aux annales de la France le caractère d'une histoire universelle. »

En somme, le livre de M. Ranke a sa place marquée dans la bibliothèque de tout homme qui s'occupe de notre histoire nationale.

F. DE BOURGOING.

LA SAINTE-BIBLE RÉSUMÉE DANS SON HISTOIRE ET DANS SES ENSEIGNEMENTS, par M. Wallon, membre de l'Institut. Paris, 1854, 1 volume in-8°, chez Firmin Didot. - « Si i je n'avais consulté que les besoins du public, nous dit l'auteur dans un court avant-propos, peut-être n'aurais-je pas entrepris cet ouvrage. La Bible est dans les mains de tout le monde, et bien des livres ont été faits pour en résumer, dans un cadre moins large, les tableaux et les enseignements. Pourquoi donc ce nouvel essai? La première inspiration, je dois le dire, m'en a été toute personnelle. Douloureusement frappé dans ma vie intérieure, j'ai senti le besoin d'abandonner la suite de mes travaux pour recourir aux Livres saints comme à la source de toute consolation; et, afin d'être encore avec mes enfants dans ces lectures, j'ai eu la pensée d'en tirer une histoire à leur usage. De là, je me suis laissé amener à la présenter au public, dans l'espoir qu'elle ne lui serait pas entièrement inutile. » — « L'idée première, comme l'objet de ce livre, en excluait les formes de la critique. Je ne disserte pas, je raconte : le récit, quand la Bible même en donne la matière, est, à coup sûr, le meilleur enseignement. Mais l'histoire, quel qu'en soit le genre, a des règles dont rien ne dispense. II faut être convaincu pour écrire; il faut ne se laisser convaincre que par de bonnes raisons... » Ces lignes marquent mieux que je ne l'aurais su faire moi

même le caractère du nouvel ouvrage que vient de publier l'auteur de l'Histoire de l'Esclavage dans l'Antiquité. Ce n'est ni un livre d'édification ni un livre de pure critique; c'est un livre de démonstration évangélique rédigé simplement et discrètement, sans appareil d'érudition, par un chrétien qui sait enseigner l'histoire et qui sait l'écrire, mais qui ne veut ni exagérer ni amoindrir les sacrifices que la foi impose à la raison. La division de l'ouvrage est celle que présentent naturellement les annales du peuple de Dieu: I. Les Patriarches et les Juges; II. Les Rois et les Prophètes; III. La Captivité, la Délivrance, la Rédemption. Puis, dans deux appendices, l'auteur traite sommairement: 1o de l'authenticité des livres saints et surtout du Pentateuque; 2o de la Chronologie sacrée. Des notes courtes et substantielles, qui terminent le volume, servent soit à compléter le texte par quelques citations plus étendues, soit à justifier certaines assertions qui, sans un surcroit de preuves, demeureraient contestables. La méthode de l'auteur, tour à tour analytique et narrative, concilie heureusement les deux vues que Bossuet a séparées dans son célèbre Discours sur l'Histoire universelle, la Suite des Empires et celle de la Religion. Suivant pas à pas le texte même des livres saints, sauf le cas où d'austères convenances prescrivaient de s'en écarter (comme pour le Cantique des Cantiques), il nous montre fort bien le rôle privilégié du peuple juif au milieu des autres races humaines, et, chez ce peuple même, il fait ressortir avec énergie le contraste de ses vices et de ses crimes avec la divine pureté de la loi que Moïse lui apporte, le contraste de sa folie avec la sagesse des ordres et des avertissements que Dieu lui envoie par les prophètes.

Arrivé au temps où l'histoire profane mêle ses témoignages à ceux de l'Ecriture, M. Wallon indique d'un trait rapide les principales concordances que la science moderne a établies entre les divers documents. Quant aux difficultés nombreuses que soulève l'interprétation de la Bible, l'auteur n'en veut dissimuler aucune, et, sans les discuter toutes, ce qui ne peut convenir à son plan ni à l'objet qu'il se propose, il veut du moins nous faire saisir, à travers ces livres si divers de forme et d'origine, l'unité d'inspiration et la sévère continuité des desseins de Dieu sur le monde. C'est surtout au dernier chapitre de l'ouvrage sur la Rédemption que M. Wallon rassemble l'effort de sa logique pour montrer les intimes rapports de l'Ancien Testament et du Nouveau, Jésus-Christ annoncé sous toutes les images du symbole et de l'allégorie, prédit et signalé par les prophètes avec une étonnante précision, en un mot, le Christianisme accomplissant les promesses de l'antique Alliance.

Ces conclusions nous suspendent comme au début d'un autre livre que M. Wallon semble nous promettre par le titre même de celui-ci; il lui reste, en effet, à résumer l'enseignement historique et dogmatique de l'Evangile. De pareils ouvrages répondent aux besoins de notre époque, si tourmentée par le doute et pourtant si avide de croyance. Je n'ose pas dire que celui de M. Wallon satisfasse tous les genres de lecteurs, ni qu'il doive ramener tous les esprits entraînés hors de l'Eglise par les courants si divers de ce qu'on appelle trop absolument le scepticisme moderne. Autant qu'il m'est permis d'exprimer un jugement en de si graves matières, il suffit d'ouvrir un de ces auteurs que je vois rapidement critiqués dans les notes, de Wette, par exemple, où le docteur Ewald, pour juger combien de nouveaux problèmes ont fait naître, dans le

champ de la critique biblique, les progrès de la philologie. Ce sont, je le veux, de grandes témérités et de grandes erreurs que tous ces systèmes enfantés de nos jours, et surtout en Allemagne, par le libre examen; ils montrent du moins dans leurs auteurs une sincère et puissante ardeur à poursuivre la vérité des vieux àges, et à pénétrer le mystère de nos origines. De tels adversaires ne rendront pas les armes devant de rapides objections lancées, en passant, contre leurs doctrines; il les faudrait prendre corps à corps sur leur propre terrain; il faudrait, pour les réduire au silence, que la démonstration évangélique du dix-neuvième siècle se transformât et s'entendît avec la science même des langues, avec l'étude de ces antiques religions de l'Asie, si peu et si mal connues de nos pères. Tel n'est point, tel ne pourrait être l'objet du nouvel ouvrage de M. Wallon; d'une composition régulière et savante, d'un style grave et souvent plein d'onction, il charmera les âmes assurées dans leur foi, il attirera, par une douce persuasion, celles que les doutes du siècle ont seulement ébranlées. C'est un livre instructif et bienfaisant : puis-je mieux louer que par cet hommage le père de famille et le chrétien qui l'a écrit ?

DE QUELQUES POINTS DES SCIENCES DANS L'ANTIQUITÉ (Physique, Métrique, Musique), par M. B. Jullien, docteur ès-lettres, licencié ès-sciences; Paris, 1854, un vol. in-8o. Hachette. -Sous ce titre un peu vague, M. Jullien, auteur de nombreux travaux, surtout relatifs à l'histoire et à la grammaire de notre langue, vient de réunir quatorze dissertations, les unes inédites, les autres déjà publiées, mais publiées à un très petit nombre d'exemplaires ou dans des recueils où il n'était pas facile de les lire. La première est une excellente thèse sur la Physique d'Aristote, soutenue, en 1836, devant la Faculté des Lettres de Paris, à laquelle je ne puis vraiment adresser qu'un reproche, c'est d'être ici réimprimée en latin, comme elle a été d'abord écrite. Quoique M. Phil. Chasles ait fait naguère le même honneur à sa thèse de docteur sur les langues germaniques, en la reproduisant dans un volume tout composé d'ailleurs de morceaux français, cette complaisance ou ce scrupule d'auteur me semble peu justifiable. Le latin de nos thèses, latin médiocre en général, parce que le sujet traité prête peu à l'élégance, et parce que d'ordinaire les candidats subissent d'assez mauvaise grâce cette nécessité officielle d'écrire dans une langue morte, ne mérite guère de survivre au jour de l'épreuve publique. On le relit volontiers dans la dissertation originale, si F'on y recourt par intérêt d'érudition; on s'étonne un peu de le voir réimprimé dans un recueil qui s'adresse, non pas seulement aux gens d'étude, mais au public tout entier. Telle est, en effet, l'intention évidente de M. Jullien, il y sacrifie même quelque chose de la sévérité naturelle à un savant; car il encadre dans un dialogue avec « M. le curé de Varangeville, » les recherches sur les Principes métaphysiques de la Physique d'Aristote, et s'il veut nous raconter « le passage de la physique scolastique à celle de Descartes, » c'est à l'hôtel du Grand-Condé, dans une séance tenue en présence du prince, entre 1664 et 1672, qu'il place le débat entre un jeune cartésien et un vieux défenseur de la doctrine d'Aristote et de saint Thomas. Je préfère de beaucoup, pour ma part, les chapitres où M. Jullien expose simplement et directement ses opinions, souvent originales et neuves, sur quelques parties de la science; cette forme de Mémoire ou de dissertation convient mieux, ce me semble, à l'esprit de l'auteur. En tout

cas, dans de pareils sujets, l'intérêt du fonds l'emportera toujours sur celui de la forme. En physique, ce que M. Jullien se propose surtout, c'est de ramener à leur juste valeur les découvertes des anciens, souvent exagérées avec trop d'indulgence par les modernes. Sans admirer moins le prodigieux génie d'Aristote, il met à nu la faiblesse des principes sur lesquels reposait sa théorie des éléments et des forces qui animent le monde physique; il montre avec une sagacité impartiale tout ce qu'il y avait d'ingénieux dans quelques-unes de ces vieilles erreurs, et comment elles ont pu si longtemps séduire et dominer le monde. Je regrette seulement qu'il fasse si bon marché des docteurs du moyenâge, et qu'à deux reprise (p. 113 et p. 122), dans une exposition historique, il passe si brusquement de l'antiquité aux temps modernes.

Sur la versification, et particulièrement sur la versification grecque et latine, M. Jullien a des idées qui surprendront les gens du monde, qui troubleront fort la conscience des professeurs: il pense que les mots: syllabes brèves et longues, quantité des syllabes, ne répondent pas à un sentiment, à un jugement réel de notre oreille, mais à une convention des grammairiens; qu'il n'y eut jamais, sinon sur le papier, des syllabes brèves et longues, et cette opinion, il l'appuie de raisons et de témoignages asssez spécieux. En revanche, il nous fait remarquer, dans la métrique ancienne, l'action d'un principe trop peu apprécié jusqu'ici, de l'accent. M. Quicherat, qui a en partie renouvelé chez nous, avec autant de goût que de savoir, l'étude de la versification, préparait déjà sur quelques points, les voies à ces hardies innovations de notre auteur. Je doute cependant qu'il soit disposé à le suivre jusqu'aux extrêmes conclusions de son système. L'accent grec et l'accent latin, que, bien à tort, nous ne prononçons plus en France depuis plusieurs siècles, contribuait certainement pour une part à l'harmonie des vers anciens, mais pour quelle part? C'est ce qu'il est presque impossible de déterminer aujourd'hui. Le principe de la quantité, qui seul nous préoccupe dans nos Traités de prosodie ancienne, doit assurément beaucoup aux travaux des métriciens, mais il ne saurait être tout entier leur ouvrage. Pourquoi l'oreille des Grecs et des Romains n'aurait-elle pas été sensible à des nuances de son que nous ne distinguons plus aujourd'hui ? On voit quelles délicates questions soulève la critique de M. Jullien, et qu'il nous serait trop difficile de le suivre ici dans le détail des arguments qu'elle produit et des objections qu'elle rencontre. Cela nous serait plus difficile encore pour la musique ancienne. L'auteur, qui est musicien en même temps que philologue, combat vivement sur ce point les principaux résultats obtenus par notre savant confrère et ami, M. Vincent, dans son Recueil de documents et de dissertations sur la musique grecque. Il réduit à bien peu de chose le mode enharmonique ou par quarts de ton, auquel M. Vincent attribue tant d'importance dans la musique ancienne. M. Vincent a déjà répondu (dans le Correspondant), et pour se défendre et pour nous éclairer. Quant à moi, je veux m'abstenir d'entrer, même en passant, dans ce débat. En fait de musique ancienne, le rôle de simple auditeur me convient mieux que celui de juge.

Un mot avant de finir. M. Jullien, dans une courte préface, a mis son livre comme sous l'invocation de M. Letronne, « d'un savant dont la perte, toujours vivement sentie, ne sera pas de longtemps réparée. » C'est là, tout à la fois, un engagement et un hommage. L'hommage est bien mérité. Quel savant per

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