Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

près du lieu où s'élevait le monastère, rencontre à une demi-heure plus loin le village des Granges; et l'eau du puits dont parle Delbene coule maintenant à travers ce chemin sous les pieds du voyageur.

Sans nous appuyer sur d'autres témoignages, nous pouvons donc tenir pour exacte l'indication de la demeure des premiers moines d'Hautecombe. Là, sur l'étroit plateau de Paquinôt, fut bâti leur humble monastère; et nous avons cru devoir insister sur ce fait, car bientôt la génération qui en a vu les dernières pierres aura disparu comme elles et comme les pieux ouvriers qui les avaient assemblées.

Une autre question moins facile à déterminer est celle de l'origine de ce premier établissement. Les moines qui le créèrent avaient-ils spontanément quitté le monde pour former dans la vallée de Cessens un nouvel asile de prières et de mortifications, ou bien, au contraire, s'étaient-ils détachés d'une communauté plus ancienne, et quelle était cette communauté ?

Malgré les doutes qu'elle laisse subsister, l'opinion la plus accréditée est celle qui voit dans les premiers moines de Cessens des émigrants de l'abbaye d'Aulps en Chablais.

Fondée, vers 1094, par deux religieux, sortis euxmêmes du monastère de Molesme, Guy et Guérin, à qui Humbert, comte de Savoie, donna la vallée qu'ils avaient d'abord occupée sur les bords de la Dranse, cette abbaye prit bientôt une certaine importance. L'an 1404, quelques moines s'en seraient séparés pour chercher une autre retraite et seraient parvenus de vallée en vallée jusqu'au pied de la montagne du Sapenay. Sur le versant oriental

Voir, à la fin de cette Histoire, aux Notes additionnelles, le n° 1.

de cette montagne, ils auraient construit quelques huttes ou cellules éparses, utilisé un ruisseau et une source d'eau vive, et pourvu ainsi aux premières nécessités de la vie. Le plateau de Paquinôt fut le centre de cette petite Thébaïde; là s'élevaient l'oratoire commun, voisin du champ du repos, et probablement aussi l'habitation de l'abbé, entourée des bâtiments servant à l'usage de la communauté, tels que granges et celliers, où étaient retirés les produits du sol défriché chaque jour par les religieux. Ces constructions, d'après Delbene, remonteraient au moins à l'an 1409, et il en donne pour preuve l'existence de lettres écrites, cette même année, dans le promenoir du couvent, par Étienne Regius de Montfalcon 1.

Ces moines vécurent dans cette gorge ou Combe de Valpert pendant une trentaine d'années. Par suite de leurs vœux de pauvreté et d'obéissance, tout était en commun, soit dans leurs cellules soit dans le couvent, et ils obéissaient à un abbé. Cette manière de vivre n'était point, à proprement parler, celle des anachorètes de l'ancienne Égypte. Elle tenait de la vie hérémitique l'isolement de la résidence, et encore les premiers moines de Cessens demeuraient peut-être deux ou trois dans chaque cellule, comme leurs frères d'Aulps, - et de la vie cénobitique, la réunion à certains moments dans une chapelle commune, la soumission au même supérieur, qui restait chargé de diriger les travaux et de veiller aux besoins spirituels et matériels de la communauté 2.

1 Ces lettres nous donnent les noms des religieux d'alors : Haimeric, faisant fonction de prieur, Boson (Ædituus), Pierre (ancien abbé) et Rodolphe de Cusy. (DELBENE, De origine familiæ cisterc. et altec., etc.)

* M. Guizot (Histoire de la civilisation en France) explique ces phases diverses du monachisme dans l'Orient.

Six abbés auraient présidé successivement aux destinées de ce premier établissement: Boniface, Girard, Varrin, Rodolphe, Pierre et Vivian; et ils auraient reconnu pour supérieur l'abbé d'Aulps, comme ce dernier fut lui-même longtemps soumis à celui de Molesme.

[ocr errors]

Dans l'hypothèse de l'indépendance complète de l'abbaye d'Hautecombe vis-à-vis de celle d'Aulps, Varrin aurait reçu et c'est l'avis de Delbene, la donation de Gauthier d'Aix, que l'on regarde comme la fondation de l'ancienne Hautecombe. D'après l'opinion généralement admise, ce serait au contraire saint Guérin, abbé d'Aulps, qui l'aurait acceptée, et la similitude des noms de ces deux abbés ne serait que l'effet du hasard 1. Quoi qu'il en soit, il faut reconnaitre que cette libéralité, sans date, mais que Ménabréa fixe à l'année 1121, est postérieure à l'arrivée des premiers moines à Cessens; que là, comme dans la vallée de la Dranse, des moines occupèrent le sol longtemps avant d'en avoir obtenu l'abandon de la part du seigneur qui en avait la propriété.

Voici la traduction de la charte de cette donation, telle que nous l'avons lue sur le tableau généalogique de la Maison de Faucigny, par Dom Leyat, et que nous reproduisons à la fin de cet ouvrage :

<«< Au nom du Seigneur. Moi, Gauterin, je donne à la << bienheureuse Marie des Alpes et au seigneur Varrin, << abbé de cette église, pour le repos de mon âme, de << celle de tous mes ancêtres et de mon fils Gauterin, une << terre autrefois appelée vulgairement le Fornet et aujour<«<d'hui la Combe, située dans le pays d'Albanais, sur la << montagne où se trouve le château de Cessens. Rodolphe,

1 Voir, aux Notes additionnelles, le no 2.

« du château de Faucigny, sa femme, son père, ses frères « et ses fils ont approuvé cette donation 1. »

Cette libéralité paraît émaner d'un membre de la famille d'Aix, bien que le texte ne l'indique point; car, en 1126, les familles de Savoie, de Faucigny et d'Aix confirmèrent différentes donations faites auparavant à la communauté d'Hautecombe par un Gauterin ou Gauthier d'Aix. La notice de cette confirmation, reproduite également par D. Leyat, d'après les anciennes archives d'Hautecombe, est ainsi conçue :

<< Gauterin d'Aix avait fait plusieurs donations aux frères d'Hautecombe, entre autres, celle d'une terre « qu'il possédait dans le pays d'Albanais, au lieu dit « Combe de Vandebert et actuellement Hautecombe. << Toutes ces donations ont été approuvées par sa femme << Guillelma et par ses fils Albert, Amédée, Guillaume, «Aymon et Gauterin, par sa sœur Ermengarde, par le « comte Amédée 2, par Guillaume de Faucigny et par son fils Rodolphe, de même que par les fils de ce Rodolphe << et par Louis, fils d'Amédée de Faucigny 3. »

3

Nous trouvons au bas de ces deux documents le nom de Rodolphe de Faucigny, qui avait déjà paru comme témoin de la charte de fondation de l'abbaye d'Aulps. C'était le fils aîné du seigneur de Faucigny et un personnage marquant de l'époque. Bien avant la mort de son père, il semble l'avoir presque remplacé dans la vie féodale, car il intervient dans plusieurs traités et actes importants,

1

Bibliothèque du roi, à Turin. Section des Mss. Documents, n° 1.

* Amédée III, comte de Savoie.

Voir, in fine,

3

LEYAT, opere citato, p. 179. - Voir Documents, no 2.

entre autres, dans la transaction de 4424 entre l'évêque de Genève et le comte de Genevois 1.

Les religieux d'Hautecombe reçurent encore plusieurs autres libéralités antérieurement à celle de Charaïa sur les rives du lac. En 1426, Pierre de Chatillon leur cède un pré, sous la condition qu'ils resteront dans la règle de Citeaux qu'ils viennent d'adopter; un nommé Morel ou Morens et sa femme abandonnent au monastère toutes leurs terres de la paroisse d'Aix et d'autres encore. Ce fut sans doute l'origine de la Grange d'Aix, domaine situé au-dessus du hameau de Saint-Simon. L'ensemble des biens-fonds qui le composaient s'élevait, en 4700, à cent journaux et rapportait, malgré une mauvaise exploitation, 1,600 florins de revenu '.

Tels furent les débuts de cette abbaye qui, plus tard, devait être la plus célèbre de la Savoie et le Saint-Denis de ses souverains.

1 MÉNABRÉA, Notice sur la Chartreuse de Vallon, publiée dans les Mémoires de l'Académie de Savoie, 2a série, t. II, p. 250 et suivantes. 2 DELBENE, opere citato.

3 Archives de la Préfecture de Chambéry. Déclaratoires sur les biens de l'ancien patrimoine de l'Église, faites lors de la péréquation générale, en 1732, t. I, fo 9.

Archives du Sénat de Savoie, armoire no 6. Verbal sur l'acte d'estat des bâtiments d'Hautecombe.

Cette ferme relevait alors du prieuré de Saint-Innocent, annexé à Hautecombe.

« ZurückWeiter »