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CHAPITRE III

Avénement d'Humbert III.

Coup-d'œil sur les futurs pays de Savoie ;
Agrandis-

leurs principaux monastères au milieu du xır° siècle.
sement de l'abbaye d'Hautecombe.

Les croisés étaient partis depuis près de deux ans, lorsque la nouvelle de la mort d'Amédée III parvint en Occident. Humbert, sentant ses mains encore trop faibles pour porter seul le sceptre, prit conseil des membres de sa famille, de ses barons, et, sur leur avis, manda auprès de lui l'évêque de Lausanne. Présumant le motif de cet appel, il refusa de venir. Mais, vivement sollicité et pénétré de la vérité des observations qui lui furent faites sur les dangers que courait le jeune prince de tomber entre les mains « d'un tuteur infidèle, d'un homme avare et méchant, recherchant avant tout ses avantages, pour ne laisser ensuite à son pupille qu'un héritage ruiné1, » craintes malheureusement trop justifiées à cette époque par de fréquents exemples, l'évêque se résigna à recevoir les fonctions de tuteur ou de conseiller, en souvenir de l'amitié et de la dernière recommandation d'Amédée III, autant que par affection pour le jeune prince. Il fut donc'confirmé dans la régence par les barons de Savoie. Mais cette charge

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CIBRARIO, Documenti, sigilli e moneti della monarchia di Savoia, p. 68.

était devenue plus lourde par la mort d'Amédée III; ce n'était plus à un ami, mais à la cour des barons, qu'il devrait rendre compte de son administration et justifier la direction qu'il donnerait au jeune comte.

Le patrimoine de la Maison de Savoie en deçà des Alpes a subi de si fréquentes vicissitudes pendant les neuf siècles de son existence, qu'il ne sera pas sans intérêt d'en donner un aperçu à cette époque.

Bien que ce fût le comte de Savoie qui avait, quelques années auparavant, donné à l'abbaye d'Hautecombe la terre de Charaïa et d'Exendilles, cette terre n'était cependant pas située dans le comté de Savoie proprement dit, mais dans le pagus genevensis, dont les limites étaient en général les mêmes que celles du diocèse de Genève. Il faut donc admettre que ce prince possédait la terre de Charaïa à titre de domaine particulier, d'alleu, enclavé dans les possessions des comtes de Genevois à qui il le disputait en puissance, car cette dernière famille étendait son autorité sur la majeure partie du diocèse de Genève. Il ne fallait en excepter, en effet, que la ville et la banlieue de Genève, appartenant avec quelques autres terres éparses à l'évêque, le Chablais, le Châtelard en Beauges et quelques parties du Bugey appartenant au comté de Savoie, et enfin quelques autres petites seigneuries beaucoup moins importantes.

Quant au comte de Savoie, il possédait, soit directement soit médiatement, les autres terres de la patrie savoisienne, moins les lambeaux appartenant encore à l'archevêque de Tarentaise et à l'évêque de Maurienne, moins les seigneuries de la Chambre, de Miolans, de Montmayeur et de Chevron-Villette. Ces petits souverains avaient reçu leurs terres de l'empereur d'Allemagne, ou s'en

étaient rendus maîtres pendant les temps d'anarchie féodale qui signalèrent les dernières années du deuxième royaume de Bourgogne; et, quand l'empereur vint recueillir la succession de Rodolphe le Fainéant, il confirma leurs possessions, ne se réservant que son droit de suzeraineté. Plus tard, ils cédèrent leur autorité quasi absolue au souverain dans les États duquel leurs seigneuries se trouvaient enclavées et reçurent de celui-ci l'inféodation des mêmes terres et les premières charges de l'État '.

De nombreux monastères s'étaient élevés sur le sol savoisien depuis l'origine de la Maison de Savoie. Sous l'influence du souffle religieux qui, pendant le xre et le xòe siècle, poussa la chrétienté au tombeau du Christ, les maisons religieuses se multiplièrent en Europe. Il serait difficile d'indiquer celles qui exerçaient déjà, à cette époque, les droits de la souveraineté et restreignaient par conséquent celle des princes dont nous venons de parler. L'abbaye de Talloires, en Genevois, remontant au milieu du xe siècle, dépendait alors de l'abbaye de Savigny et était déjà importante; mais aucun document n'atteste qu'elle eat alors une semblable puissance. Celle d'Aulps, fondée vers 1094, exerça fréquemment le pouvoir souverain, mais le fit-elle dès qu'elle fut constituée propriétaire du sol? On ne peut l'affirmer. On doit en dire autant de l'abbaye d'Abondance, créée en 1108, dans le voisinage de la précédente; de celle de Sixt, sa fille; des prieurés de Bellevaux, en Chablais (1438), de la chartreuse de Vallon, établie vers la même époque dans la même province, enfin des prieurés du Bourget et de Saint-Innocent.

A l'exception de l'abbaye de Tamié, fondée en 1132 et

'GRILLET, Dictionnaire historique, I, 22.

qui n'eut jamais de juridiction', il est à croire que la plupart des monastères que nous venons de citer jouirent de la totalité ou d'une partie des droits de l'autorité souveraine; et si, à cette époque, on peut douter que Hautecombe, Aulps et Talloires eussent déjà confondu les droits de souveraineté et de propriété, il est certain que plus tard elles purent élever les fourches patibulaires et porter ainsi ombrage à la puissance des seigneurs voisins 2.

Tel était à peu près l'échiquier politique des territoires qui devaient former plus tard le pays de Savoie, lorsque Humbert III succéda à son père sous la tutelle de l'ancien abbé d'Hautecombe.

Né au château d'Avigliana, près de Suse, vers 11303, Humbert apparaît à la vie publique par l'assistance à une

1 BURNIER, Histoire de l'Abbaye de Tamié; Chambéry, 1865.

Amé de Charansonnay, prieur de Talloires, acheta, en 1448, du duc Louis Ier, pour le prix de 200 ducatons, le droit de faire punir du dernier supplice et d'élever des fourches patibulaires sur les territoires de Talloires, de l'Isle, de Vésonne et de Saint-Jorioz. (Mémoires de la Société savoisienne d'histoire, V, 29, 63 et 135.)

Un simple prieur, celui de Neuville en Bresse, obtenait, cette même année et du même prince, le droit de faire punir du dernier supplice. (GUICHENON, Savoie, 509.)

En 1315, le prieur de Saint-Innocent prétendait avoir, en commun avec le comte de Savoie, le droit de juridiction sur toute la paroisse de ce nom.

La date de sa naissance est complètement inconnue, et ce n'est que par induction tirée de certains faits, que nous la reportons à cette date. Guichenon affirme qu'elle eut lieu le 1 avril 1136; mais, soit le mariage d'Humbert vers 1151, soit la signature qu'il paraît avoir apposée, en 1137, à une donation faite par son père, ne permettent pas d'adopter l'opinion de cet auteur. Carron di San Tommaso (Tavole geneal. della Casa di Savoia) et Cibrario, par induction des mêmes faits, la reportent, l'un, vers 1132, l'autre, vers 1129.

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