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thentiques se rapportant au même sujet, mais sans ordre et sous des titres arbitrairement choisis par des copistes ignorants ou par quelque bibliothécaire mal informé » (p. 218).

Tels étaient bien les qualités et les mérites d'Andronicus. Nous voyons d'ailleurs quelle méthode il suivit par un passage de Porphyre qui, à la fin de sa Vie de Plotin, expose qu'il a établi le texte des Ennéades en suivant le procédé employé par Andronicus pour les écrits d'Aristote, c'est-à-dire en rassemblant les passages relatifs à un même sujet et en formant ainsi des traités spéciaux sur chaque matière. Nous avons donc les motifs les plus sérieux de croire que l'enseignement d'Aristote nous a été transmis fidèlement dans les textes que nous avons aujourd'hui. Le travail d'Andronicus fut en effet décisif et définitif. Il ne souleva aucune objection à Athènes ni ailleurs dans le monde philosophique. « Les tables d'Andronicus, dit Plutarque, sont aujourd'hui dans toutes les mains. » Son autorité, acceptée par les adversaires comme par les partisans du péripatétisme, fut confirmée par la longue lignée des commentateurs, notamment par Alexandre d'Aphrodisias (p. 219).

Nous avons même ainsi l'explication de ces « doubles recensions» que les critiques modernes signalent dans certaines parties de l'œuvre d'Aristote. Le premier éditeur n'aura pas voulu choisir entre deux expressions à peu près équivalentes de la même doctrine; il les a juxtaposées et nous les retrouvons par exemple dans le traité de l'Âme, dans l'Éthique Nicomachéenne, dans la Politique. De la même façon, enfin, s'expliquent les changements brusques de style qui se rencontrent parfois dans les traités d'Aristote. Après des développements concis et denses qui sont dans la manière ordinaire du maître et dans les rédactions des disciples, on voit tout à coup d'autres morceaux plus polis de forme, harmonieux même à ravir d'admiration Cicéron, qui les lisait peut-être dans les Dialogues que nous n'avons plus. C'est à cette dernière source qu'Andronicus a dû prendre de belles pages, telles que le début du quatrième livre de la Politique sur la vertu du citoyen, le chapitre Ix du sixième livre sur la psychologie des classes moyennes, le portrait du tyran au huitième, celui du magnanime au quatrième livre de l'Éthique Nicomachéenne. Cette qualité du style d'Aristote a été finement analysée par M. Waddington (p. 222).

L'opposition doctrinale entre les deux plus grands penseurs de la Grèce, très réelle sur des points importants et accentuée intentionnellement par Aristote lui-même dans sa critique de la théorie des Idées, a été relevée assez souvent pour qu'il y ait de l'originalité à noter, dans l'œuvre du disciple, les traces fréquentes des idées du maître et même, en défi

nitive, leur accord fondamental. C'est à quoi M. Waddington s'attache en mainte occasion et surtout à propos des quatre ouvrages de morale transmis jusqu'à nous dans les écrits d'Aristote. Schleiermacher est, encore ici, le premier qui ait tenté, en 1817, d'ébranler la confiance en l'authenticité des traités de morale garantis par la tradition. Il ne reconnaissait Aristote que dans la Grande Morale. Spengel, en 1841, n'admettait comme authentique que la Morale Nicomachéenne, mais il soutenait aussi que le petit traité des Vertus et des vices est évidemment apocryphe. En suivant M. Waddington dans l'examen de cette question, on aboutira à des résultats tout autrement satisfaisants. D'abord ni Andronicus ni aucun des commentateurs anciens n'émettaient le moindre doute sur l'un quelconque des quatre traités; puis, en les présentant dans l'ordre chronologique que permettent d'établir les indications qu'ils contiennent, on voit que l'auteur a exposé à plusieurs reprises sa doctrine morale et que chacune de ces rédactions marque l'étape nouvelle d'une pensée qui, d'abord conforme à celle de Platon, s'en écarte peu à peu, mais sans pouvoir s'en détacher complètement.

Le petit traité des Vertus et des vices contient la division et les définitions des vertus d'après la psychologie de Platon: prudence, courage, tempérance, correspondant aux trois parties de l'âme; et leur accord produit la justice. Mais déjà se montre, dans la définition des vices opposés à ces vertus, le germe de la théorie péripatéticienne qui place chaque vertu entre deux extrêmes; ainsi le courage est un juste milieu entre l'emportement et la lâcheté. Puis, dans l'analyse de la justice, nous trouvons déjà exposée cette distinction entre la justice distributive et la justice commutative qui sera si souvent invoquée dans la Politique et dans l'Éthique : « la justice comporte deux parties, la répartition proportionnelle des avantages et l'observation des contrats (1) ».

Enfin, nous voyons dans la conclusion du traité ce principe tout platonicien « le modèle d'un bon gouvernement est l'âme d'un honnête homme (2) », qui se retrouve chez Aristote au moment décisif de sa théorie morale où il cherche à déterminer le critère suprême du bien et du mał par un appel au jugement de l'homme vertueux. De même que dans les fragments du dialogue intitulé Eudème, écrit du vivant de Platon, et dont l'authenticité n'est pas contestée, on voit Aristote encore fidèle à la doctrine du Phédon sur la nature de l'âme et s'en détachant déjà sur la question de la destinée, de même dans le traité des Vertus et des vices, qui ne peut être que de la même époque, Aristote est encore

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platonicien, mais commence à esquisser des théories qui lui seront propres.

la

Le traité auquel les anciens ont donné le titre de Grande Morale marque une phase postérieure de la doctrine d'Aristote. Il ne peut dater que des premières années de son enseignement au Lycée, et certainement il est antérieur à l'expédition d'Alexandre en Asie puisqu'il y parle de Darius comme vivant encore. Il a d'ailleurs une double marque d'origine. En effet, dès les premières lignes, l'auteur donne à la morale son vrai nom d'Éthique, inusité dans Platon. Mais par une déférence significative envers son maître qui la confondait avec la politique, il déclare que morale est une partie et même le couronnement de la politique. Ensuite, nous notons le premier exemple et la formule même de la méthode employée par Aristote, qui expose d'abord les opinions de ses devanciers avant de présenter la sienne : « il ne faut pas négliger ce qui, antérieurement, a été dit sur le sujet (1)». Enfin, rappelant les doctrines morales de Pythagore, de Socrate et de Platon, il fait à ce dernier le reproche d'avoir introduit la théorie des Idées dans les questions de morale, mais il n'émet aucune objection contre la théorie elle-même (2).

La morale Eudémienne nous montre un progrès nouveau de la doctrine. Dès le début, l'auteur y comble une lacune de la Grande Morale, en posant le problème du bonheur; puis il donne en trois livres la forme définitive de sa théorie de la justice. Il revient d'ailleurs sur la théorie platonicienne des Idées, non plus seulement pour en blâmer l'introduction dans la morale, mais pour lui reprocher d'être hypothétique et arbitraire à l'excès. Enfin, la Morale Nicomachéenne achève l'exposition de sa pensée en reprenant tous les points précédemment traités, en ajoutant deux livres sur l'amitié et en affirmant définitivement sa rupture avec la métaphysique des Idées, en termes qui sont restés célèbres parce qu'ils expriment le respect constant et l'affection d'Aristote pour Platon, tout en plaçant plus haut encore que l'amitié, la vérité. Ainsi s'enchaînent les idées contenues dans les quatre traités, quand on considère leur succession chronologique, telle que peut la déterminer la critique interne aidée par les témoignages que les œuvres portent en elles-mêmes. Il devient dès lors difficile de contester qu'ils soient, tous les quatre, les expressions d'une pensée toujours en progrès et qui, même à son terme, revient à son origine.

(1) 1182 11.

(2) M. Waddington nous confie qu'il a, en manuscrit, une traduction de la

Grande Morale avec notes et commentaire; il rendrait service aux amis de la philosophie ancienne en la publiant.

En effet, pour Aristote comme pour Platon, le dernier degré de la vertu, comme de la science d'ailleurs, est la contemplation du bien absolu, et les vertus dianoétiques, plus encore que les vertus morales, nous rapprochent du divin. Dans l'ordre politique, l'idéal des deux philosophes accentue bien plus leur accord que leur divergence. La politique est, pour l'un comme pour l'autre, une science qui enseigne à rendre les hommes vertueux, c'est-à-dire heureux, et elle est solidaire de la morale, parce que le bien de l'individu ne diffère pas de celui de l'État. Enfin, jusque dans leur théorie dernière de la connaissance, ils ne sont pas loin de se rencontrer, malgré les critiques si fréquentes d'Aristote contre la théorie des Idées, puisqu'il semble bien que pour les deux grands penseurs c'est la contemplation de la réalité intelligible qui forme l'intellect.

En somme, Platon méritait d'avoir un successeur tel qu'Aristote et la relation véritable entre ces deux maîtres de la pensée grecque n'est pas sans analogie avec celle qu'on retrouve, chez les modernes, entre des philosophes qui font comme un couple inséparable dans lequel le disciple, en développant, corrigeant et précisant la doctrine du maître, se fait à son tour chef d'école. Ainsi Leibniz étend et transforme autant qu'il redresse la pensée de Descartes sans cesser d'être cartésien; et l'on ne peut contester que Renouvier soit vraiment kantien, tout en modifiant, comme on le sait, la doctrine de Kant. De même Aristote, à tout prendre, reste le plus profond et le plus original des platoniciens.

C'est là une idée dominante du livre de M. Waddington. Elle s'en dégage comme un aspect plus haut et plus vrai de l'histoire des idées, qui risquait d'être oublié, tant on a insisté sur ce qui sépare deux grands esprits diversement originaux. Il appartenait à M. Waddington de remettre les choses au point, avec l'autorité qui s'attache à sa longue carrière d'historien consacrée à la philosophie, et l'on reconnaîtra, en lisant cet intéressant volume, qu'il y a pleinement réussi.

JULES THOMAS.

LIVRES NOUVEAUX.

W. WUNDT. Völkerpsychologie. Eine Untersuchung der Entwicklungsgesetze von Sprache, Mythus und Sitte. Zweiter Band. Mythus und Religion. Erster Teil. Leipzig, Engelmann, 1905. In-8°, x1-617 p., avec 53 gravures dans le texte.

Le mythe et la religion, écrit l'auteur, sont, de tous les domaines de la vie so

ciale, ceux qui réclament le plus impérieusement une étude psychologique.» Dans le premier volume, c'est de psychologie surtout qu'il est question. M. Wundt n'aborde le mythe et la religion qu'après avoir suivi, dans ses manifestations les plus diverses, la faculté créatrice de l'âme humaine, l'imagination; une « psychologie de la fantaisie» est, suivant lui, la préface nécessaire d'une science des mythes. On peut douter de la légitimité d'une méthode aussi laborieuse, dont le moindre inconvénient est de faire perdre de vue, pendant des centaines de pages, le but indiqué par le titre même de l'ouvrage; mais, cette réserve de principe une fois faite, il y a tout profit à suivre M. Wundt dans l'analyse très détaillée où il se complaît des conditions et des phénomènes de l'imagination, celle des enfants, celle des primitifs, celle des peuples cultivés. Le premier chapitre est consacré à la fantaisie dans ses manifestations générales; le second en décrit les effets dans l'art plastique, la musique, la danse, la littérature; avec le troisième seulement (p. 527), on aborde l'examen des divers systèmes mythologiques, le rapport du mythe avec la poésie, la psychologie de la formation des mythes. Le mythe offre un aliment à la poésie, mais la poésie réagit sur le mythe et le complète; elle n'est, en somme, qu'une modalité plus réfléchie et plus intense de la faculté dont le mythe est le produit. Dans sa critique des systèmes d'exégèse mythologique, M. Wundt se montre peu favorable à celui des anthropologistes et des ethnographes, aujourd'hui si fort en faveur, pour revendiquer les droits de la psychologie. Mais une lecture rapide suffit à prouver que le savant psychologue est imparfaitement informé des nouvelles théories qui ont relégué parmi les curiosités de l'histoire des systèmes comme ceux de Creuzer et de Max Müller; de M. Frazer il ne connaît qu'un article d'Encyclopédie, déjà fort ancien; de MM. Lang, Jevons, Sydney Hartland, il paraît tout ignorer. Ceux qui ont lu les ouvrages de ces mythologues et en ont profité se sentent un peu dépaysés au milieu des abstractions chères à M. Wundt et se demandent si le traitement psychologique de ces questions, où la connaissance et la classification des faits religieux semblent importer davantage, n'est pas un retour malheureux aux procédés de la scolastique. Lorsqu'il s'agit de mythes, c'està-dire de croyances localisées dans l'espace et dans le temps, le seul moyen d'en pénétrer le sens est, apparemment, d'en faire l'histoire et l'on ne conçoit guère que, sur ce terrain, une autre méthode que celle des sciences historiques puisse prétendre à des résultats sérieux. S. REINACH.

D

BARON FR. W. DE BISSING. Denkmäler Egyptischer Sculptur. Lieferung 1. Munich, Bruckmann, 1906.

Ce n'est pas une histoire de la sculpture égyptienne : ce sont les matériaux nécessaires pour l'écrire ou l'enseigner. On ne sait pas assez à quel point nous en étions jusqu'ici dépourvus.

Vingt années de fouilles ont doublé, en Égypte, le nombre des œuvres de premier ordre. Une partie seule a été publiée; encore fut-ce toujours dans des monographies consacrées à Hiéracoupolis, à Licht, à Dahshour, par exemple. Il fallait la rechercher là pièce à pièce, au milieu de la masse des autres documents, et en reconstituer l'inventaire supposait d'abord une connaissance, vraiment difficile à exiger, de la bibliographie égyptologique.

Si cependant l'on retombait aux manuels de vulgarisation, c'était la série, cent fois reproduite, des statues ou des bas-reliefs de la période de Mariette, les images de trop petites dimensions, les procédés d'exécution surannés. Il s'agissait donc de donner, par ordre chronologique, les principaux types, en tenant compte des der

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