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vêque de Narbonne 1, M. l'évêque de Comminges 2, m'avaient fait admettre. >>

En 1780, l'abbé de Périgord fut nommé pour cinq ans. agent général du clergé 3. Ces fonctions convenaient bien à son esprit lucide et à son habileté diplomatique; mais il avait d'autres ambitions. Le 2 novembre 17884, sur les instances du comte de Talleyrand à son lit de mort, le roi Louis XVI, «< bien informé des bonnes vie, mœurs, piété, doctrine, grande suffisance et autres vertueuses et recommandables qualités qui sont en la personne du sieur CharlesMaurice de Talleyrand-Périgord, vicaire général de Reims,>> et convaincu « qu'il emploiera avec zèle et application tous ses talents pour le service de l'Église, » lui fit don de l'évêché d'Autun, vacant par la démission de M. de Marbeuf5, « à la charge d'une pension annuelle et viagère en faveur du sieur Borie des Renaudes, ancien vicaire général de Tulle. » 6

Les Mémoires de Talleyrand ne contiennent pas le moin

1. Arthur-Richard de Dillon, né en 1721, sacré le 28 octobre 1755 évêque d'Evreux; archevêque de Toulouse en 1758 et de Narbonne en 1762.

2. Charles-Antoine-Gabriel d'Osmond de Médavy, né en 1723, sacré le 1er avril 1764 évêque de Comminges.

3. Le clergé de France tenait tous les cinq ans des assemblées où se traitaient les questions relatives à ses privilèges et à ses intérêts pécuniaires. Dans l'intervalle de ces assemblées, le soin des affaires était confié à deux agents généraux élus à chaque période quinquennale par deux des provinces ecclésiastiques à tour de rôle. Ces fonctions largement rétribuées n'étaient pas une sinécure, si l'on considère que la fortune du clergé n'était pas inférieure à 150 millions de revenu, dont 70 millions produits par les biens-fonds et 80 millions provenant des dimes. 4. Talleyrand, né le 13 février 1754, avait près de trente-cinq ans. Le Dictionnaire de Bouillet (1893, p. 1803) dit cependant qu'il fut fait évêque d'Autun dès l'âge de vingt-cinq ans. » La même erreur se trouve dans le Dictionnaire de la Conversation (1860, t. VII, p. 451), qui considère l'évêché d'Autun comme une « magnifique position pour un jeune abbé de vingt-cinq ans. »

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5. Yves-Alexandre de Marbeuf, né en 1734, sacré évêque d'Autun le 12 juillet 1767, transféré en 1788 à l'archevêché de Lyon; mort à Lübeck le 18 avril 1792. 6. Martial Borie des Renaudes, né en 1755, nommé le 12 mars 1789 vicaire général d'Autun. Il suivit Talleyrand à Paris et figura comme sous-diacre, avec l'abbé Louis, à la messe de la Fédération. Plus tard, il fut employé au ministère des relations extérieures, membre du Tribunat après le 18 Brumaire, conseiller à vie de l'Université en 1808. Il remplit ensuite les fonctions de censeur et les continua sous la Restauration. Il mourut en 1825.

dre renseignement sur cette période de sa vie. L'évêque apostat s'est tu à dessein. Pas un mot, pas une allusion ne vise sa prélature. Le lecteur qui ne serait pas au courant des incidents de cette existence agitée ne s'en douterait même pas, si, à la fin du premier chapitre, l'auteur des Mémoires. n'ajoutait négligemment qu'après la consécration des premiers évêques constitutionnels il donna sa démission de l'évêché d'Autun. C'est ainsi qu'on apprend que le roi, si bien informé, l'y avait appelé.

L'histoire des trois premiers mois de cet épiscopat a déjà été faite1, et peu de lignes suffisent à la résumer. Talleyrand fut sacré le 16 janvier 1789, dans la chapelle du séminaire d'Issy, par l'évêque de Noyon2, assisté des évêques de Béziers et de Saint-Dié. Le lendemain, il reçut le « pallium » des mains de l'archevêque de Paris 5. Le 26 janvier, il délégua le grand chantre, M. Simon de Grandchamp, pour prendre possession de l'évêché en son nom, et publia à cette occasion une lettre pastorale où, paraphrasant un mot de l'apôtre saint Paul, Desidero videre vos, il exprimait le plus vif désir de voir ses diocésains. Et après avoir touché un mot de la mort récente de son père 6, qui l'avait appelé de tous ses vœux « dans ce diocèse où son épouse 7 avait reçu le jour,» il priait les fidèles de demander à Dieu pour lui « la pureté d'intention qui ne veut que le bien, la piété

1. Annales de la Société Éduenne, 1853-1857. Autun, Dejussieu, 1858, p. 115 à 14. Le Prince de Talleyrand, par M. l'abbé Devoucoux.

2. Louis-André de Grimaldi, des princes de Monaco, né en 1736, sacré évêque du Mans le 5 juillet 1767, transféré plus tard au siège de Noyon.

3. Aymard-Claude de Nicolaï, né en 1738, sacré évêque de Béziers le 13 octobre 1771.

4. Louis-Martin de Chaumont de la Galaisière, né en 1737, sacré évêque de Saint-Dié le 11 septembre 1777.

5. Antoine-Eléonor-Léon Le Clerc de Juigné de Neuchelles, né en 1728, sacré évêque de Châlons-sur-Marne le 29 avril 1764, transféré à l'archevêché de Paris en 1781; émigré en 1791; mort en 1811.

6. 4 novembre 1789.

7. Alexandrine-Victoire-Eléonore Damas d'Antigny, fille de Joseph-François, marquis d'Antigny, et de Marie-Judith de Vienne, mariée le 12 janvier 1751 à Daniel-Charles, comte de Talleyrand,

qui est utile à tous, l'esprit de discernement qui choisit les temps et les moyens, et la douceur qui prépare les esprits, et la force qui résiste aux obstacles, et la bonté qui souvent les prévient, etc... »

Talleyrand était moins pressé de voir ses ouailles qu'il ne l'assurait. Deux mois s'écoulèrent entre son sacre et son arrivée à Autun. Peut-être ce délai eût-il été plus long, si les circonstances n'avaient déterminé le nouveau prélat à ne pas différer son départ. Le 24 janvier, des lettres royales avaient ordonné la convocation des États généraux pour le 27 avril. Dans les premiers jours de mars, « le sieur évêque d'Autun, les abbés, prieurs, curés de paroisses, etc. >> furent assignés à comparaitre à une assemblée préliminaire dont la date était fixée au 28 mars. Il n'y avait plus à hésiter. Un avenir politique s'ouvrait aux yeux clairvoyants du jeune prélat, et il n'était pas homme à laisser échapper l'occasion. Talleyrand arriva, le 12 mars, dans sa ville épiscopale et prit, le 15, possession personnelle de son siège, ainsi que le constate le procès-verbal dressé par « Claude-Bernard Jovet, notaire royal, apostolique, reçu au bailliage et à la chambre diocésaine d'Autun, » assisté, comme témoins, de M° Gabriel Jarriot, notaire royal, et de Me Claude-François Fragnière, greffier en chef du bailliage.

Si Talleyrand a prêté dans le cours de sa longue existence bien des serments 1, il n'en est pas qu'il ait violés plus outrageusement que ceux de son épiscopat. « Je ne vendrai point, je ne donnerai point, je n'engagerai point, je n'aliénerai point, de quelque manière que ce soit, les biens. appartenant à la mense épiscopale..., » avait-il juré le jour de son sacre. A l'heure de son installation, il prit des enga

1. « Sire, c'est le treizième, » disait-il en 1815 à Louis XVIII, « j'espère que ce sera le dernier. » Mais cette espérance fut déçue, car il prêta un quatorzième serment à Louis-Philippe.

gements analogues. « Je jure et promets, » déclara-t-il à la porte de l'évêché et au seuil de la cathédrale, « d'observer inviolablement et de défendre tous les privilèges, libertés, franchises, immunités, statuts, exemptions, droits et coutumes de l'Église d'Autun, mon épouse, etc... » Quelques années après, l'épouse s'appelait Mme Grand. Jamais divorce ne fut plus éclatant.

Le 16 mars, Talleyrand présida le conseil de ses vicaires. généraux. Mais déjà la politique absorbait tous ses instants. Deux cent neuf ecclésiastiques se trouvaient réunis à Autun, à l'effet de rédiger le cahier des délibérations du clergé. Le nouveau prélat n'avait pas de temps à perdre pour poser sa candidature et se concilier des suffrages. Sa figure agréable, son regard pénétrant, l'élégance de ses manières, l'aménité de sa parole, prévenaient en sa faveur. Le pli caractéristique qui se dessina plus tard aux commissures de ses lèvres était à peine indiqué, et un fin sourire tempérait à volonté son habituelle gravité1. Mais peut-être ces séductions personnelles eussent-elles été insuffisantes. Talleyrand ne négligea pas d'autres moyens. Il envoyait ainsi ses vicaires généraux dans les villes voisines et dans les campagnes pour préparer l'opinion à son profit 2. Préludant aux raffinements culinaires qui ont perpétué son nom dans les fastes de la gastronomie, il tenait table ouverte au palais épiscopal et traitait magnifiquement les députés du clergé en déplacement à Autun. Chaque jour la marée arrivait par des courriers spéciaux, et les rigueurs du carême s'en trouvaient fort adoucies. Le Chapitre de la cathédrale fut bientôt conquis, et le courant de ses sympathies entraîna la majeure partie des curés, déjà gagnés par l'affabilité de leur évêque.

1. Voir à la Bibliothèque nationale le portrait dessiné par Perrin, gravé par Courbe et édité par Dejabin, avec la légende suivante Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun, né à Paris en 1754, député d'Autun à l'Assemblée nationale.

2. Mémoires historiques ms. du chanoine Legoux.

Sous l'habile et discrète impulsion de ce dernier, le cahier des délibérations fut dressé en quelques jours. Dès le 1er avril, lecture en était donnée à l'assemblée, et le lendemain Talleyrand était élu député à une très forte majorité. 1

Ce qu'il faut retenir de ce cahier pour apprécier l'attitude ultérieure de l'évêque d'Autun, c'est la ligne de conduite que le clergé traçait sur certains points à son mandataire :

En matière religieuse : « Demander que la religion catholique, apostolique et romaine soit déclarée être la seule religion de l'État, et que tout autre culte public soit prohibé pour toujours; »>

En matière financière : « Annoncer beaucoup pour l'ave nir, mais faire peu pour le présent et s'interdire tout grand changement précipité qui bouleverserait tout; »

Sur le principe de la propriété « Déclarer que tout ce qui porte ce caractère sera éternellement sacré. »

On sait comment Talleyrand suivit ces instructions, dont la rédaction lui appartenait et qu'il avait revêtues de sa signature; mais sa conscience ignora toujours les scrupules, et jamais les reproches dont il fut l'objet ne troublèrent son apparente impassibilité.

Quelques dates précisent ses faits et gestes à Autun. Le 6 avril, il visita le collège tenu par les prêtres de l'Oratoire et entendit sans broncher une belle amplification du P. Mathié, professeur de rhétorique, qui, avec infiniment plus d'à-propos qu'il ne le soupçonnait lui-même, traita « de l'influence de la morale des chefs sur les esprits des peuples 2. » Le lendemain, il présida le conseil épiscopal; le 10 avril, il signa trois nominations de vicaires généraux3; le 11, il apposa également sa signature au bas d'une décision qui réduisait le nombre des canonicats de la collégiale

1. Mémoires de la Société Éduenne, t. VII, p. 373; t. XIV, p. 115; t. XX, p. 200.

2. Archives du Collège, Livre du Collège, p. 17.

3. MM. Mahieu, Tricot et Gabon.

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