Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

tout est ténèbre; à peine apperçoit-il quelques fantômes, qui remontant du fond des deux abymes, surnagent un instant à leur surface et se replongent pour jamais, avant qu'on ait pu les saisir.

Mais quelles que soient les conjectures sur ces ruines Américaines, quand on y joindroit les visions d'un monde primitif, et les chimères d'une Atlantide, la nation civilisée qui a peut-être promené la charrue dans la plaine où l'Iroquois poursuit aujourd'hui les ours, n'a pas eu besoin pour consommer ses destinées, d'un temps plus long, que celui qui a dévoré les empires des Cyrus, des Alexandre et des César. Heureux du moins ce peuple, qui n'a point laissé de nom dans l'histoire, et dont l'héritage n'a été recueilli que par les chevreuils des bois, et les colombes du ciel! Nul ne viendra renier le Créateur dans ces retraites sauvages, et, la balance à la main, peser la poudre des morts, pour prouver l'éternité de la race humaine.

Pour nous, amans solitaires de la nature, et simples confesseurs de la Divinité, nous nous sommes assis sur ses ruines. Voyageurs sans renom, nous avons causé avec ces débris comme nous-mêmes ignorés. Le souvenir confus des hommes et les vagues rêveries du désert, se mêloient au fond de notre ame. La nuit étoit au milieu de sa course; tout étoit

muet, et la lune, et les bois, et les tombeaux. Seulement à longs intervalles, on entendoit la chûte de quelque arbre, que la hache du temps abattoit dans la profondeur des forêts: ainsi tout tombe, tout s'anéantjt.

Nous ne nous croyons pas obligés de parler sérieusement des quatre jogues, ou âges Indiens, dont le premier a duré trois millions deux cent mille ans, le troisième un million seize cent mille ans, et le quatrième, ou l'age actuel, qui durera quatre cent mille ans.

Si l'on joint à toutes ces difficultés de chronologie, de logographie, de faits, les erreurs qui naissent des passions de l'historien, ou des hommes qui vivent dans ses fastes; si l'on y ajoute les fautes de copistes, et mille accidens de temps et de lieux, il faudra de nécessité convenir, que toutes les raisons en faveur de l'antiquité du globe par l'histoire, sont aussi peu satisfaisantes, qu'inutiles à rechercher. Et certes on ne peut nier que c'est assez mal établir la durée du monde, que d'en pren. dre la base dans la vie humaine. Quoi! c'est par la succession rapide d'ombres d'un moment, que l'on prétend nous démontrer la permanence et la réalité des choses! C'est par des décombres qu'on veut nous prouver une société sans commencement et sans fin! Faut-il donc beaucoup de jours, pour amasser beaucoup

1

de ruines? Que le monde seroit vieux, si l'on comptoit ses années par ses débris!

CHAPITRE V.

Astronomie.

ON cherche dans l'histoire du firmament les secondes preuves de l'antiquité du monde et des erreurs de l'Ecriture. Ainsi les cieux qui racontent la gloire du Très-Haut à tous les hommes, et dont le langage est entendu de tous les peuples (1), ne disent rien à l'incrédulité. Heureusement ce ne sont pas les astres qui sont muets ; ce sont les athées qui sont sourds.

L'astronomie doit sa naissance à des pasteurs. Dans les magnifiques déserts d'une création nouvelle, les premiers humains voyoient se jouer autour d'eux leurs jeunes familles et leurs nombreux troupeaux. Heureux jusqu'au fond de l'ame, une prévoyance inutile ne détruisoit point leur bonheur. Dans le départ des oiseaux de l'automne, ils ne remarquoient point la fuite des années, et la chûte des feuilles ne les avertissoit que du retour des frimats. Lorsque le côteau prochain avoit donné toutes ses herbes à leurs brebis, montés sur leurs chariots couverts de peaux, avec leurs fils et leurs

(1) Ps. 18. v. 1-3.

épouses, ils alloient à travers les bois chercher quelque fleuve ignoré, où la fraîcheur des ombrages et la beauté des solitudes, les invitoient à se fixer de nouveau.

Mais il falloit une boussole, pour se conduire dans ces forêts sans chemins et le long de ces fleuves sans navigateurs; on se confia naturellement à l'expérience des astres; on se dirigea sur leur cours. A-la-fois législateurs et guides, ils réglèrent la tonte des brebis, et les migrations lointaines. Chaque famille s'attacha aux pas d'une constellation; chaque étoile marchoit à la tête d'un troupeau. A mesure que les pasteurs se livroient à ces études, ils décou vroient de nouvelles loix. En ce temps là, Dieu se plaisoit à dévoiler les routes du soleil aux habitans des cabanes ; et la Fable raconta qu'Apollon étoit descendu chez les bergers.

De petites colonnes de briques servoient à conserver le souvenir des observations: jamais plus grand empire n'eut une histoire plus simple. Avec le même instrument dont il avoit percé sa flûte, auprès du même autel, où il avoit immolé le chevreau premier né, le pâtre gravoit sur un rocher, ses immortelles découvertes. Il plaçoit ailleurs d'autres témoins de cette pastorale astronomie : il échangeoit d'annales avec le firmament; et de même qu'il avoit écrit les fastes des étoiles parmi ses troupeaux, il écrivoit les fastes de

K..

ses troupeaux parmi les étoiles. Le soleil, en voyageant, ne se reposa plus que dans des bergeries: le taureau annonça par ses mugissemens le passage du Père du jour, et le bélier l'attendit, pour le saluer au nom de son maître; on vit au ciel des vierges, des enfans, des épis de bled, des instrumens de labourage, des agneaux, et jusqu'au chien du berger : la sphère entière devint comme une grande maison rustique, habitée par le pasteur des hommes. Ces beaux jours s'évanouitent, les hommes en gardèrent une mémoire confuse, dans ces histoires de l'âge d'or, où l'on trouve le règne des astres toujours mêlé à celui des troupeaux. L'Inde est encore aujourd'hui astronome et pastorale, comme l'Egypte l'étoit autrefois. Cependant avec la corruption naquit la pròpriété, et avec la propriété, la mensuration, second âge de l'astronomie. Mais par une destinée assez remarquable, ce furent encore les peuples les plus simples qui connurent le mieux le systême céleste. Le pasteur du Gange commit moins d'erreurs que le savant d'Athènes : on eût dit que la muse de l'astronomie avoit retenu un secret penchant pour les bergers, ses premières amours.

Durant les longues calamités qui accompagnèrent et qui suivirent la chûte de l'Empire Romain, les sciences n'eurent d'autre retraite que le sanctuaire de cette église, qu'elles pro

« ZurückWeiter »