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tures (1). Nous citons d'autant plus volontiers M. Bailly, que cet estimable savant est mort victime des malheureux principes que nous avons entrepris de combattre. Lorsque cet homme infortuné écrivoit à propos d'Hypatia, jeune femme astronome, massacrée par les habitans d'Alexandrie, que les modernes épargnent au moins la vie, en déchirant la réputation, il ne se doutoit guères qu'il seroit luimême une preuve lamentable de la fausseté de son assertion, et qu'il renouvelleroit l'histoire d'Hypatia!

Au reste, tous ces calculs infinis de générations et de siècles, que l'on retrouve chez plusieurs peuples, ont leur source dans une foiblesse naturelle au cœur humain. Les hommes, qui sentent en eux-mêmes un principe d'immortalité, sont comme tout honteux de la briéveté de leur existence : ils leur semblent qu'en entassant tombeaux sur tombeaux, ils cacheront ce vice capital de leur nature, qui est de durer peu, et qu'en ajoutant du néant à du néant, ils parviendront à faire une éternité. Mais ils se trahissent eux-mêmes, et découvrent ce qu'ils prétendent dérober: car plus la pyramide funèbre est élevée, plus la statue vivante placée au sommet, diminue; et la vie paroît encore

(1) Bail. Ast. Ind. Disc. prél, part. 11, p. 126, etc.

bien plus petite, quand l'énorme fantôme de la Mort l'exhausse dans ses bras.

CHAPITRE V I.

Suite du précédent. Histoire naturelle.
Déluge.

pour

L'ASTRONOMIE n'étant donc pas suffisante détruire le systême de l'Ecriture (1), on revient à l'attaque par l'histoire naturelle : les uns nous parlent de certaines époques où l'univers entier se rajeunit, les autres nient les grandes catastrophes du globe, tel que le déluge universel; ils disent : « Les pluies ne sont que les » vapeurs des mers. Or, toutes les mers ne suf>> firoient pas pour couvrir la terre, à la hau»teur dont parlent les Ecritures. » Nous pourrions répondre que raisonner ainsi, c'est aller contre ces mêmes lumières dont on fait tant de bruit, puisque la chimie moderne nous appreud

כל

(1) On rit de Josué qui commande au soleil de s'arrêter. Nous n'aurions pas cru être obligés d'apprendre à notre siècle, que le soleil n'est pas immobile, quoique centre. On a excusé Josué, en disant qu'il parloit exprès comme le vulgaire ; il eût été aussi simple de dire qu'il parloit comme Newton. Si vous vouliez arrêter une montre, vous ne briseriez pas une petite roue mais le grand ressort, dont le repos fixeroit subitement le

systême.

que l'air peut être transmué en eau; alors quel effroyable déluge! Mais nous renonçons volontiers à ces tristes raisons, empruntées des sciences, qui rendent compte de tout à l'esprit, sans rendre compte de rien au cœur. Nous nous contenterons de répondre, que pour noyer entièrement la partie terrestre du globe, il suffit que l'Océan franchisse ses rivages, en entraînant toute l'eau de ces gouffres. D'ailleurs, hommes présomptueux, avez-vous pénétré dans les trésors de la grêle? et connoissez-vous les réservoirs de cet abyme, où le Seigneur puise la mort, au jour terrible de ses vengeances?

Soit que Dieu, soulevant le bassin des versât sur les continens l'Océan trou

mers,

blé; soit que, détournant le soleil de sa route, il lui commandât de se lever sur le pôle avec des signes funestes; il est certain qu'un affreux déluge a ravagé la terre.

rent,

En ce temps là la race humaine fut presque anéantie. Toutes les querelles des nations finitoutes les révolutions cessèrent. Rois, peuples, armées ennemies suspendirent leurs haines sanglantes, et s'embrassèrent saisis d'une mortelle frayeur. Les temples se remplirent de pâles supplians, qui avoient peut-être renié la Divinité toute leur vie; mais la Divinité les renia à son tour, et bientôt on annonça que l'Océan tout entier étoit aussi à la porte

des témples. En vain les mères sé sauvèrent avec leurs enfans sur le sommet des montagnes; en vain l'amant crut trouver un abri pour sa maîtresse, dans la même grotte où il avoit trouvé un asyle pour ses plaisirs; en vain les amis disputèrent aux ours effrayés la cîme des chênes; l'oiseau même, chassé de branche en branche par le flot toujours croissant, fatigua inutilement ses ailes, sur des plaines d'eau sans rivages. Le soleil, qui n'éclairoit plus que la mort au travers des nues livides, se montroit terne et violet comme un énorme cadavre noyé dans les cieux. Les volcans s'éteignirent, en vomissant de tumultueuses fumées, et l'un des quatre élémens, le feu, périt avec la lumière. Ce fut alors que le monde se couvrit d'horribles ombres, d'où sortoient d'effrayantes clameurs; ce fut alors qu'au milieu des humides ténèbres, le reste des êtres vivans, le tigre et l'agneau, l'aigle et la colombe, le reptile et l'insecte, l'homme et la femme gagnèrent tous ensemble la roche la plus escarpée du globe; l'Océan les y suivit; et soulevant autour d'eux sa menaçante immensité, fit disparoître sous ses solitudes orageuses, le dernier point de la

terre.

dit

Dien, ayant accompli sa vengeance, aux mers de rentrer dans l'abyme : la terre bâilla de toutes parts, et engloutit les vastes ondes. Mais le Seigneur voulut imprimer sur

ce globe des traces éternelles de son courroux : les dépouilles de l'éléphant des Indes s'entassèrent dans les régions de la Sibérie; les coquillages Magellaniques vinrent s'enfoncer dans les carrières de la France; des bancs entiers de corps marins s'arrêtèrent au sommet des Alpes, du Taurus et des Cordilières, et ces montagnes elles-mêmes furent les monumens que Dieu laissa dans les trois mondes, pour marquer son triomphe sur les impies, comme un monarque plante un trophée, dans le champ où il a défait ses ennemis.

vagues

Il ne se contenta pas de ces attestations générales de sa colère passée; sachant combien l'homme perd aisément la mémoire du malheur, il en multiplia les souvenirs dans sa demeure. Le soleil n'eut plus pour trône au inatin et pour lit au soir, que l'élément humide, où il s'éteignit tous les jours, ainsi qu'au temps du déluge. Les nuages du ciel imitèrent des amoncelées, des grèves ou des écueils blanchissans. Sur la terre, les rochers laissèrent tomber des cataractes; la lumière trompeuse de la lune, les vapeurs blanches du soir, couvrirent souvent les vallées des apparences d'une nappe d'eau; il naquit dans les lieux les plus arides, des arbres, dont les branches affaissées pendirent pesamment vers la terre, comme si elles sortoient encore toutes trempées du sein des ondes; deux fois par jour la mer reçut

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