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DU CHRISTIANISME,

O U

BEAUTÉS

DE

LA RELIGION CHRÉTIENNE.

PREMIÈRE PARTIE.

DOGMES ET DOCTRINE.

LIVRE SIXIÈM E.

IMMORTALITÉ DE L'AME, PROUVÉE PAR LA

MORALE ET LE SENTIMENT.

CHAPITRE PREMIER.

Desir de bonheur dans l'homme.

QUAND il n'y auroit d'autres preuves de l'existence de Dieu que les merveilles, ou, pour ainsi dire, que la poésie de la nature, ces preuves sont si fortes, qu'elles suffiroient pour

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convaincre tout homme qui ne cherche que la vérité. Mais si ceux qui nient la Providence, ne peuvent expliquer sans elle les miracles de la création, ils sont encore plus embarrassés lorsqu'il faut qu'ils répondent aux objections de leur propre cœur. En renonçant à l'Être suprême, ils sont obligés de renoncer à une autre vie; et cependant leur ame les agite, elle se présente à chaque instant devant eux, et les force, en dépit des sophismes, à confesser son existence et son immortalité.

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Qu'ils nous disent d'abord si l'ame s'éteint au tombeau, d'où leur vient le desir de bonheur qui les tourmente? Toutes nos passions ici-bas se peuvent aisément rassasier : l'amour l'ambition, la colère ont une plénitude assurée de jouissance; le besoin de félicité est le seul qui manque de satisfaction comme d'objet ; car on ne sait ce que c'est que cette vague félicité qu'on desire. Il faut convenir que si tout est matière, la nature s'est ici étrangement trompée; elle a fait un sentiment sans but.

Il est certain que notre ame demande éternellement ; à peine a-t-elle obtenu l'objet de sa convoitise, qu'elle demande encore; l'univers entier ne la satisfait point. L'infini est le seul champ qui lui convienne : elle aime à se perdre dans les nombres, à concevoir les plus grandes comme les plus petites dimensions, à multiplier sans terme. Enfin gonflée, et non rassasiée de

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tout ce qu'elle a dévoré, elle se précipite dans le sein de Dieu, où viennent s'absorber toutes les idées de l'infini, en perfection, en temps et en espace. C'est le seul centre de repos qu'elle se fait ; mais elle ne se plonge dans le sein de la Divinité, que parce que cette Divinité est pleine de ténèbres, Deus absconditus. Si elle en obtenoit une vue distincte, elle la dédaigneroit, comme tous les objets qu'elle mesure. On pourroit même dire que ce seroit avec quelque sorte de raison; car, si l'ame s'expliquoit bien le principe éternel de chose, elle seroit ou supérieure à ce principe, ou du moins son égale. Il n'en est pas des êtres intellectuels comme des êtres physiques : un homme peut comprendre la puissance d'un roi sans être un roi; mais un homme qui comprendroit Dieu seroit Dieu.

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Or, les animaux ne sont point troublés par cette espérance que manifeste le cœur de l'homme; ils atteignent sur-le-champ à leur suprême bonheur un peu d'herbe satisfait l'agneau, un peu de sang rassasie le tigre. Que si l'on soutenoit, d'après quelques philosophes, que la diverse conformité des organes fait toute la différence entre nous et la brute, on pourroit peut-être admettre ce raisonnement dans les actes purement matériels; mais qu'importe ma main à ma pensée, lorsque dans le calme de la nuit, je m'élance dans tous ces espaces

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pour y trouver l'Ordonnateur de tant de mondes? Pourquoi le boeuf ne fait-il pas comme moi?. Ses yeux lui suffisent; et quand il auroit mes pieds ou mes bras, ils lui seroient pour cela fort. inutiles. Il se peut coucher sur la verdure, lever la tête vers les cieux, et appeler par ses mugissemens l'Être inconnu qui remplit cette immensité. Mais non, il préfère le gazon qu'il foule; et tandis que ces millions de soleils sont, au plus haut du firmament, les grandes évidences de Dieu, l'animal dort paisiblement, sans se douter qu'avec les merveilles de son instinct, il est jeté lui-même sous l'arbre où il repose comme une petite preuve de 1Intelligence divine.

Donc la seule créature qui cherche audehors, et qui n'est pas à soi-même son tout, c'est l'homme. On dit que le peuple n'a point cette inquiétude mystérieuse: il est, sans doute moins malheureux que nous car il est distrait de ses desirs par un travail pénible; il boit ses sueurs pour appaiser sa soif de félicité. Mais quand vous le voyez se consumer six jours de la semaine, pour jouir de quelques plaisirs le septième; quand toujours espérant le repos et ne le trouvant jamais, il arrive à la mort sans cesser de desirer; direzvous qu'il ne partage pas la secrète aspiration de tous les hommes vers un bien-être inconnu? Que si l'on prétend que ce souhait est du moins

borné pour lui aux choses de la terre, cela n'est rien moins que certain : donnez à l'homme le plus pauvre, tous les trésors du monde, suspendez ses travaux, satisfaites ses besoins; avant que quelques mois se soient écoulés, il en sera encore à l'espérance.

D'ailleurs est-il vrai que le peuple, même dans son état de misère, ne connoisse pas ce desir de bonheur qui s'étend au-delà de la vie? D'où vient cet instinct mélancolique qu'on remarque dans l'homme champêtre? Nous l'avons vu seul à la porte de sa cabane, tandis que sa famille étoit allée prier ce Moissonneur, qui séparera le bon grain de l'ivraie; il prêtoit l'oreille au son de la cloche, son attitude étoit pensive; il n'étoit distrait, ni par les passereaux de l'aire voisine, ni par les insectes qui bourdonnoient autour de lui. Cette noble figure de l'homme, plantée comme la statue d'un Dieu sur le seuil d'une chaumière; ce front sublime quoique chargé de soucis; ces épaules ombragées d'une noire chevelure, et qui sembloient encore s'élever comme pour soutenir le ciel quoique courbées sous le fardeau de la vie; tout cet être si majestueux bien que misérable, ne pensoit-il à rien, ou songeoit-il seulement aux choses d'ici-bas? Ah! ce n'étoit pas l'expression de ces lèvres entr'ouvertes, de ce corps immobile, de ce regard attaché à la terre : le souvenir de Dieu étoit là avec le son de la cloche religieuse.

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