Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

CHAPITRE VIII.

Bonheur des Justes.

On demande quelle est cette plénitude de bonheur céleste, promise à la vertu par le christianisme; on se plaint de sa trop grande mysticité : : «< du moins, dans le systême mytho»logique, dit-on, on pouvoit se former une » image des plaisirs des ombres heureuses; mais » comment comprendre la félicité des élus ? »

Fénélon l'a cependant devinée cette félicité lorsqu'il fait descendre Télémaque au séjour des mânes: son élysée est visiblement un paradis chrétien. Comparez cette description à l'élysée de l'Enéide, et vous verrez quels progrès le christianisme a fait faire à la raison et au cœur de l'homme.

«Une lumière pure et douce se répand autour » des corps de ces hommes justes, et les envi» ronne de ses rayons comme d'un vêtement : » cette lumière n'est point semblable à la » lumière sombre, qui éclaire les yeux » des misérables mortels, et qui n'est que » ténèbres; c'est plutôt une gloire céleste

[ocr errors]

qu'une lumière : elle pénètre plus subtile»ment les corps les plus épais, que les rayons » du soleil ne pénètrent le plus pur crystal: » elle n'éblouit jamais; au contraire, elle

[ocr errors]

fortifie les yeux, et porte dans le fond de » l'ame, je ne sais quelle sérénité: c'est d'elle

seule que les hommes, bienheureux sont >> nourris; elle sort d'eux, et elle y entre; » elle les pénètre, et s'incorpore à eux, » comme les alimens s'incorporent à nous. Ils » la voient, ils la sentent, ils la respirents » elle fait naître en eux une source intarissa»ble de paix et de joie : ils sont plongés dans » cet abyme de délices, comme les poissons >> dans la mer; ils ne veulent plus rien; ils » ont tout, sans rien avoir; car ce goût de » de lumière pure, appaise la faim de leur

≫ cœur.

» Une jeunesse éternelle, une félicité sans fin, » une gloire toute divine, est peinte sur leur

visage: mais leur joie n'a rien de folâtre »> ni d'indécent; c'est une joie douce, noble, »pleine de majesté; c'est un goût sublime de

la vérité et de la vertu qui les transporte: ils >> sont sans interruption, à chaque moment, » dans le même saisissement de coeur où est » une mère qui revoit son cher fils qu'elle » avoit cru mort; et cette joie, qui échappe » bientôt à la mère, ne s'enfuit jamais du >> cœur de ces hommes (1).».

Les plus belles pages du Phédon sont moins

[ocr errors]
[ocr errors]

divines que cette peinture; et cependant Fénélon, resserré dans les bornes de sa fiction, n'a pu attribuer aux Ombres tout le bonheur qu'il eût rétracé dans les véritables élus.

Le plus pur de nos sentimens dans ce monde, c'est l'admiration; mais cette admiration terrestre est toujours mêlée de foiblesse, soit dans l'objet qui admire, soit dans l'objet admiré. Qu'on imagine un être parfait, source de tous les êtres, en qui se voit clairement et saintement le secret des choses, et tout ce qui fut, rest, et sera qu'on suppose en même temps une ame exempte d'envie et de besoin, incorruptible, inaltérable, infatigable, capable d'une attention sans fin; qu'on se la figure contemplant le Tout-Puissant, puisant sans cesse en lui de nouvelles connoissances et de nouvelles perfections; passant d'admiration en admiration, et ne s'appercevant de son existence, que par le sentiment prolongé de cette même admiration; concevez de plus Dieu comme souveraine beauté, comme principe universel d'amour; représentez-vous toutes les amitiés de la terre, venant se perdre ou se réunir dans cet abyme de sentimens, ainsi que des gouttes d'eau dans la mer, de sorte que l'ame fortunée aime Dieu uniquement, sans pourtant cesser d'aimer les amis qu'elle eut ici-bas; persuadez-vous enfin que le prédestiné a la conviction intime que

[ocr errors]

son bonheur ne finira point : alors vous aurez une idée, quoiqu'à la vérité très-imparfaite, de la félicité des justes; alors vous comprendrez, que tout ce que le chœur des bienheureux puisse faire entendre, c'est ce cri de Saint! Saint! Saint! qui meurt et renaît éternellement, dans l'extase éternelle des cieux.

TIN DU TOME PREMIE R.

[ocr errors]
« ZurückWeiter »