Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

félicité d'une seconde épouse; c'est en vain que vous y comptez. Lui-même ne gagnera pas davantage à ses échanges. Ce qu'il prend pour des différences d'humeur entre lui et la femme à laquelle il est uni, n'est que le penchant de son inconstance, et l'inquiétude de son desir. L'habitude et la longueur du temps, sont plus nécessaires au bonheur, et même à l'amour, qu'on ne pense. On n'est heureux dans l'objet de son attachement, que lorsqu'on a vécu beaucoup de jours, et surtout beaucoup de mauvais jours avec lui. Il faut se connoître jusqu'au fond de l'ame ; il faut que le voile mystérieux dont on couvroit les deux époux dans l'église primitive, soit soulevé par eux dans tous ses replis, tandis qu'il reste impénétrable à l'œil des autres. Quoi! sur le moindre caprice, il faudra que je craigne de me voir privé de ma compagne et de mes enfans, et que je renonce à l'espérance de couler mes vieux jours au milieu d'eux ? Et qu'on ne dise pas que cette frayeur me forcera d'être meilleur époux: non, on ne s'attache qu'au bien dont on est sûr ; on n'aime point une propriété qu'on peut perdre.

Ne donnons point à l'hymen les ailes de l'amour; ne faisons point d'une sainte réalité un fantôme volage. Une chose détruira encore votre bonheur dans vos liens d'un instant: vous y serez poursuivi par vos souvenirs.

Vous comparerez, sans cesse, une épouse à l'autre ; ce que vous avez perdu et ce que vous avez trouvé; et, ne vous y trompez pas, la balance sera toute en faveur des choses passées : ainsi Dieu a fait le cœur de l'homme. Cette distraction d'un sentiment par un autre, empoisonnera toutes vos joies. Caresserez-vous votre nouvel enfant? vous songerez à celui que Vous avez délaissé. Presserez - vous votre femme sur votre cœur? votre cœur vous dira que ce n'est pas le sein de la première. Tout tend à l'unité dans l'homme; il n'est point heureux s'il se divise, et comme Dieu, qui le fit à son image, son ame cherche sans cesse à consacrer en un point le passé, le présent et l'avenir (1).

Voilà ce que nous avions à dire sur les sacremens d'Ordre et de Mariage. Quant aux tableaux qu'ils retracent, il seroit superflu de les décrire. Quelle imagination assez paresseuse a besoin qu'on l'aide à se représenter ou le prêtre abjurant les joies de la vie, pour se donner aux malheureux, ou la jeune fille se vouant au silence des solitudes, pour trouver le silence du cœur, ou les époux promettant de s'aimer au pied des autels? L'épouse du

(1) On peut consulter la brochure de M. de Bonald sur le divorce; c'est un des meilleurs ouvrages, qui ait paru depuis long-temps.

chrétien n'est pas une simple mortelle, c'est un être extraordinaire, mystérieux, angélique ; c'est la chair de sa chair, le sang de son sang. En s'unissant à elle, il ne fait que reprendre une partie de sa substance. Son ame, ainsi que son corps, sont incomplets sans la femme: il a la force ; elle a la beauté; il combat l'ennemi et laboure le champ de la patrie; mais il n'entend rien aux détails domestiques, la femme lui manque pour apprêter son repas et son lit; il a des chagrins, et la compagne de ses nuits est là pour les adoucir; ses jours sont mauvais et troublés, mais il trouve des bras chastes dans sa couche. Sans la femme il seroit rude, grossier, solitaire, et il ignoreroit la grâce, qui n'est que le sourire de l'amour. La femme suspend autour de lui les fleurs de la vie comme ces lianes des forêts, qui décorent le tronc des chênes de leurs guirlandes parfumées. Enfin l'époux chrétien et son épouse vivent,' renaissent et meurent ensemble. Sortis du même sang, ils ont péché ensemble dans les bocages d'Eden; ensemble ils portent la peine de leurs fautes; ensemble ils élèvent les fruits de leur union; en poussière ils retournent ensemble et se retrouvent ensemble par-delà les limites du tombeau.

[ocr errors]

F

CHAPITRE X I.

L'Extrême-Onction.

MAIS C'est à la vue de ce tombeau, portique silencieux d'un autre monde, que le christianisme déploie toute sa sublimité. Si la plupart des cultes antiques ont consacré la cendre des morts, ils n'ont point songé à préparer l'ame pour ces rivages inconnus, dont on ne revient jamais.

Venez voir le plus beau spectacle que puisse présenter la terre; venez voir mourir le fidèle. Cet homme n'est plus l'homme du monde, il n'appartient plus à son pays; toutes ses relations avec la société cessent. Pour lui la computation par le temps finit, et il ne date plus que de la grande ère de l'éternité. Un prêtre assis à son chevet, le console. Çe ministre saint s'entretient avec l'agonisant de l'immortalité de son ame, et la scène sublime que l'antiquité entière n'a présentée qu'une seule fois, dans le premier de ses philosophes mourant, se renouvelle chaque jour sur l'humble grabat du dernier des chrétiens qui expire. Enfin le moment suprême est arrivé, un sacrement a ouvert à ce juste les portes du monde un sacrement va les clore; la Religion s'est plu à le balancer dans le berceau de la vie; ses beaux chants et sa main maternelle l'endormi

ront encore dans le berceau de la mort. Elle prépare le baptême de cette seconde naissance; mais ce n'est plus l'eau qu'elle choisit, c'est l'huile, emblême de l'incorruptibilité céleste. Le sacrement libérateur rompt peu-à-peu les attaches du fidèle; son ame à moitié échappée de son corps, devient presque visible sur son visage. Déja il entend les concerts des Séraphins; déja il est prêt à s'envoler loin du monde vers les régions, où l'invite cette espérance, à la voix future, fille de la vertu et de la mort. Cependant l'Ange de la paix descendant vers ce juste, touche de son sceptre d'or ses yeux fatigués, et les ferme délicieusement à la lumière. Il meurt, et l'on n'a point entendu son dernier soupir; il meurt, et longtemps après qu'il est expiré, ses amis font silence autour de sa couche, car ils croient qu'il sommeille encore: tant ce chrétien a passé avec douceur !

[ocr errors]

F..

« ZurückWeiter »