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Jacques CHAPET est né à Coulomb (arrondissement de Dreux), le 1er avril 1754 1. Ses parents étaient d'honnêtes jardiniers, laborieux mais pauvres.

Grâce à ses heureuses dispositions il fut remarqué de bonne heure dans quelque école et recommandé à un protecteur généreux qui s'intéressa à lui, obtint de ses parents de compléter son éducation et le plaça dans ce but au collège d'Auxerre, alors confié à des professeurs, prêtres pour la plupart, à la tête desquels se trouvait un oratorien, le père Leroy. 2

Jacques Chapet fit de rapides progrès 3, et ses maîtres qui voyaient en lui un élève d'élite, ne négligèrent rien pour satisfaire, en la stimulant sans cesse, son ardeur de s'instruire.

1. Voici l'acte constatant le baptême de Jacques Chapet, avec ses incorrections qui défigurent jusqu'au nom patronymique lui-même : « Baptême de Jacque Chappé. » Le second jour d'avril mille sept cent cinquante quatre, je soussigné vicaire de » cette paroisse ai baptisé Jacque né d'hier, fils légitime de Jacque Chappet, jar» dinier, et de Marie-Louise Vigneron, ses père et mère, de cette paroisse. Le » parain François Lair, jardinier de la paroisse de Nogent le Roy, la maraine » Louise Perillier, femme de Pierre Perillier, laboureur en la paroisse du Boulai » des deux églises qui ont déclaré ne sçavoir signer, de ce interpellés suivant l'or» donnance. Signé GUYOT, vicaire. »

2. M. F.-J.-F. Fortin, archiprêtre, curé de la cathédrale d'Auxerre, a publié, en 1865, chez les frères Musard, libraires à Auxerre, rue de Paris, 32, un volume intitulé Souvenirs, dans lequel il a consacré au père Chapet quelques pages auxquelles nous ferons plus d'un emprunt. Voici ce qu'il rapporte de l'arrivée à Auxerre de Jacques Chapet : « C'est de lui (du père Chapet) que nous avons » appris..... qu'il avait été amené fort jeune à Auxerre et que ses études furent » favorisées par un chanoine de la cathédrale originaire du diocèse de Coutances, » M. Viel, dont la maison était située au bas de la rue des Lombards. » (P. 187.) 3. Voici quelques extraits des palmarès du collège d'Auxerre; je les dois, ainsi que plusieurs renseignements précieux, à l'obligeance de M. Quantin, ancien archiviste du département de l'Yonne. Ils témoignent des succès du protégé de M. Viel et fixent quelques dates :

Jacques Chapet (chartrain);

1767, classe de troisième : accessit d'excellence.

1769, classe de seconde : 1er prix de discours latin traduit en français; accessit de narration française; accessit de solutæ orationis; 1er prix de strictæ orationis ; 2e prix de discours grec traduit en français; accessit de sagesse, docilité et travail assidu.

1770, rhétorique : accessit de discours latin; accessit de discours latin traduit en français; 1er prix de discours grec traduit en français; accessit de strictæ orationis. 1771, rhétorique : vétéran, 2o prix d'amplification latine; 2° prix d'amplification française; 1er prix de discours latin traduit en français; 1er prix de discours grec traduit en français; 1er prix de strictæ orationis.

Ses humanités terminées, J. Chapet, qui ne se sentait point appelé à la sublime mission du sacerdoce, voulut du moins rester fidèle au culte des lettres et témoigner sa reconnaissance à ceux qui avaient si heureusement développé ses dons naturels, en se consacrant tout entier à l'éducation de la jeu

nesse.

Le 4 août 1774, il avait obtenu le diplôme de maître ès arts de la faculté de Paris 1 et, la même année, à l'âge de vingt ans, il était admis dans la congrégation de l'Oratoire et envoyé à la maison professe de Lyon.

On a souvent signalé comme l'une des causes de la décadence de l'Oratoire la dérogation à la constitution primitive qui, pour faire face aux besoins de l'enseignement, introduisit brusquement dans son sein l'élément laïque, contrairement aux vues de son illustre fondateur. Il ne m'appartient pas d'apprécier ici les conséquences de cette innovation; mais elle n'aurait jamais été blâmée par personne si elle n'avait ouvert l'accès de la congrégation qu'à des hommes comme le père Chapet.

Il était d'usage que chaque membre de l'association, avant d'y être admis, copiât de sa main la règle à laquelle il donnait ainsi une adhésion plus réfléchie et plus complète; cette copie était ensuite conservée par chaque père en perpétuel souvenir de son engagement. Celle du père Chapet était encore dans sa bibliothèque, à une place d'honneur, lors de sa mort et jamais il n'oublia les règles qui y sont écrites.

Le précieux manuscrit formant un petit volume, relié en parchemin vert, a été pieusement recueilli par un de ses élèves; il fait aujourd'hui partie de la bibliothèque de l'Ora

1. Ce diplôme a été conservé et fait partie des collections de M. Monceau, secrétaire de la Société des sciences historiques de l'Yonne; on sait qu'il correspondait au premier degré des grades universitaires et était obtenu après deux années de philosophie. A Paris, l'aspirant subissait deux examens, un devant sa nation, l'autre devant quatre examinateurs tirés des quatre nations, et le chancelier ou sous-chancelier de Notre-Dame, ou celui de Sainte-Geneviève. S'il était reconnu capable, le chancelier ou sous-chancelier lui donnait le bonnet de maître ès arts et l'université lui en faisait expédier des lettres.

toire de Paris. L'écriture vigoureuse et nette est marquée d'un caractère personnel assez accentué; elle laisse deviner un esprit généreux et fortement trempé. A la suite de la règle de l'ordre, se trouve une liste des collèges de l'Oratoire, et des conseils à un professeur qui ne font guère moins d'honneur au jeune novice qui les a sagement copiés qu'à celui-là même auquel sa vieille expérience les a dictés.

Ces conseils, le père Chapet sut en profiter mieux que personne. A peine admis dans la congrégation de l'Oratoire, il y fait remarquer les rares qualités de sa riche nature. Énergique dans ses efforts, tenace dans ses projets, curieux de tout savoir, infatigable au travail, sans cesse soutenu par une bonne humeur pleine de saillies, il est de ceux qui, dès le début, font naître de grandes espérances et qui, grâce au judicieux emploi de leurs forces, à l'heureux équilibre de leurs facultés, tiennent tout ce qu'ils promettent et savent se distinguer dans les situations les plus imprévues.

1

Il débuta comme professeur, au collège de Montbrison, à une date qu'il ne m'a pas été possible de préciser exactement; toutefois, en 1776, il y était régent de seconde 1 et, dès la fin de cette même année, on le retrouve professeur de grammaire au célèbre collège de Tournon 2, où il enseigna pendant onze années et où on lui confia bientôt la chaire de

1. Auguste Broutin, Histoire des couvents de Montbrison avant 1793. SaintÉtienne, Montagny, 1874, t. II, p. 74.

2. Le collège de Tournon fondé, en 1536, par le cardinal François de Tournon et dirigé d'abord par Jean Pélisson, fut confié en 1561 à la société des jésuites. Le 21 octobre 1776, les pères de l'Oratoire furent installés au collège qui, par lettres patentes du 6 août précédent, avait été désigné comme l'un de ceux destinés à recevoir les élèves de l'École militaire. (Voir Arthur Wyart, Notice historique sur le lycée de Tournon. Tournon, J. Parnin, 1877, p. 35.)

Les archives du lycée de Tournon sont muettes sur le père Chapet, mais sa présence à Tournon, en 1776, est constatée par un diplôme burlesque conservé par M. Monceau, secrétaire de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne et dont voici quelques lignes, données ici comme spécimen de la douce gaieté qui régnait dans les communautés de l'Oratoire Anno MDCCLXXVI, 6 kal. dec., die vero lunæ xv, regnante Ludov. XVI Benefico, sedem pontificalem Pio papa sexto obtinente, Rev. admodum Petr. Ludovico Muly, congregationis nostræ præposito generali, sapientissimo.. primo autem collegii nostri Turnonensis

rhétorique. C'est là qu'il eut pour élèves J.-P. Bachasson, comte de Montalivet, devenu à dix-neuf ans conseiller au parlement de Grenoble, et P.-Ant.-Noël Brunot, comte Daru, l'auteur de l'Histoire de la république de Venise. 1

Quand on songea à pourvoir à la première éducation des enfants de Louis XVI, la congrégation de l'Oratoire à laquelle il fut demandé un jeune professeur, désigna, paraît-il, le père Chapet dont l'enseignement avait été remarqué à Tournon. Lui seul s'en étonna; on dut faire appel à son obéissance pour le décider à se laisser présenter à la cour et, en sortant du palais de Versailles, il ne cessait de répéter à son introducteur étonné: « surtout pas de bénéfices 2! » Pour

anno ex munificentia regia annuente serenissimo principe Carolo de Soubisi, pari et marescalco Franciæ, nobis concessi et in regiam militarem academiam erecti superiore amantissimo plaudentibus omnibus Reverendo admodum patre Laurentio Danglade..

....

Cum universi rei litterariæ cultores tam naturali lege quam Oratorianæ disciplinæ præcepto sint adstricti ut fidele veritati testimonium perhibeant multo magis convenit ut scientiarum magistri qui in eis alios instruunt et informant nec amore nec odio a veritatis rectitudine devient hinc est quod nos Emm. Fr. Ferd. Betolaud du Drut apud Lemovicos subterraneus litterarum professor in collegio nostro Turnonensi grammatices vero professoris vices gerens fidele veritati testimonium perhibere cupientes, omnibus ac singulis has præsentes lecturis, visuris, inspecturis aut quoquo modo audituris notum facimus quod dilectus Jac. CHAPET Carnutensis, gramatices professor ingeniosissimus, rigorosis de more examinibus præhabitis opipere, pompatice, lantissime nobis omnibus de jure responderit idemque in pulli indici rostro cantilenam ad omnium convivarum laudationem appositam ejusdem pulli indici vicum gerens festive cecinerit in quarum rerum gratiam eum inter nos cooptavimus et....... sic omnibus præsentibus et futuris familiæ nostræ suppositis mandamus et injungimus ut dictum magistrum Jac. CHAPET tanquam laurea magistrali laudabiliter et honorifice donatum recipiant et observent.

Quod ut sit omnibus certissimum.....

Datum in museo nostro Turnonensi die et mense ut supra.
Em. F. Ferd. B. DU DRUT, subterraneus.

De mandato serenissimi principis.

DE MALECHARD, secret.

L. S.

1. Histoire de l'abbaye et du collège de Juilly, par Charles Hamel; Paris, Douniol, 1868, p. 421.

2. Cette parole rappelle la réponse que faisait le père de Condren, second supérieur de l'Oratoire, quand on lui offrait des honneurs ou des avantages temporels : « Je ne veux, disait-il, d'autre bénéfice pour toute ma vie que la croix de JésusChrist. (P. Cloyseault, Maximes spirituelles du père Condren.)

On lit dans une notice nécrologique insérée dans le Journal d'Auxerre du 20 février 1838 et dont l'auteur est M. Lefebvre, bibliothécaire de cette ville, « qu'étant jeune M. Chapet ne voulut jamais se faire tonsurer, condition nécessaire pour ▸ pouvoir jouir des bénéfices simples que ses protecteurs voulaient lui conférer. »

lui les bénéfices étaient un abus, ils ne perdaient pas ce caractère à ses yeux parce qu'il pouvait être appelé à en profiter; les idées courantes, les erreurs que semblait alors. excuser la complicité de tous, n'avaient aucune prise sur son esprit intègre et droit, aussi se défendait-il contre ces faveurs réprouvées par sa conscience avec la même ardeur que d'autres apportaient à les rechercher.

Cette rectitude de jugement et sa foi profonde lui dictèrent sa conduite, quand l'Assemblée constituante voulut imposer à tous les membres du clergé français, à tous les professeurs des séminaires et des collèges, le serment à la constitution civile qui livrait aux caprices de l'élection populaire et à l'omnipotence de l'État toute la hiérarchie ecclésiastique. Il était alors, depuis le mois de novembre 1787, suppléant des études au collège d'Autun 1, et l'on trouve son nom parmi ceux des six oratoriens qui déclarèrent, dans une note empreinte de la plus noble fermeté, que, « malgré leur sou>> mission bien entière aux lois politiques de l'État, leur cons»cience ne leur permettait pas de faire le serment demandé2.» Cette note fut déposée sur le bureau du conseil de la commune d'Autun, le 24 novembre 1791; le 14 avril 1792, malgré l'impossibilité évidente de remplacer les professeurs que l'on chassait du collège, un ordre du directoire du département vint obliger les oratoriens insermentés à se retirer. 3

Le père Chapet avait alors trente-huit ans; le voilà brusquement chassé de l'enseignement public auquel il avait jusque-là consacré toute sa vie; l'épreuve est dure, mais loin

1. E. Roux, le Collège d'Autun, sous les Oratoriens. Mém. de la Soc. Éduenne, nouv. série, t. VI, p. 26 et passim.-Le 30 août 1791, le père Chapet fit au collège d'Autun la nomination publique, nous dirions aujourd'hui présida la distribution des prix, après avoir rappelé aux élèves, dans un discours qui n'a pas été conservé, le vrai point de vue sous lequel ils devaient envisager les vacances. (Arch. du collège d'Autun, Livre du collège d'Autun, des prêtres de l'Oratoire, commencé le 13 novembre 1786, ms. in-f", p. 37.)

2. Archives de l'hôtel de ville d'Autun. Registre des délibérations, 1790-1791, assemblée du 24 novembre 1791.

3. Archives nationales, carton M, 221.

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