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Ainsi qu'on l'a remarqué, cet acte devait être soumis à l'homologation de l'abbé de Flavigny de qui dépendait le prieuré de Couches. La sanction nécessaire fit sans doute défaut au traité. Mais, chacune des parties l'interpréta à sa guise le prieur, l'estimant sans force et de nulle valeur, faisait constater, en 1336, par un procès-verbal notarié, que les portes du prieuré avaient été ouvertes, les tables dressées et couvertes des mets les plus appétissants, « epulis >> condecentibus », et ses vassaux conviés à prendre part au festin, comme ils avaient coutume de le faire de toute ancienneté, «< ut ipsi habitatores consueverant antiquitus », protestant que l'absence volontaire des convives ne pourrait préjudicier à son droit de percevoir, sur chacun d'eux, la redevance ordinaire de cinq sous de viennois 1; les habitants au contraire regardant le traité comme bon et valable :

Nos Girardus de Villa Nova, domini nostri Francorum Regis clericus, tenentes sigillum dicti domini Regis in Matisconensi baillivia constitutum, notum facimus universis quod anno Domini millesimo trecentesimo tricesimo sexto, die dominica post nuper lapsum festum Nativitatis Domini, in prioratu de Colchis, in presentia mandati nostri Guillelmi Seguini, clerici, dicti de Marchesul, publici dicti domini regis tabellionis et notarii ad hec majoraque, auctoritate regia, deputati, testiumque fide dignorum infrascriptorum, videlicet dominorum Jocerandi, curati Sancti Saturnini, Johannis de Pensen, presbiterorum, Martini de Visionelis, Bartholomei de Rovris super Auban. Johannis de Estivallo, et plurium aliorum ad hec una cum dicto notario presentium, vocatorum et rogatorum, religiosus vir frater Guido de Seigneyo, humilis prior prioratus de Colchis, suo dictique sui prioratus nomine, ab hora prima usque ad horam nonam dicte diei hodierne, januas seu portas dicti prioratus apperiri fecit et appertas teneri precepit, mensas etiam poni pane, vino epulisque condecentibus ad diem hodiernum muniri munitasque teneri ac conservari, ut hactenus per suos predecessores dicti prioratus de Colchis priores est fieri consuetum, pro hominibus et habitatoribus de Colchis, ex parte dicti prioris invitantis eosdem et ipsorum quemlibet,

1. La monnaie de tournois étant plus forte que celle de viennois : quatre sous de tournois valaient cinq sous de viennois.

expectando ut venirent ad prandium et intrarent dictum prioratum et comederent ut ipsi habitatores consueverant antiquitus, reddendo solvendoque dicto priori ut consueverant ejusque predecessoribus prioribus dicti prioratus redibentias consuetas, videlicet quilibet ipsorum hominum et habitatorum de Colchis quinque solidos Viennensium, dicens dictus prior et se offerens dictos homines et habitatores, si venirent, recipere et necessaria in prandio ministrare, modo, forma, causaque quibus predecessores sui priores de Colchis facere consueverant, protestans nichilominus dictus prior quod si venire sive intrare in dicto prioratu noluerint dicti habitatores, cum non sit nec remaneat per dictum priorem, eidem priori suoque prioratui nullatenus imputetur, nec in dicti prioris dictique prioratus de Colchis prejudicium aliquod non vertetur in futurum. De et super quibus omnibus et singulis premissis, prefatus prior suo et dicti sui prioratus nomine, a dicto regio publico notario petiit sibi dari, fieri et concedi unum vel plura publica instrumenta sub sigillo communi Regis predicto, quiquidem regius notarius illud vel ea dicto priori, suo et dicti sui prioratus nomine, concessit prout idem regius notarius hoc iddem nobis fideliter retulit esse verum. In quorum testimonium premissorum, ad preces et requestam dicti prioris, nobis pro ipso per dictum regium notarium oblatas, cum de ipsis nobis constet per ipsius notarii relationem, cui super hiis et aliis fidem adhibemus pleniorem, nos prefatus Girardus de Villa Nova sigillum commune predictum huic publico instrumento duximus apponendum. Datum et actum anno, die, loco et presentibus testibus quibus supra. 1

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La question fut sans doute reprise plus tard et résolue, conformément au traité de 1334, par l'abolition du banquet dont on ne trouve plus aucune trace dans la suite. L'usage fut réduit, en ce qui concernait le prieur, à la distribution du vin et des gâteaux accoutumés, et, à l'égard des habitants, en une redevance de dix-huit deniers. Malgré cette réforme, il n'en imposait pas moins au prieur une dépense annuelle de vingt-cinq bichets de froment, environ 104 boisseaux, et de trois poinçons de vin :

Premierement ledict Armet requiert luy estre desduict la quantité de vingt-cinq bichets froment, qu'il a employée, tant à faire les gasteaulx de Noel, appellés follies, que l'on baille à chacun habitant de

1. Id. Cette pièce est étiquetée Carta stultitie.

TOME XI.

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Coulches, le jour de Noel, que pour le pain qui a esté mangé par ceulx qui ont faict lesdicts gasteaulx.

En oultre sera desduict audit Armet trois poinsons de vin despensés, tant pour le vin que l'on donne aux habitans de Coulches le jour de Noel, qu'est à chacun une pinte, que pour la nourriture de ceulx qui ont faict les gasteaulx, appellés follyes. '

A cette dépense s'ajoutait celle du sel et du safran, employés à la confection des gâteaux :

Item, plus sera desduict audit Armet la somme de quarante-deux solz huict deniers, pour seize pintes de sel, et quarante-huict solz pour ung quarteron de saffran, employés à faire les gasteaulx de Noel, appellés follyes. 2

Cet usage, encore en vigueur au dix-septième siècle, était l'occasion de désordres et d'excès qui en faisaient un scandale public et une véritable folie. Au lieu d'attendre le passage des distributeurs, les habitants de Couches se répandaient à travers les rues, à l'aube du jour, et se ruaient sur les porteurs, pour leur arracher les gâteaux, le tout accompagné de cris, de blasphèmes, de hurlements épouvantables, et suivi de disputes, de batailles et de coups. Quand le prieuré de Couches eut été uni au collège d'Autun, que dirigeaient alors les jésuites, ceux-ci s'empressèrent de solliciter l'abolition d'une coutume aussi abusive. Leur grand esprit de correction et de régularité ne pouvait accepter une part dans de tels excès. Ils adressèrent donc au parlement la requête suivante pour demander d'en être déchargés à l'avenir :

A LA COUR.

Supplient humblement les recteur et religieux de la Compagnie de Jésus au collège d'Autun, et dient que le prieuré de Couches ayant

1. Compte rendu, en 1572, par Lazare Armet, receveur des rentes dues au prieuré de Couches. (Arch. de la ville d'Autun. F. du prieuré de Couches.)

2. Id.

esté uny et annexé audit collège, ils ont recogneu que non seulement par le désordre des guerres dernières la pluspart des meilleurs fonds. et plus beaux revenus en ont esté éclipsez, mais encore ledict prieuré chargé de sy grandes et excessives charges qu'il n'y a presque pas revenu bastant pour survenir aux réparations et entretenemens des bastimens, nourriture des religieux de l'ordre de sainct Benoist, desservans et residans audict prioré, payement des décimes et autres grandes charges ordinaires et extraordinaires. Mais, entre autres charges, la plus insupportable de toutes est celle vulgairement appellé les folies audict lieu de Couches, qui a vrayement pour sa dénomination de ce que en quoy elle se résoult et dégénère en effect, quoy qu'en apparence elle semble avoir quelque prétexte de réjouissance publique; consistant en ce que le matin du sainct jour de la Nativité Nostre Seigneur vingt cinquiesme decembre, au lieu d'employer le temps au service divin et à la dévotion requise à la célébrité d'un tel jour, il fault avoir douze hommes qui portent sur leurs testes quantités de gasteaux, appellez folies, qui sont faicts de farine de pur froment et dorez par dessus de saffran, et qui sont tellement pestris qu'ils sont durs comme pierres, et de conséquent incommodes, voire presque inutiles, ou du moins peu agréables à manger; lesquels gasteaux estant ainsy portez par lesdicts hommes, arrive chacun an que au lieu de les distribuer çà et là de maison en maison, comme il sembleroit debvoir estre faict, le peuple s'assemblant à la foule par les rues se jettent sur lesdicts hommes et leur enlèvent et arrachent violemment lesdicts gasteaux, en sorte qu'il ne se passe un seul jour de Noel qu'il n'en arrive de grandes dissolutions, querelles, disputes, battures et excès accompagnés de blasphèmes, injures atroces et divers autres scandales publics et particuliers, les uns ayant deux ou trois gasteaux, les autres n'en ayant point du tout, et ainsy tumultuans, crians et urlans, se jettans aux outrages non seulement contre ceux qui portent lesdicts gasteaux, mais encore entre eulx mesme, ce qui dure bien souvent non seulement toute la matinée mais encore l'après disné dudict jour, et despuis le matin jusques au soir; estant parce moien ledit jour tout à faict profané et remply d'irrévérence et irréligion, au lieu d'estre célébré suyvant l'honneur et respect qui luy est deub par les loix divines et humaines tellement qu'il est vray de dire que ce n'est point tant une bonne et louable coustume qui mérite d'estre observée que plustot une vraye folie et une corruption blasmable qui s'est glissée insensiblement, ainsy que beaucoup d'autres, en divers lieux, et laquelle est tellement à charge et rendue si chèrement audict prieuré de Couches, que, pour chacun desdicts

gasteaux qui doibt estre de sept livres de paste, et une pinte de vin que chaque feu prétend luy estre deub ledict jour de Noel audict lieu de Couches, l'on ne paye que six liards aussy par feu audict prieuré de Couches, dont encore bien souvent l'on ne tire presque rien parce que ceux qui n'ont point heu de gasteaux n'en veuillent point payer, et ceux qui en ont heu trois ou quatre pour un, après qu'ils les ont mangez, ne veuillent rien payer, de sorte que il est beaucoup plus expédient de tout quitter que de les tirer en poursuitte et plaider contre eux pour six liards.

Ce considéré, et attendu que telle usance est entièrement abusive et vitieuse, mesmement à raison des inconvéniens qu'elle produict journellement et dont elle est perpetuellement suivie, le bon plaisir de ladicte Cour sera ordonner que lesdicts habitans de Couches seront assignés pour voir dire que les supplians demeureront à l'advenir quittes et deschargés desdictes folies, et eux pareillement de ladicte prestation de six liards envers ledict prieuré, et pour en outre respondre à toutes autres fins et conclusions que voudront prendre les supplians, et sera justice.

Les jésuites, on l'a vu par la requête qui précède, supportaient impatiemment l'existence d'une coutume qu'ils jugeaient offensante pour leur caractère et incompatible avec leur dignité. Ils saisirent donc avec empressement, en 1637, une occasion qui leur sembla favorable pour en obtenir, à l'amiable, la suppression. La communauté des habitants de Couches avait alors usé trop largement de la faculté, que les communes n'ont pas perdue de nos jours, de contracter des emprunts. Accablée sous le poids des charges, elle s'était bientôt trouvée réduite à l'impuissance d'amortir ses dettes et même d'en acquitter les intérêts. La circonstance parut donc propice pour entrer en arrangement avec les habitants et opérer le rachat du droit de folie. Par acte du 17 novembre 1637, il avait été convenu que ce droit serait converti en une rente de 120 livres au profit des habitants. Ceux-ci que le besoin d'argent pressait chaque jour davantage, sollicitèrent et obtinrent le rachat de cette rente, qui

1. Arch. de la ville d'Autun. F. du collège.

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