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fut fait au prix d'une somme de deux mille livres, par acte du 25 novembre 1638 :

L'an mil six cens trente huict, le vingt cinquiesme jour du mois de novembre, au lieu d'Autun, à une heure après midy, en l'office et pardevant moy André Guyot, notaire royal et gardenottes hereditaire. soubzsigné, residant en la paroisse Sainct Pierre dudit lieu, comme il soit que les habitans du bourg de Couches, ayant contracté plusieurs debts, passifs et rentes constituées pour satisfaire au payement des garnisons et autres frais necessaires pour les affaires de leur communauté, dont plusieurs arrerages estans eschuz au payement desquelz ils estoient poursuivis et oppressez par les creantiers, et que pour en faire ledit payement ils n'eussent aucuns moyens ny descharges, tant à cause de la pauvreté desdits habitans, subcides et imposts continuels qui se font sur eux, que pour la continuation de la guerre qui leur oste l'esperance de s'en pouvoir deslivrer, reconnoissent avoir traicté avec le reverend pere recteur du college d'Autun, en qualité de prieur titullaire du prioré dudit Couches, à la somme de six vingt livres par an, au lieu et place des gasteaux et vins que ledit sieur prieur avoit coustume de distribuer annuellement aux habitans en Royaulté dudit Couches, laquelle distribution estoit appellée foullie, par accord du dix septiesme novembre mil six cens trente sept, fait en la chastellenie royalle dudit lieu, et que pour se redimer des pressantes poursuittes de leursdits creantiers, à quoy ladite somme de six vingts livres par an ne pouvoit pas suffire, ilz n'avoient point d'expedient plus prest que d'aliener et consentir à l'amortissement desdites six vingts livres par an, à la charge neantmoins de la pouvoir rachepter pour la somme de deux mil livres, ce qu'ils avoient consenty en l'acte rendu en ladite chastellenie, le onziesme de juin mil six cens trente huict, à condition que ladite somme de deux mil livres, principal de ladite alienation, seroit employée à l'acquict desdits arrerages et autres deniers dehus par ladite communauté, et pour ce se seroient adressés au R. pere Henry de Sainfray, recteur dudit college, afin de par luy fournir ladite somme de deux mil livres, pour le rachapt dudit droit, à la faculté de rachapt; pour ce est il que ont comparus en leurs personnes Me Vivant Prevost, advocat en parlement, au nom desdits habitans de Couches, et fondé de procure d'iceux, par acte rendu en ladite chastellenie ledit jour onziesme juin dernier, d'une part, et ledit reverend pere Henry de Sainfray, recteur dudit college, en ceste qualité prieur titullaire dudit prioré, d'autre, lesquelz ont fait et font entre eux les accords

qui s'ensuivent: c'est à sçavoir que ledit R. pere recteur a promis et promet par cestes de fournir et payer pour une fois, à l'acquit et descharge desdits habitans, ladite somme de deux mil livres en principal, et douze vingts livres, arrerages de deux années qui expireront à la feste de Noel prochain, faisant lesquels payemens ledit recteur entrera en la place et ypotecque des creantiers qui seront acquittez, et pour son assurance luy donneront entre les mains les coppies des quittances dehument collationnées, et sera tenu de faire lesdits acquittemens dans quinze jours après la ratiffication des presentes qui sera faite à la diligence dudit sieur Prevost par lesdits habitans, et moiennant le susdit payement de deux mil livres, principal de deux cens quarente livres arrerages, emploiables comme sera dit cy après, demeure ledit reverend pere recteur et ses successeurs, en ladite qualité de prieur titullaire du prioré Saint George dudit Couches, quittes et deschargez pour l'advenir de ladite pretention de foullies, et du payement de ladite somme de six vingtz livres par an, à quoy ledit droit avoit esté arresté, comme dit est, sans que lesdits habitans en puissent demander aucune chose de ladite somme de six vingtz livres par an, à condition toutefois qu'il sera loisible ausdits habitans, ainsy qu'ils en ont fait reserve expresse, de pouvoir rembourser à une fois ledit reverend pere recteur de ladite somme de deux mil livres en principal, et en ce faisant rentrer au mesme droit qu'ils estoient auparavant ceste, qui est de faire payer par ledit R. pere recteur ladite somme de six vingts livres par an, à chascun jour de feste de Nativité Nostre Seigneur, pour et au lieu dudit droit de foullie, ce qui demeure loisible ausdits habitans, toutes et quantes fois que bon leur semblera. A esté accordé que ledit sieur Prevost fera faire ladite notification deans quinze jours, et ou lesdits habitans ne voudroient ratiffier, le present contract demeurera comme non advenu, etc.

Ainsi prit fin cet usage singulier dont l'origine peut donner lieu à diverses conjectures. On ne peut admettre qu'il doive son établissement à quelque contrat social, passé un beau jour entre le prieur de Saint-George et les habitants de Couches, dans le seul but d'échanger des gâteaux, du vin et un repas contre une redevance pécuniaire. Les usages ne s'établissent pas ainsi. Le plus souvent, ils procèdent de

1. Arch. de la ville d'Autun. F. du collège.

quelque institution religieuse ou civile, qui, tout en ayant perdu son caractère primitif, se continue à travers les âges sous une forme que les circonstances et les mœurs modifient sans la détruire tout à fait. A l'origine de la plupart d'entre eux, on trouverait ainsi quelque but moral, fête, cérémonie ou commémoration d'évènement important, si à la place des rares anneaux qui subsistent, nous possédions la chaîne complète que le temps a brisée. Sans se dissimuler les difficultés et les périls de l'entreprise et sans se flatter de réussir, on peut cependant tenter de réunir quelques-uns de ces débris dispersés, et rechercher la cause et le sens de ces anciens usages, malgré l'obscurité qui les enveloppe et le temps qui en a altéré le caractère. Si l'on observe en effet le nom de folie que la tradition avait conservé à l'usage qui existait à Couches, l'époque de l'année où il s'accomplissait, les principaux éléments dont il était formé, on se trouve conduit à le regarder comme un écho lointain et encore subsistant des antiques Saturnales: soit qu'à Couches ces rites aient opposé une plus grande résistance à l'action chrétienne, soit qu'ils y aient été plus faiblement combattus qu'ailleurs. Ces fêtes, qui, on le sait, se célébraient le 17 décembre et ne duraient d'abord qu'un seul jour, avaient été prolongées pendant trois jours par Auguste qui savait bien que l'art de gouverner les démocraties et de les rendre dociles au pouvoir d'un seul consiste surtout à les amuser et à leur prodiguer les fêtes et les spectacles. Cet art n'a pas péri avec son auteur. Bientôt après, confondues avec les Sigillaires, les Saturnales se continuèrent pendant sept jours consécutifs, soit jusqu'au 23 décembre, ainsi qu'en témoigne ce vers de Martial :

Saturni septem venerat ante dies. 1

L'usage de se divertir est bien celui auquel les hommes renoncent le moins volontiers. La naissance du Sauveur,

1. Lib. XIV, LXXII.

dont l'Église célébrait la fête le 25 décembre, fut pour les chrétiens une cause légitime de conserver la coutume ancienne des jeux et des divertissements. Mais si l'objet de ces réjouissances différa, leur forme resta sensiblement la même. Les désordres et les excès qui accompagnaient, à Rome et dans les provinces, la célébration des Saturnales, se continuèrent, sous le nom de fête des fous, dans l'Europe chrétienne, sans altération essentielle, et de même qu'à l'occasion de ces fêtes les esclaves prenaient la place de leurs maîtres, on vit, dans les églises, les inférieurs usurper le rang des dignitaires et faire de leurs fonctions une grossière parodie. 1

L'usage singulier, qui existait à Couches, appartient aux mêmes traditions. Outre le nom de folie, qui lui était donné, et le temps de l'année où il avait lieu, il présente encore, dans ses éléments même, une frappante analogie avec les Saturnales.

C'était un usage constant, dans le monde romain, d'échanger des présents à l'occasion des Saturnales

usage dont

1. Aux textes cités par Gagnare, relativement à la célébration de la fête des fous à Autun (Hist. de l'Église d'Autun, p. 628), nous ajoutons les suivants : « Pro rege Folorum, die Circumcisionis Domini, et pro tribus caseis emptis pro ipso, IIII grossos cum dimidio, et pro Guiniberto et illi qui ipsum portaverunt III grossos, valens totum VII gr. cum dimidio. » (Reg. de la Chambre des comptes du Chapitre, pour l'année 1377. Arch. de la ville d'Autun.) « Pro episcopo Innocentium, III grossos. » (Id. de 1416. Ibid.) Par sentence de l'officialité capitulaire, du 12 février 1511, Nicolas Dubuisson, Guillaume David, Josserand Rivot, prêtres, Jean Gaucher et Gui Garnier, acolytes, furent condamnés à huit jours de prison, au pain et à l'eau : «Quod, licet tam jure canonico quam etiam pragmatica sanctione sunt prohibitæ insolentiæ aut derisiones fiendæ in ecclesiis, maxime ac specialiter et expresse dictis reis ac aliis hujus ecclesiæ habituatis, quibusdam actis capitularibus quibus prohibitum fuit ne in postremis festis Innocentium ac Regum aliquæ fierent tales insolentiæ aut derisiones aut aliqua alia statui clericali minime decentia; nichilominus tamen dicti rei, die prima mensis januarii in hac ecclesia beati Lazari, immediate post matutinas, fecerunt et comparuerunt dicti rei cum habitibus indecentibus, statui ecclesiastico minime congruentibus, et ibidem in choro cum griletiis trepudiaverunt, in spretum et contemptum conclusionis predictorum Dominorum, ac etiam veniendo contra dictas canonicas sanctiones. » Interrogés par Jehan Lombard, prévôt de Sussey, les coupables s'excusèrent : « Quia id ab antiquo solitum erat fieri, non propterea putaverunt quidquam mali facere. » (Officialité capit. Arch. de la ville d'Autun. F. de la Cath.)

nos étrennes sont la continuation, et que plusieurs peuples de l'Europe observent encore à l'ancienne date du 25 décembre. En ce temps de cadeaux universels, le poète Martial s'excuse de n'envoyer que ses vers :

Quod tibi Decembri mense, quo volant mappæ,
Gracilesque ligula, cereique, chartæque,

Et acuta senibus testa cum damascenis,
Præter libellos vernulos nihil misi. 1

Ne rien donner était le fait d'un homme avare et sans éducation :

Fortasse avarus videor, aut inhumanus. 2

Cet usage avait un caractère tellement obligatoire que Martial lui donne le nom de tribut:

Saturnalicio Macrum fraudare tributo
Frustra, musa, cupis....... 3

Ces présents consistaient le plus souvent en bagatelles et leur peu de prix n'empêchait pas les donateurs de faire. sonner bien haut leur munificence:

Saturnalitiæ ligulam misisse selibræ,

Flammatæne toga scriptula tota decem,

Luxuria est, tumidique vocant hæc munera reges.

Pour donner plus de prix à leurs présents, les donateurs avaient soin de les faire offrir par un pompeux cortège, et ailleurs Martial plaisante agréablement cet Umber qui lui envoyait des figues et des olives portées par huit géants syriens

Vix puto triginta nummorum tota fuisse
Munera, quæ grandes octo tulere Syri. 5

Mieux vaudrait, ajoute-t-il, et tous les pauvres diables, comme lui, partageront sa préférence, mieux vaudrait

1. M. Val. Martialis opera, lib. V, xvIII.

2. Id. ibid.

3. Id. lib. X, XVII.

4. Ibid. XIX.

5. Lib. VII, LIII.

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