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établissements religieux de son vaste diocèse. Par une ordonnance du 10 octobre, l'évêque prescrivit que, dans le délai de quatre jours après la signification, les religieuses feraient choix d'une économe ou dépositaire, chargée de tenir compte des recettes et des dépenses. A l'égard de la clôture, qui était la condition nécessaire de la vie monastique, il fit injonction à la prieure « de faire travailler incessamment à mettre ledit monastère en estat de pouvoir garder une exacte cloture, en sorte que les séculiers n'ayent aucune entrée ny communication parmy elles, avec défense auxdictes prieure et religieuses de sortir hors les limites de leur cloistre et jardin, et aux séculiers d'y entrer sans grande nécessité; et parce que nous avons appris qu'il se fait de grandes dépenses pour traiter les personnes qui abordent sans cesse dans vostre prieuré, nous vous défendons très expressément de donner à manger, sous quelque prétexte que ce puisse estre excepté aux personnes qui sont actuellement emploiées aux affaires de vostre monastère. >>

Cette ordonnance fut signifiée aux religieuses, capitulairement assemblées, le 30 octobre suivant, par les soins de Jacques Engibert, curé de Toulon. Elle fut suivie de l'élection de Marguerite de Vallerot de Masoncle à la charge de dépositaire. Le point difficile était d'instituer la clôture dans un monastère où elle avait cessé depuis longtemps d'être gardée et où la disposition des lieux se prêtait mal à son rétablissement. Sur cet article, les religieuses répondirent « qu'elles supplient très humblement Sa Grandeur de commettre quelque personne pour voir ce qu'elles peuvent faire dans le lieu où elles sont, et, en attendant, qu'il leur permette de sortir à leur ordinaire aux environs de la maison, car il leur est impossible d'aller dans leur choeur pour dire leurs offices qu'elles ne soient avec les séculiers; et aussy pour leurs autres nécessités indispensables, leur maison est tournée d'une manière qu'elles ne sçauroient s'empescher d'aller dans les lieux où il se trouve aussy des

séculiers.» Cette affaire du rétablissement de la clôture ne devint en effet possible que dans un autre temps et dans un autre lieu.

Ce commencement de réforme fut bientôt complété par la retraite de Marie des Crots qui se démit de ses fonctions, tout en continuant à résider au prieuré où elle mourut le 18 avril 1689. A cette époque le monastère comprenait l'église, une petite chambre à feu, qui servait de parloir; la cuisine; une grande salle où était le réfectoire; six chambres; le dortoir « à l'environ duquel il y a six cellules »; la salle destinée au chapitre, et le cloître. Au dessus de la grande porte d'entrée se trouvaient trois petites chambres, affectées aux étrangers, et au dehors le logement du chapelain. On chercherait vainement aujourd'hui la trace de toutes ces constructions dont aucune ne subsiste plus.

HÉLÈNE-EMMANUELLE D'ARCY, nièce de la prieure qui avait jeté les premières semences de régularité dans la maison, lui succéda. Ce choix était de bon augure pour l'achèvement de l'entreprise et il pouvait faire naître des espérances qui ne furent pas trompées. Le plus sûr moyen, pour atteindre le but, était de transférer le monastère dans quelque lieu moins désert, moins uni aux servitudes agricoles, qui se prêtât mieux au régime conventuel et où les secours spirituels fussent plus abondants. La petite ville de Toulon-surArroux, située à cinq kilomètres de Champchanoux et au centre des possessions du prieuré, convenait à merveille pour offrir aux religieuses un asile qui leur permît de se conformer plus exactement à la règle bénédictine. Elle ne contenait aucun monastère et l'établissement projeté pouvait procurer aux habitants de nouveaux éléments d'instruction et de prospérité. Consultés sur ce projet, qui ne pouvait s'accomplir sans leur assentiment, les habitants réunis le 3 février 1686, en la présence d'Anthoine de Montrambault, lieutenant en la justice de Toulon, « considérant que cet establissement

ne peut estre qu'avantageux au général et au particulier dudict Toulon..... unanimement ont consenti audit establissement, en tel lieu dudict Toulon que lesdictes dames prieure et religieuses trouveront pour leur plus grande félicité. »

Encouragées par cet accueil favorable, les religieuses s'empressèrent de se mettre à l'œuvre et, dans ce but, elles acquirent, par acte du 2 juillet 1686 1, de Jeanne de Montrambault, veuve de Jean de Beaumont, seigneur de Bousserain, deux maisons contiguës, situées dans la rue qui conduit à Rosière, qui prit par la suite le nom de rue des Religieuses, avec jardins, terre et pré, au prix de 4,400 livres et 300 livres d'étrennes.

D'après un inventaire de 1762, les bâtiments consistaient alors en un grand corps de logis, avec deux pavillons, «< ayant aspect de septentrion sur la rue commune », le tout d'une longueur de 162 pieds. Au midi, sur l'étendue du corps de logis seulement, régnait, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage, une galerie en bois, soutenue par des piliers et couverte par le prolongement de la toiture du bâtiment; à l'extrémité de cette galerie, qui tenait lieu de cloître, était l'horloge destinée à régler les exercices de la communauté. Dans le pavillon du levant, se trouvait, à chaque étage, une chambre occupée par les religieuses; il était surmonté d'une petite tour carrée où se trouvait le clocher, couvert en bois et muni de deux cloches. Dans l'autre, l'escalier avec différentes pièces de service. Le corps de logis était occupé par un parloir qu'une grille en bois séparait de l'intérieur du monastère; la sacristie; la chapelle de 24 pieds sur 16, où le même inventaire indique l'existence de l'autel garni d'un crucifix d'ivoire, de six chandeliers de cuivre, des statues de saint Thibault et de sainte Magdeleine, et d'un tableau de la Vierge. Le mobilier destiné au culte se composait en

1. Reçu Laizon, notaire à Toulon.

outre d'une croix processionnelle, avec le bénitier en cuivre; d'un ciboire en argent doré, d'un calice d'argent « de forme antique »; de deux burettes et d'un ostensoir, aussi d'argent; d'un missel romain et de sept ou huit tableaux «< de peinture commune. » A la chapelle communiquait, par une ouverture grillée, le chœur des religieuses, garni de sièges de chœur et pourvu d'un graduel, d'un antiphonaire noté et de plusieurs bréviaires pour la récitation de l'office. A la suite du chœur était le parloir de la prieure, en forme de salon, meublé de six bergères munies de coussins, de dix-huit chaises de jonc, d'un fauteuil en tapisserie, d'un tableau et de la carte de France. A la suite, se trouvait le réfectoire dont la table particulière de la prieure occupait le fond, et deux tables, destinées aux religieuses, les côtés, avec la chaire pour la lecture prescrite par la règle; il communiquait avec la cuisine qui s'ouvrait sur la galerie extérieure. Ce rez-de-chaussée, assez bas, avait seulement sept pieds et demi d'élévation. Le premier étage était divisé en cinq chambres à feu occupées par les religieuses et ne contenant chacune qu'un lit garni de tridaine jaune ou brune, « qui est la serge du pays », d'une armoire, d'une petite table et de quelques sièges. Seule, celle de la prieure se distinguait par un peu plus de recherche; elle était précédée d'un petit vestibule, le plancher peint en gris à l'huile, et tendue d'une tapisserie en dauphine et point de Hongrie; le mobilier se composait de deux lits garnis de serge verte, d'une table, d'une commode et d'une armoire en bois de noyer, d'un fauteuil et de six chaises garnis de serge de même couleur; sur la cheminée, revêtue de bois de chêne vernis, était une pendule en cuivre et écaille. A cette pièce attenait un cabinet contenant les archives du monastère. Toutes les fenêtres qui avaient leur aspect sur la rue étaient pourvues de barreaux de fer et de volets. Au midi s'étendait un clos de douze ou quinze boisselées, divisé en jardin, terres et pré, avec colombier, étables et logement du jardinier.

Au mois de décembre 1686, les religieuses purent enfin s'établir dans leur nouvelle résidence. Ce fut le 23 de ce mois, avant le lever du jour, qu'elles abandonnèrent leur vieux monastère de Champchanoux pour se rendre à Toulon où elles arrivèrent à huit heures du matin. Nous donnerons ici le procès-verbal de cette translation comme partie intégrante de notre récit :

Jacques Engibert prestre, bachelier en theologie, archiprestre de Perrecy, curé de Toulon, sçavoir faisons qu'ayant esté commis par monsieur Dufeu, vicaire general de monseigneur l'Eveque d'Autun, pour faire la translation des religieuses du prioré de Champt-Chanoux, ordre de saint Benoist, de la maison du prioré dudit Champt-Chanoux, scituée dans un lieu fort incommode, seule au coin d'un bois, éloignée de tous secours, exposée à beaucoup d'incommodités, et dans laquelle la closture et la régularité ne peuvent estre gardées; sujet pour lequel, conformément à nostre commission en datte du seiziesme septembre mil six cens quatre-vingt-six, nous avons ordonné à la révérande dame prieure et à toutes les religieuses de se transmarcher en la ville de Toulon et de s'y rendre en la maison destinée pour leur demeure à l'advenir et par elles acquise de damoiselle Jeanne de Montrambault, vefve de feu Mre Jean de Beaulmont, choisie pour y faire leur monastère et y vivre en closture, conformément à leur estat, selon les conseils et les ordres de Monseigneur d'Autun, leur supérieur, aux intentions duquel elles se soubmettent avec le respect et l'obéissance qui luy est dehue, la révérande mère dame Emmanuelle d'Arcy, prieure dudit Champtchanoux, avec dame Marie Marie d'Escrot, antienne prieure, dame Marguerite de Vallerot, dame Jeanne de Grandval, dame Emmanuelle de Vallerot, dame Jacqueline de Montmorillon, et dame Anne de Grandval, religieuses dudit prioré et faisant la communauté d'yceluy, après avoir fait transporter les ornements d'eglize, les vaisseaux sacrés et partie des autres meubles, les hosties ayant esté consommées, se sont acheminées audict Toulon et se sont rendues en ladicte maison le vingt troiziesme décembre mil six cents quatre vingt six, ou ayant invoqué le Sainct Esprit au

1. Jacqueline-Marie-Joseph de Montmorillon était fille de messire François de Montmorillon, seigneur de Lucenié, et de dame Jeanne de Carroble. Elle avait fait profession le 3 mars 1658. Elle décéda le 8 janvier 1704, à l'âge de soixante-huit ans. Son caractère particulier, dit le Nécrologe du monastère, a esté la compassion pour les malades. »

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