Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

COUVENT DES CORDELIERS

La Narration historique et topographique des convens de l'ordre S. François, par le père Jacques Fodéré, religieux de la régulière observance dudit ordre 1, contient le récit suivant de la fondation du monastère d'Autun:

Ce convent fut construit par le soin et solicitude d'un célèbre père du convent de Dole, nommé F. Jean Mayrot, lequel fréquentant fort le païs de l'Auxois, et Autunois, faisoit un si grand fruict par ses ferventes predications aux villes et bourgades, qu'il animoit tout le monde à la piété et à la dévotion: Il étoit chéri et honoré surtout de la noblesse du païs, particulièrement illustre Guillaume de Vielliers, seigneur de Digornay et non moins noble dame Agnès d'Achie sa femme l'avoit en très grande révérence et amitié et se portoit tellement affectionné à son ordre, qu'ils prindrent résolution d'en faire construire un convent, pourveu que ledit P. F. Jean Mayrot se chargeast d'en obtenir la permission du S. Siège, qu'estoit chose difficile pour lors, d'autant que l'Italie estoit toute en troubles et en armes... A ces occasions et, pour estre l'Italie pleine de gens d'armes, le seigneur de Digornay ne sçavoit par quel moyen demander la permission au pape Pie de bastir ce convent; mais le vénérable père Mayrot treuva un bon expédient.

Comme le nombre de personnes qui se vouloient rendre religieux de cest ordre estoit grand, le père gardien de Dole avoit prins l'hardiesse d'escrire au pape Nicolas pour avoir permission de construire quelques convents, lequel lui envoya bulle le 11 février 1452 portant ample permission de faire édifier quatre convens, sçavoir un à Thons,

1. Lyon, Pierre Rigaud, 1619, in-4', p. 909 à 915.

un à Chalon, le troisième à Nuits et le quatrième où il plairoit au duc de Bourgongne. Le vénérable P. Mayrot fait entendre à l'illustre seigneur de Digornay que ceste bulle étoit au convent de Dole et nonobstant que depuis le décès de Nicolas V, il y avoit eu trois autres papes, elle estoit assés bonne et qu'en vertu d'icelle l'on pouvoit facilement bastir un convent sans de nouveau recourir à Rome, d'autant que des quatre convents, il n'y en avoit encore que deux, sçavoir celuy de Thons et de Chalon. Sur cette asseurance, le seigneur de Digornay recommanda au P. Mayrot de chercher lieu propre qui luy fut agréable, lequel estoit d'advis qu'on le fit à Nuits, entre Dijon et Beaune; mais ledit seigneur désiroit qu'il fût plus près de son habitation. Et pour ce, le P. Mayrot choisit un beau lieu au pied de la seconde partie de la ville d'Autun, joignant la spacieuse place appellée le Champ S. Ladre, lequel lieu consistoit en de beaux vergers, jardins et certaines maisons qu'estoient exposés en vente par les propriétaires, qui fut fort au contentement de ce noble Guillaume de Villiers, et pour ce il convint avec messieurs le vierg et eschevins d'Autun, tant pour payer le fonds susdit que pour bastir le convent, selon que le P. Mayrot en donneroit le plan et modelle. Et ce pour le prix de trois mille livres tournois qu'il leur délivra content, et aussitost l'on mit la main à l'œuvre, dont la pierre fondamentale fut posée le 2 mai 1479.

A peine les fondemens furent hors de terre que les sieurs doyen et chanoines de l'église S. Jean de la Crotte y vindrent avec notaire et tesmoins qui s'opposèrent à l'érection de ce convent, sur un ancien privilège qu'ils disoient avoir, que personne ne peust édifier aucuns bastimens dans leur territoire sans leur expresse permission, et, par ainsi, firent cesser la poursuitte de l'œuvre. Le seigneur de Digornay ne se voulust arrester à faire vérifier si la place estoit dans le domaine de ces messieurs, à fin qu'en cas de preuve, ils ne luy refusassent la continuation de son dessein; mais le bonheur fut qu'un pet auparavant, le roy Louis XI s'estoit emparé du dûché de Bourgongne et l'avoit annexé à sa couronne, qui donna asseurance à Guilaume de Villiers, seigneur de Digornay de recourir à luy duquel il obtint pattentes dattées en sa maison royale de Pluviers le 29 avril 1480, par lesquelles il enjoint à sa cour de parlement de Dijon, faire en sorte que ledit seigneur de Ligornay (sic) ne soit en aucune manière destourbé ny empesché en sa pie dévotion, ains qu'elle sorte en son plein effect. Pour solliciter l'intérinement de ces patentes furent déléguez par le P. gardien du convent de Dole les PP. FF. Pierre Chambon et Michel Cottier dont partie appellée, fut donné arrest par ladicte

cour de parlement en faveur dudit seigneur de Digornay et des religieux de poursuivre la fabrique dudit convent jusques à son entière perfection, ainsi que, de faict il fut rendu si complet et spacieux que c'est une demeure fort agréable : l'église surtout qui est fort belle, grande, allègre et bien claire, accompagnée de plusieurs chapelles et autels, au devant de laquelle il y a un grand cimetière pour la sépulture des séculiers, lequel fut bény le 29 aoust 1482 par l'évêque de Berinte. L'église néantmoins ne fut sacrée que l'an 1501, le 14 avril, par R. Jean Roulin évesque d'Autun, qui la dédia sous le vocable de Nostre Dame de la Paix1. Et d'autant que ce jour arrive communément la sepmaine saincte, ou dans l'octave de Pasques qu'estoit cause que souvent, l'on ne pouvoit pas faire l'office de la dédicace, ledict évesque ordonna que ladicte dédicace se célèbreroit tousjours le mercredy après ladicte octave de Pasques. Le 16 du mesme mois d'avril, ledict évesque bénit aussi le cloistre qui est fort beau et spacieux, ressentant néantmoins la simplicité religieuse.

Ce généreux seigneur de Digornay donna puis encor une somme de deniers pour adjouster un certain bastiment nécessaire tant pour l'utilité, comme pour l'embellissement de ce sien convent et enfin luy et la dame Agnès d'Achie sa femme, voulurent estre inhumez dans l'église. Du depuis, les religieux ont fait faire une belle chambre pour les hostes et passans, séparée des autres bastimens; laquelle a son aspect sur le jardin et verger qui sont fort grands, spacieux et entourez de murailles.

Or, quoique ce convent soit des derniers édifiez de la province, toutesfois il ne cédoit rien aux autres en piété et vraye religiosité, et lequel a produit à l'ordre de fort vénérables PP. entre autres N. M. F. Jean Tustanus qu'estoit un des rares personnages de son temps, d'une corpulence grave, et d'une gravité modeste, affable à tout le monde, grand prédicateur qui, pour les rares grâces desquelles Dieu l'avoit doué, fut fait provincial au chapitre de Salières, l'an 1563, qui, depuis, a heureusement et longuement gouverné ce convent et a religieusement élevé ceux qu'il a reçu en l'ordre, particulièrement N. M. F. François Marcou docteur de Paris, doué d'une grande vivacité aux disputes, rempli de piété et toute religiosité et à l'imitation

1. Il importe de remarquer que ce vocable ne date pas seulement du jour de la dédicace de l'église. Le couvent des Cordeliers est déjà appelé : « Convent de Nostre Dame de Paix » dans un acte du 11 septembre 1480, intitulé: Informacions pour messieurs les vénérables, doyen et chappitre de l'esglise d'Ostun contre les Cordeliers et leurs adhérans. (Archives de l'hôtel de ville d'Autun. Fonds des Cordeliers, 1 pièce in-f°.)

de ce sien bon père de religion, fort zélé à l'observance de son estat et très sévère contre les transgresseurs de leur profession. Et lequel enfin, pour sa rare doctrine et ferveur aux prédications, surtout contre l'hérésie, fut faict théologal de la ville d'Avallon où il est décédé après avoir longtemps exercé cette charge avec grand fruict pour l'église de Dieu. Pour conclusion, ce convent est en une bonne ville qui a de grands termes pour faire les questes, si bien que facilement y peuvent estre entretenus quinze religieux.

Pour être intéressant et puisé à bonne source, ce narré n'est pas dépourvu d'erreurs. Ainsi, le fondateur du couvent des Cordeliers ne se nommait pas Guillaume de Vielliers, mais de Villers; il n'était pas seigneur de Digornay, mais bien d'Igornay 1; sa femme n'était pas Agnès d'Achie2, mais Anne de Bessey, leur épitaphe et leurs armoiries dont il sera question plus loin 3 le prouvent suffisamment 1; enfin l'église Saint-Jean-de-la-Grotte n'avait point de chapitre, et il ne peut être ici question que du doyen et des chanoines de la Cathédrale, comme curés de Saint-Jean-de-la-Grotte. 5

1. Aujourd'hui cant. de Lucenay-l'Évêque, arrond. d'Autun.

2. Saulnier (Autun chrétien, p. 198) et Gagnare (Histoire de l'Église d'Autun, p. 600), ont contribué à propager cette erreur.

3. Cf. l'art. I.

4. Nous y ajouterons le témoignage d'un de nos vieux historiens, Bonaventure Goujon: «Pendant le pontificat d'Antoine de Chalon, le couvent de Saint-François d'Autun fust commencé à bastir, et fust le 22 de juin 1480 par Mre Guillaume de Villiers s d'Igornay, au millieu de laquelle esglise il est inhumé avec noble dame Anne de Bessey sa femme.» (Biblioth. du grand Séminaire. Copie ms, d'environ 1630, p. 141.) — J'ignore quelle confusion a pu se glisser dans les renseignements fournis au P. Fodéré. N'aurait-on pas prétendu identifier les Villers avec les d'Athie-Villiers qui sont une branche de la maison de Damas? Cela est d'autant plus probable que l'historien de l'ordre de Saint-François écrit Vielliers ou Villiers et non Villers. Villiers que possédaient les Damas est aujourd'hui une commune du cant. de Liernais, arrond. de Beaune (Côte-d'Or).

5. On peut consulter sur ce procès les pièces suivantes conservées aux archives de l'hôtel de ville d'Autun, fonds des Cordeliers: 8 novembre 1479. Instrument du désavehu fait par chappitre et les habitans d'Ostun touchant l'érection d'ung convant de Cordeliers à l'ancontre de monsg" d'Igornay. · 23 décembre 1479. Mandement d'appel pour chappitre et les aultres esglises d'Ostun impétré à l'ancontre de G. de Villiers, sg d'Igornay à la court du roy, touchant les Cordeliers, etc. - 27 octobre 1480. Arrestz à produire contre les Cordelier au faict de leur establissement en la ville d'Autun pour le chappitre d'Autun. 7 décembre 1482. Mandement pour contraindre monseigneur d'Igornay fondatiur, à payer trois mille francz.

Ces erreurs signalées, il nous reste à ajouter aux renseignements du P. Fodéré ceux que les archives du couvent et ses ruines peuvent nous fournir. C'est d'abord l'acte de fondation : 1

L'an mil quatre cens quatre-vingt, le dix neufviesme juin, messire Guillaume de Villers chevalier, seigneur d'Igournay, pour la bonne et grande dévotion à Dieu et à monsieur saint François, a promis et promet à Dieu et à mondit sieur St François, aux personnes de frère Pierre Chambon vicaire du provincial de l'ordre des frères mineurs dudit St François, Jacques Mauguon substitut du procureur du roy, et la nôtre soussigné, personnellement stipulans et acceptans, de mettre et employer de ses propres deniers, dans deux ans prochains venans, à la construction, édification et érigement d'une église et d'un couvent d'iceux Cordeliers à Ostum, en la place à luy sur ce establie et ordonné par le roy nostre sire, près du Champ St Ladre, la somme de trois mil francs, et si lesdits trois mil francs ne suffisent pour la perfection et accomplissement desdites église et convent, y faire, au surplus, le mieux qu'il pourra, et, quant à ce, soumet et oblige luy, ses biens, ses hoirs et les biens d'iceux à la juridiction et contrainte de la cour du roy et de sa chancellerie du dûché de Bourgogne et de toutes autres juridictions, voulant que de ce soient faittes lettres les meilleures que faire se pourroient au dire et conseil de sage personnage non venu ainsy que présent honnorables hommes maîtres Lyonard Comoy avocat du roy, Regnault Lambert, maîtres Pierre Millot, Estienne Meneveaul et plusieurs autres. Ainsy signé : ORTIN.

Le lieu où s'élevait le couvent de Notre-Dame-de-Paix était situé en un « mex, tènement ou héritaige que feu Estienne Merlot tenoit à rente et cense de feu honorable homme, maistre Jehan Quartier, lequel héritaige est dedans les limites de ladite parroiche de Saint Jehan de la Crote, mesmement depuis l'ostel du cloutier jusques au pertuiz de la vigne Boisserant et affrontant par devant audit Champ Saint Ladre et par derrière à ladite vigne Boisserant. » 2

1. Promesse de M. d'Igornay de 3,000 livres pour bastir l'église des PP. Cordeliers d'Autun, du 19 juin 1480. (Archives de l'hôtel de ville. Fonds des Cordeliers. Copie du dix-septième siècle.)

2. Informations pour messieurs les vénérables, doyen et chappitre, etc., 11 septembre 1480.

« ZurückWeiter »