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pour entreprendre une bonne œuvre et la mener à sa fin; et j'ai signalé les noms de ces bienfaiteurs à la reconnaissance et à la vénération publiques; j'ai énuméré ces actes de bienfaisance, ces dons de toute nature dont chaque jour le pauvre est l'objet; je lui ai appris (car le malheur fait qu'il oublie trop vite) avec quel art, quelle persévérance, au prix de quels sacrifices la charité, toujours si ingénieuse, parvient au soulagement des plus misérables ménages, à l'entretien des enfants abandonnés, à la guérison des malades; comment, grâce à son zèle, qui croît avec les difficultés, le vieillard trouve un asile pour ses derniers jours, le prisonnier quelque allégement au poids de ses chaînes; comment l'insensé, le furieux, jusque dans son cabanon, rencontrent une main amie, un regard bienveillant (1), un traitement rationnel; comment enfin on s'efforce de consoler toutes les douleurs, de calmer tous les maux et de diminuer toutes les misères qui forment le triste cortége de l'humanité.

Je n'ai pas été injuste envers celui dont les intérêts me préoccupent si vivement: après avoir exposé le tableau de ses défauts et de ses vices, conséquence fatale de sa position sociale et de son instruction, encore maintenant très-négligée, je me suis plu à faire briller les excellentes qualités qui se

(4) Ainsi M. T....., frère d'un ancien garde des sceaux, au lieu de profiter de la position élevée de son parent pour arriver aux honneurs, s'est dévoué au soulagement des aliénés. On l'a vu, à la Salpêtrière, chaque jour, demeurer longtemps en présence d'un insensé, lui parler avec douceur, avec une inaltérable patience, le fasciner, pour ainsi dire, par un coup d'œil plein de compassion, atténuer insensiblement l'état de folie du malade, et arriver, par cette charité patiente, à d'heureux résultats. Un jeune médecin de Paris, M. L. H....., enlevé trop tôt à sa famille et aux pauvres, eut le rare courage d'amener dans son domicile un homme dont la raison était égarée et qui n'avait pu trouver place dans un hospice; il a gardé longtemps ce malade, lui prodiguant les soins les plus tendres et les plus désintéressés.

rencontrent dans quelques-uns de ses semblables; leur patience, leur résignation, leur probité délicate, leur économie, leur gratitude; j'ai montré comment, dans sa misère, l'indigent sait encore secourir de plus pauvres que lui, et venir en aide quelquefois au riche même. Puis, comme je désire qu'il y ait dans ce livre une part égale pour celui qui n'a rien et pour celui qui a beaucoup, et qu'ils y trouvent tous deux une leçon et un conseil, j'ai usé, je crois, de la même impartialité envers ceux qui jouissent des dons de la fortune; et si j'ai malheureusement rencontré dans mon chemin des cœurs durs, des yeux qui restent secs devant la plus grande infortune, des mains qui ne s'ouvrent jamais pour laisser tomber la plus petite pièce de monnaie; si j'ai stigmatisé l'avare qui enfouit l'or au lieu de le répandre dans le sein du pauvre, le prodigue qui fait un mauvais et fol usage de sa richesse, celui qui, plus coupable, se sert de l'argent pour corrompre, et puis encore le bienfaiteur orgueilleux qui gâte l'aumône par la vanité, et qui en perd le prix aux yeux de l'homme et de Dieu, il m'a été doux, ç'a été une justice, de dresser la liste des fondations utiles que nous devons à nos rois, à nos princes, à des magistrats, à des financiers, et aussi à des citoyens obscurs, inconnus dans le monde, qui, ayant acquis à la sueur de leur front une grande richesse, en ont su faire un noble usage en la consacrant au malheur, à la vieillesse, au traitement de maladies spéciales, à l'instruction des pauvres orphelins; et je n'ai pu oublier ces femmes, si faibles de corps et si fortes de cœur, qui visitent le pauvre dans son grenier, le malade dans son hôpital, le prisonnier dans son cachot; ces femmes estimables, persévérantes dans le bien, qui ont la direction des crèches, des salles d'asile et des ouvroirs de l'enfant et de la jeune fille; créatures privilégiées, placées dans le

monde pour y exercer le plus grand des ministères, celui de la charité.

J'ai dû examiner aussi les caractères de la bienfaisance légale et de la charité chrétienne, la philanthropie de l'homme de bien qui a doté son pays d'institutions précieuses, la charité publique et particulière, et signaler les nuances qui les distinguent: j'ai loué la première et j'ai donné plus d'éloges à la seconde, puisqu'elle naît du cœur et trouve son principe et sa récompense dans une croyance religieuse, plus capable de conduire à des sacrifices et à des dévouements héroïques; et alors j'ai parlé de l'aumône, qui est la conséquence la plus ordinaire de la charité, de l'aumône qui se produit sous mille formes, de l'aumône qui ne consiste pas seulement à jeter un peu d'argent dans la main suppliante qui vous est tendue, mais encore de l'aumône des larmes, des conseils, de la prière, qui est accessible à tous; et racontant comment nos maîtres dans l'art d'aimer le pauvre et le malade, le vieillard et l'enfant, avaient exercé la grande science de la charité, leurs touchants exemples ont parlé plus éloquemment que je n'aurais pu le faire.

Enfin mon but a été double : j'ai désiré porter les heureux du siècle à soulager leurs frères en proie au besoin, à la honte, à la maladie, à la souffrance, et j'ai voulu prouver à ceux-là par le récit des actions charitables dont ils sont l'objet, et par les établissements créés en leur faveur, qu'ils ne doivent jamais désespérer de leur sort et encore moins murmurer contre Dieu et contre ceux à qui il a fait le présent parfois si dangereux de l'or. Je serais bien payé de mes travaux si je pouvais émouvoir la sensibilité du riche, ouvrir son cœur à la commisération, lui arracher quelques larmes et quelques pièces de monnaie; si je pouvais, en lui offrant d'admirables modèles

d'un dévouement héroïque au malheur et d'une bienfaisance inépuisable, le porter à les imiter, à les surpasser; l'engager, lorsqu'il ne peut donner son obole à celui qui s'incline devant lui et sollicite sa pitié, à ne pas le contrister, à ne pas l'écraser par un regard, un refus humiliant; puis, recourant à des motifs humains et excitant son amour-propre, lui prouver que le nom qui s'inscrit au fronton d'un hôpital ou d'un établissement charitable, a plus de durée que celui que la gloire militaire et toutes les gloires humaines gravent sur la façade de nos monuments; et lui démontrer surtout que la jouissance que procure une légère aumône, une aumône bien faite, un peu d'argent, de linge, de pain, portés sans ostentation, avec bonté, avec un sourire caressant, au milieu d'une famille dépouillée de tout et livrée aux angoisses de la faim, de la maladie et de la nudité, verse dans l'âme cent fois plus de paix, plus de satisfaction véritable que ne peuvent le faire les plaisirs enivrants du monde et les vanités de l'ambition assouvie.

Il me sera bien doux aussi de sécher les pleurs du pauvre digne de ce nom, de faire rentrer l'espoir dans des âmes désolées, de chasser une pensée de crime et de mort prête à naître dans un cœur ulcéré, et que l'abandon de tous les hommes allait laisser s'accomplir. Puisse le pauvre qui souffre consulter ce livre écrit au milieu des émotions de la charité, ce livre quelquefois baigné de mes larmes, y trouver une page, une ligne consolante : j'aurai reçu ma récompense !

Si l'on me demande à présent quelle a été ma mission pour écrire cet ouvrage après tant de publications qui jouissent à juste titre d'une grande renommée (1), je répondrai que tout

(4) Je me fais un devoir de citer, entre autres noms, ceux de MM. de Villeneuve-Bargemont, Duchâtel, Delessert, Villemain, Farelle, Buret, Watteville, Frégier, etc., madame A. de Gasparin, dont les écrits m'ont été

citoyen doit apporter son tribut, si faible qu'il soit, dans cette importante matière; je répondrai encore que j'ai reçu plus d'une fois les leçons du malheur, que mes jours ont été bons et mauvais, et que pendant le cours d'une longue carrière bien des nuits furent pour moi sans sommeil; plus d'une fois les chances du commerce me furent contraires (1); alors j'ai été conduit à méditer plus profondément sur le sort du pauvre, je l'ai plaint, j'ai voulu le rendre meilleur et j'ai plaidé la cause de l'indigent. — Non ignara mali, miseris succurrere disco.

Dans les loisirs que m'a faits la Providence, heureux d'avoir échappé au péril, j'ai voulu venir, autant qu'il était en mon pouvoir, au secours de ceux qui souffrent. Lorsque j'ai exércé les fonctions de commissaire-visiteur pour l'œuvre de SaintFrançois Régis, et que j'ai pu voir de près les suites déplorables du concubinage; lorsque chargé de parcourir la demeure des convalescents peu aisés pour remplir les pieuses intentions de M. de Montyon; lorsque, m'associant à des dames brûlant de zèle et de charité, nous avons ensemble gravi les escaliers et sollicité la pitié des habitants d'un quartier peu aisé; quand j'ai visité les prisons et les hospices, partout j'ai étudié la misère, la maladie et la souffrance; quand j'ai été assez heureux pour m'entretenir avec les filles de Saint-Vincent de Paul, , j'ai connu les besoins sans cesse renaissants de tous ces misérables ménages qui peuplent et encombrent quelques arrondissements populeux de la capitale, et apprécié aussi les pro

si utiles à consulter, et dont la lecture a charmé tant de fois l'aridité de mes recherches et m'a consolé des tristes tableaux qu'il m'a fallu contempler.

(1) Que ceux qui m'ont tendu leur main amie, m'ont éclairé de leurs conseils, et sauvé ma barque du naufrage, reçoivent publiquement l'expression de ma reconnaissance. Jamais elle ne sera un fardeau pour moi.

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