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L'ABBÉ CHARLES DORET

NOTICE BIOGRAPHIQUE

LUE A LA SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ ÉDUENNE

DU 12 MARS 1896

Notre Société, depuis quelques années a subi de cruelles épreuves, et la mort semble avoir fixé son choix parmi nos collaborateurs les plus zélés. Une catastrophe aussi imprévue que tragique, dont je ne retrace pas les émouvantes péripéties, enlevait en octobre dernier notre vaillant collègue l'abbé Doret. Un hommage mérité a été rendu déjà à la mémoire du prêtre; il nous appartient de résumer ce qu'il a fait pour l'histoire locale et l'archéologie.

Charles DORET, né le 16 juillet 1826 à Uxeau, hameau de Lucenay-l'Evêque, annonça dès ses jeunes années une intelligence qui le fit remarquer au milieu de ses compagnons d'école. L'abbé Claire, vicaire de Lucenay, s'étant chargé de le diriger dans ses premières études, son élève entra au petit séminaire, puis au grand où il reçut les ordres sacrés le 14 juin 1851. Pénétré de l'amour du sol natal, jusqu'alors son univers, le jeune prêtre reçut avec

1. Semaine religieuse d'Autun, 26 octobre 1895. Notice par M. l'abbé Sebille, curé-archiprêtre de Lucenay-l'Evêque.

joie sa nomination au vicariat d'Anost, poste voisin, privilégié pour ses débuts. Un goût inné le portait dès lors à la recherche des anciens titres; l'abbé Détivaux, curé d'Anost, étonné de cette prédilection, lui adressait quelquefois d'amicales taquineries que le novice prenait en bonne part; sa persévérance lui permit de se familiariser sans maitre avec la paléographie et l'histoire de son cher Morvan, mais bientôt une décision épiscopale transportait le vicaire d'Anost à une extrémité du diocèse, à Varennessous-Dun, près de la Clayette. Le Charollais est une riche et belle région; il n'est pas le Morvan, pour un Morvandeau. La nostalgie gagnait l'exilé. Au-dessus du village de Varennes, la montagne de Dun, le Beuvray du pays, domine entre la Saône et la Loire un panorama immense. La vue plonge sur quatre ou cinq départements. Le vicaire de Varennes, chaque fois que le devoir le permettait, gravissait les pentes et, là, une larme aux yeux, cherchait dans les brumes lointaines la silhouette des montagnes aux pieds desquelles s'était abrité son berceau. C'est peut-être aussi sur ce sommet que s'enracinèrent ses aspirations vers l'archéologie. Sur ce vieux sol d'un refuge gaulois auquel succéda un château détruit par Philippe-Auguste en 1187, s'élevait une antique chapelle romane, demi-croulante alors, écroulée peut-être aujourd'hui. Des légendes merveilleuses, des sources, des pierres celtiques tournant à Noël, vivifient pour l'esprit ce sommet désert; il n'en fallait pas tant pour pénétrer une imagination endolorie. C'est au sortir de Varennes que l'abbé Doret accentua ses premiers

travaux.

Son éloignement avait été de courte durée ; l'année 1855 le ramenait dans le Morvan comme curé de la PetiteVerrière. L'étendue de son domaine pastoral n'était pas de nature à lui refuser tout loisir; la Petite-Verrière, avec moins de deux cent cinquante habitants, ne semblait pas devoir offrir un thème bien riche à un écrivain. Le nouveau

pasteur néanmoins se mit à réunir des matériaux. Le voisinage d'Autun lui offrait quelques ressources bibliographiques, et lorsqu'une décision nouvelle vint l'appeler à la cure de Chissey, une notice historique manuscrite, très considérable, sur sa petite paroisse, témoignait du zèle et de l'activité dont il avait fait preuve durant un séjour limité. Chissey était pour lui presque le pays natal, et avec le calme de l'esprit et la satisfaction du cœur, l'amour des recherches ne l'abandonna plus. Non seulement à Chissey il accomplit la même mission qu'à la Petite-Verrière, mais étendant déjà au large son champ d'exploration, il acceptait la demande de l'abbé Vieillard, curé de Lucenay, de rédiger le cahier historique réclamé sur cette importante paroisse à laquelle le château des évêques d'Autun avait donné une notoriété féodale.

Sa collaboration secondait en même temps l'abbé Baudiau, dans son ouvrage sur le Morvan, auquel il a fourni exclusivement plusieurs notices relatives aux églises de l'archiprêtré de Lucenay.

Ces travaux pacifiques devaient bientôt être interrompus par un coup de tonnerre. La période néfaste de 1870-1871 s'ouvrait par nos échecs, suivis pour l'Autunois de l'invasion garibaldienne. Isolé dans sa paroisse dont il partageait les angoisses, l'abbé Doret n'échappa point aux vexations que, sous prétexte politique, certains de ses paroissiens, appelés par les circonstances à l'administration de la commune, n'épargnèrent pas à leur pasteur. Dénoncé sans aucune espèce de fondement, il se justifia sans peine, à la confusion de ses adversaires, et répondit à leurs calomnies par son dévouement sans relâche auprès des nombreux malades atteints de la variole qui fit alors tant de victimes dans le pays. Cette période troublée nous a valu de sa main des éphémérides propres à enrichir quelque jour nos Mémoires, lorsque les personnalités auront disparu. Chissey, sur la route de Saulieu et de Paris, était à chaque instant traversé

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par des éclaireurs ou des détachements garibaldiens; des nouvelles vraies ou contradictoires, le voisinage des Prussiens dans la Côte-d'Or agitaient, terrorisaient la population. L'abbé Doret eut l'heureuse pensée de noter jour par jour, heure par heure, les incidents, les fluctuations des esprits, et des anecdotes assez piquantes sur les agissements garibaldiens.

Ces récits sans prétention, entremêlés à ses visites de malades, ont la forme et l'intérêt des livres de raison, des mémoriaux journaliers dans lesquels certains clercs, bourgeois, artisans même du moyen âge se plaisaient à consigner les moindres détails de leur vie et des événements contemporains.

Notre regretté collègue, Léon Pouillevet, nous a laissé, dans son Carnet d'un Garde national, la peinture de faits de la même époque à Autun; le Livre de Souvenance de l'abbé Doret en est la contre-partie dans la campagne; ils mériteraient d'être édités simultanément.

Ce recueil était un adieu de l'auteur à Chissey, qu'il allait quitter sans s'éloigner toutefois de la région autunoise. L'évêché, en 1871, l'appelait à Antully, où il devait passer neuf années qui comptèrent dans sa vie de travailleur. La proximité d'Autun mettait sous sa main le dépôt d'archives de la ville et de l'église; Mgr de Marguerye l'avait même chargé de mettre de l'ordre dans ces dernières. Cette mine féconde lui fournissait en abondance les matériaux de ses recherches sur les paroisses limitrophes et lui permettait d'étendre le cercle de ses investigations. Son activité infatigable au milieu des déplacements journaliers et des fonctions diverses de son ministère lui ménageait toujours une réserve de temps considérable; aussi est-ce dans cette période qu'il rassembla des documents non seulement sur Antully, son nouveau domaine historique, mais sur un grand nombre d'autres communes, Lucenay, Anost, Roussillon, la Grande-Verrière, Saint-Léger-sous-Beuvray,

Etang, Broye, Saint- Symphorien - de - Marmagne, Monthelon, etc. Il avait commencé une monographie spéciale du fief de Chantal et une autre de la châtellenie de Glenne, le plus beau et le plus riche thème féodal qu'un chercheur puisse trouver dans notre pays. Cette monographie n'a pu être complétée, en raison même de l'abondance des titres partagés entre les dépôts d'archives de Saône-et-Loire et de la Côte-d'Or. Un travail définitif sur le fief de la Porcheresse, dépendance d'Auxy et d'Antully, avait été mis au net en manuscrit; ce manuscrit, prêté peut-être, a disparu, et son auteur fut réduit à le reconstituer plus tard de mémoire pour la plus grande partie. On juge, d'après ce simple énoncé, de la somme de travail que fournissait l'abbé Doret.

Notre collègue touchait simultanément à une quantité de sujets; cette dispersion sans doute a été l'obstacle qui l'a empêché de produire des œuvres achevées, dans le sens étendu de l'expression. De nombreux matériaux sur l'église d'Autun, les abbayes, les prieurés, les fondations et donations diverses ont passé par ses mains. Un volume manuscrit traite du protestantisme à Autun et à Couches; un autre à Paray-le-Monial, Arnay-le-Duc, Saulieu, Corbigny; un troisième recueil comprend l'histoire de Ménessaire et de ses seigneurs, celle d'Alligny-en-Morvan et de ses fiefs.

J'ignore si dans ses recherches sur Antully, notre collègue a relevé les traces encore subsistantes de l'archéologie romaine qui attendent un explorateur; je me souviens que dans une excursion faite avec lui sur le territoire de sa paroisse, il nous fit visiter les emplacements d'une dizaine de villas antiques, dont un des possesseurs, à ce moment, venait de dénuder, pour les détruire, les derniers vestiges. de l'une d'elles. Espérons que, dans ses notes on en retrouvera la description ou du moins un souvenir. La cure d'Antully le rapprochait de Montjeu; et comme pasteur d'une paroisse sur laquelle le château possédait des terres,

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