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JEAN-LOUIS GOUTTES

ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL

DU DÉPARTEMENT DE SAONE-ET-LOIRE

ET LE CULTE CATHOLIQUE A AUTUN

PENDANT LA RÉVOLUTION

(SUITE). 1

VIII

Si la municipalité prenait ainsi un ton sévère à l'égard de tous ceux qui étaient demeurés fidèles à leur foi, ce n'est pas qu'elle fût disposée à faire la part plus large au clergé constitutionnel. Déjà la méfiance se manifestait et le concours offert était froidement accueilli.

De tout temps, les prêtres des paroisses de la ville avaient participé à la formation de la liste des pauvres. susceptibles de prendre part au secours de l'aumône générale, fondée par le chanoine Louis Benoit en 1740. La municipalité n'ayant pas jugé à propos, en 1792, de faire appel aux lumières de ses coopérateurs ordinaires, cette exclusion inquiéta les esprits et une pétition fut présentée au Conseil de la commune, à l'effet d'adjoindre « un pasteur de chacune des paroisses de la ville, afin que cette partie de l'administration soit mieux surveillée et que l'on puisse connaître avec plus de certitude les pauvres qui sont vraiment dans le cas d'avoir le plus besoin de secours. >> Mais la municipalité, se refusant à donner au clergé constitutionnel ce témoignage de confiance et de solidarité,

1. V. Mémoires de la Société Eduenne, t. XXIII, p. 365.

déclara « qu'il demeure sursis à faire droit à cette pétition », sauf à examiner ultérieurement « si cette partie de l'administration a besoin d'adjoints. » 1

Une grave question vint bientôt occuper les esprits. Dans ses dispositions intérieures, l'église cathédrale ne se prêtait nullement au service paroissial auquel la constitution civile l'avait affectée. Destinée à la célébration solennelle de l'office canonial, tout était aménagé dans ce but. Le choeur était isolé de la nef et des collatéraux par des stalles, surmontées de hautes boiseries, qui faisaient en bas, en face de l'autel, un retour de onze pieds, à droite et à gauche, laissant un vide fermé par une grille en fer forgé. Au retour des stalles, de chaque côté de la grille, était adossé un autel, en sorte que les cérémonies du culte, accomplies dans cette enceinte, n'étaient aperçues que par les habitants du choeur et demeuraient à peu près invisibles aux fidèles dispersés dans la nef.

Cette disposition, sans inconvénient quand le Chapitre remplissait seul dans l'église son ministère d'organe de la prière publique, était incompatible avec l'exercice du culte paroissial. Par une délibération du 24 novembre 1791, le conseil épiscopal avait protesté contre cette disposition vicieuse, en sollicitant de la municipalité les changements nécessaires à la nouvelle destination de la cathédrale destruction des grilles et boiseries qui fermaient le chœur et s'opposaient à la libre communication du prêtre et des fidèles, établissement d'une table de communion et d'une chaire pour les prédications, etc. Quelque fondée que fût cette réclamation, elle trouva peu de crédit près de la municipalité : soit que celle-ci ait manqué de confiance dans la durée du culte constitutionnel, qu'elle ait été arrêtée par la crainte de porter atteinte à une disposition. qui excitait l'admiration générale et de paraitre s'associer

1. Reg. municipaux, 3 janvier 1792.

à un acte de vandalisme, ou qu'elle ait été retenue par le chiffre de la dépense, elle refusa, par sa délibération du 1er février 1792, d'accéder aux demandes du conseil épiscopal « Considérant que de faire des changements dans l'église épiscopale ce seroit détruire en quelque façon une architecture qui est admirée de tous les citoyens et des étrangers; que d'ailleurs cette dépense seroit très considérable; considérant de plus que le culte peut très bien. s'exercer et toutes les fonctions se remplir sans aucuns changements: le conseil est d'avis que les choses doivent rester dans l'état où elles sont dans le moment actuel. »1

Une autre réclamation ne reçut pas un meilleur accueil. L'évêque avait demandé que les ornements des paroisses supprimées fussent mis à la disposition de l'église épiscopale et de celle de Saint-Louis. Le procureur de la commune s'éleva vivement contre cette prétention, alléguant que « la ci-devant église cathédrale n'avoit aucun besoin de recourir à cette ressource, qu'il seroit difficile de trouver une église mieux fournie de calices, ornements, linges et autres objets nécessaires au culte tout y abonde et y est superbe. » Il proposa donc « que les ornements des autres églises soyent vendus au profit de la nation, après néantmoins qu'on aura donné à l'église Saint-Louis, seconde paroisse de la ville, tout ce qui lui sera nécessaire. » Gouttes avait été invité à se rendre à cette séance pour appuyer les demandes de son conseil, et sa présence, restée sans action sur les sentiments de l'assemblée, rendit le refus plus mortifiant pour lui 2. Ce résultat montre le peu de prestige et de crédit dont le prélat constitutionnel jouissait à Autun, même près de ses correligionnaires politiques qui ne se gênaient déjà plus avec lui.

Ce dédain n'empêchait pas le clergé constitutionnel de

1. Registres municipaux, 1 février 1792.

2. Le procès-verbal de cette séance porte la signature de Gouttes ainsi que celle de Gaspard Mérandon, curé de Saint-Louis. (Registres municipaux.)

prêter son ministère à la publication des actes de l'autorité civile et sa domesticité ne se manifestait jamais avec plus d'empressement que quand il s'agissait de publier quelque décret porté contre les prêtres fidèles. C'est ainsi que le 14 février, il fut arrêté qu'une lettre du ministre de la justice <«< au sujet de l'intrigue des prêtres serait rendue publique par la voye de la publication et de l'affiche, même par la publication au prône des messes paroissiales de cette ville 1. » Aussi, les catholiques continuaient-ils de s'abstenir de paraître aux offices constitutionnels et s'empressaient-ils, malgré les arrêtés municipaux, de se rendre en foule sous la voûte de Saint-Andoche et dans la cour de la Visitation pour s'associer du dehors aux prières dites à l'intérieur.

Pour couper court à ces manifestations, qui semblaient très importunes, la municipalité arrêta le 6 mars « que MM. les commandants en chef des deux bataillons de la garde nationale de cette ville demeurent requis de faire placer, tous les dimanches et fêtes, depuis six heures du matin jusqu'à midi, deux sentinelles à chaque porte des maisons de Saint-Andoche et de la Visitation, même des Ursulines et autres maisons religieuses qui enfreindroient la loi, afin d'empêcher l'entrée desdites maisons aux personnes qui auroient dessein d'assister aux offices qui se célèbrent dans leur chapelle..., et seront les sentinelles continuées jusqu'à ce que lesdites dames se soyent conformées aux susdits arrêtés, soit en fermant les portes de leurs cours pendant les offices, soit en ne souffrant plus que l'on y entre pour y assister 2. » Cette garde, placée à la porte des couvents, parut sans doute inutile, illusoire ou ridicule et les sentinelles furent retirées par arrêté du 17 mars suivant.

Plus dangereuse encore était la conduite des religieuses Ursulines qui, malgré le refus qu'elles avaient fait de

1. Reg. municipaux.

2. Idem.

prêter le serment, continuaient à instruire gratuitement les jeunes filles. Le procureur de la commune s'émut d'un enseignement donné contrairement à la loi qui exigeait le serment de toutes les personnes chargées des fonctions de l'enseignement 1, et le réquisitoire, qu'il adressa au conseil de la commune le 6 mars, porte les traces de son émotion:

Messieurs, je suis informé que les écoles des religieuses Ursulines de cette ville sont ouvertes à l'immoralité la plus dangereuse à l'ordre social. Je sçais qu'on y enseigne une doctrine contraire aux fonctions du culte national, et déjà, Messieurs, je sçais jusqu'à quel degré le poison qu'on distile dans ces écoles, qui se couvrent des dehors de la paix et de la charité, a déjà fait de ravages, a déjà infecté de familles et écarté d'enfants des instructions publiques des paroisses. C'est pour prévenir ces désordres que l'Assemblée Nationale, par sa loi du 17 avril 1791, sanctionnée le 15, a voulu soumettre au serment des 26 décembre et 22 mars toutes les personnes chargées d'une fonction publique, et a déclaré déchues de ces fonctions toutes celles qui ne s'y conformeroient pas. C'est pour assurer l'exécution de cette loi qu'un arrêté du Conseil général du département a voulu que toutes personnes, de l'un et l'autre sexe, chargées des fonctions de l'instruction publique fussent soumises à ce serment. Sur cet arrêté, Messieurs, nous nous sommes transportés chez les religieuses Ursulines: interrogées sur leurs dispositions relatives au serment des 26 décembre et 22 mars, cité par la loi du 17 avril 1791, elles nous ont répondu qu'elles n'entendoient point prêter ce serment. Dès ce moment, Messieurs, elles étoient déchues de leurs fonctions, et c'étoit au département à pourvoir provisoirement à leur remplacement. Cependant, ces dames continuent d'instruire; leurs écoles chrétiennes sont devenues des écoles de désespoir pour les enfants, de discorde pour les familles et de scandale pour tous les citoyens. Est-ce là veiller à l'exécution des loix? Est-ce là assurer le bon ordre et la tranquilité publique? Si nous la voulons sincèrement pour nous et nos descendants, si nous ne voulons pas qu'ils ayent à nous reprocher notre foiblesse, notre inertie, nous ne devons rien épargner pour couper dans sa racine cette semence, ce

1. La loi du 17 avril 1791 avait soumis au serment toutes les personnes chargées d'une fonction publique, et un arrêté du département avait assimilé aux fonctionnaires les personnes « chargées des fonctions de l'enseignement. >>

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