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entre elles. On en peut dire autant de tout individu pris à part quel qu'il soit; car autrement Dieu et le monde n'existeraient pas, puisque leur action n'a rien d'extérieur et qu'elle reste concentrée en eux-mêmes.

§ 7. Ainsi le but suprême de la vie est nécessairement le même pour l'homme pris individuellement, que pour les hommes réunis et pour l'État en général.

CHAPITRE IV.

Suite. De la juste grandeur que l'État parfait doit avoir; il y a des limites en plus et en moins qu'il ne faut point dépasser; sans fixer un nombre précis de citoyens, il faut que ce nombre soit tel qu'il puisse suffiire à tous les besoins de la vie commune, et qu'il ne soit pas assez considérable pour que les citoyens puissent échapper à la surveillance; dangers d'une trop grande population.

§ 1. Après les considérations préliminaires que nous venons de développer, et celles auxquelles nous nous sommes livrés sur les diverses formes de gouvernements, nous aborderons ce qui nous reste à dire en indiquant quels seraient les principes nécessaires et essentiels d'un gouvernement fait à souhait. Comme cet État parfait ne peut exister sans les conditions

§ 6. N'a rien d'extérieur. Voir souhait. Aristote n'a point préplus haut, ch. I, § 5, et liv. I, ch. II, § 9.

§ 1. Et celles auxquelles nous nous sommes livrés. Voir plus haut, livre III, chapitre v, § 3, et suiv. Un gouvernement fait à

tendu donner ici le type imaginaire d'une république parfaite, comme l'a essayé Platon. Il s'est toujours tenu fort près de la réalité, et lui a fait tous ses emprunts; il ne propose en définitive qu'un

indispensables à sa perfection même, il est permis de se les donner toutes, par hypothèse, telles qu'on les désire, pourvu qu'on n'aille point jusqu'à l'impossible; par exemple, en ce qui concerne le nombre des citoyens et l'étendue du territoire. § 2. Si l'ouvrier en général, le tisserand, le constructeur de navires ou tout autre artisan, doit, préalablement à tout travail, avoir la matière première, dont la bonne disposition préparatoire importe tant au mérite de l'exécution, il faut donner aussi à l'homme d'État et au législateur une matière spéciale, convenablement préparée pour leurs travaux. Les premiers éléments qu'exige la science politique, ce sont les hommes avec le nombre et les qualités naturelles qu'ils doivent avoir, le sol avec l'étendue et les propriétés qu'il doit posséder.

§ 3. On croit vulgairement qu'un État, pour être heureux, doit être vaste. Si ce principe est vrai, ceux qui le proclament ignorent bien certainement en quoi consiste l'étendue ou la petitesse d'un État; car ils en jugent uniquement par le nombre de ses habitants. Pourtant il faut bien moins regarder au nombre qu'à la puissance. Tout État a une tâche à remplir; et celuilà est le plus grand qui peut le mieux s'acquitter

choix parmi toutes les conditions politiques dont il parle comme de faits positifs, dans le cours de son ouvrage.

un des plus anciens témoignages, avec celui de Platon dans le Phèdre, que l'antiquité nous ait laissés sur Hippocrate.

§ 5. Une cité trop peuplée. C'était une opinion générale, dans l'antiquité, qu'un État fort populeux ne peut être bien administré. La conclusion était très-logique, en par

§3. Doit être vaste. Montesquieu a traité aussi de l'étendue de l'Etat relativement à sa nature et à sa forme, Esprit des Lois, liv. VIII, ch. xvi et suiv. Rousseau a discuté le même sujet, Contrat social, tant des principes politiques adopliv. II, ch. IV. Hippocrate. Voilà tés dans presque toutes les répu

pas

de sa tâche. Ainsi, je puis dire d'Hippocrate, non pas comme homme, mais comme médecin, qu'il est beaucoup plus grand qu'un autre homme d'une taille plus élevée que la sienne. § 4. En admettant même qu'on ne dût regarder qu'au nombre, il ne faudrait encore confondre tous les éléments qui le forment. Bien que tout l'État renferme à peu près nécessairement une foule d'esclaves, de domiciliés, d'étrangers, il ne faut réellement tenir compte que des membres mêmes de la cité, de ceux qui la composent essentiellement; c'est le grand nombre de ceux-là qui est le signe certain de la grandeur de l'État. La cité d'où sortirait une multitude d'artisans, et peu de guerriers, ne serait jamais un grand État; car il faut bien distinguer entre un grand État et un État populeux. § 5. Les faits sont là pour prouver qu'il est bien difficile, et peut-être impossible, de bien organiser une cité trop peuplée; aucune de celles dont on vante les lois n'a renfermé, comme on peut le voir, une population excessive. Le raisonnement vient ici à l'appui de l'observation. La loi est l'établissement d'un certain ordre; de bonnes lois produisent nécessairement le bon ordre; mais l'ordre n'est pas possible dans une trop grande multitude. La puissance divine, qui embrasse l'uni

bliques de la Grèce, où les citoyens faisaient directement les affaires publiques. Le système représentatif peut seul résoudre le problème d'un grand État bien gouverné, et la Grèce ne l'a jamais connu. Voir liv. VII (6), ch. 11, § 2. Il faut ajouter que le morcellement de la Grèce en villes indépendantes et souveraines, si favorable d'ailleurs

au mouvement de l'intelligence, s'est opposé à tout grand développement politique. Rome, la cité, la ville unique et suprême (Urbs), maîtresse et régulatrice de l'univers, a été le dernier terme en politique des idées grecques; mais Rome a guéri le mal en le portant au plus haut degré qu'il pút atteindre; elle a absorbé le monde.

vers entier, serait seule capable de l'y établir. § 6. Le beau résulte ordinairement de l'accord du nombre et

de l'étendue; et la perfection pour l'État sera nécessairement de réunir à une juste étendue un nombre convenable de citoyens. Mais l'étendue des États est soumise à certaines bornes comme tout autre objet, comme les animaux, les plantes, les instruments. Chaque chose, pour posséder toutes les propriétés qui lui sont propres, ne doit être ni démesurément grande ni démesurément petite; car alors, ou elle a perdu complétement sa nature spéciale, ou elle est pervertie. Un vaisseau d'un pouce ne serait pas plus un vaisseau qu'un vaisseau de deux stades. Avec de certaines dimensions, il sera complétement inutile, soit par son exiguïté, soit par sa grandeur. § 7. Et de même pour la cité: trop petite, elle ne peut suffire à ses besoins, ce qui est cependant une condition essentielle de la cité; trop étendue, elle y suffit non plus comme cité, mais comme nation. Il n'y a presque plus là de gouvernement possible. Au milieu de cette immense multitude, quel général se ferait entendre? Quel Stentor y servira de crieur public? La cité est donc nécessairement formée ' au moment même où la masse politiquement associée peut pourvoir à toutes les commodités de son existence. Au delà de cette limite, la cité peut encore exister sur

§ 7. Comme cité... comme nation. La manière dont ces deux mots sont opposés ici montre assez le sens qu'Aristote y attache. « La nation », c'est un immense rassemblement d'hommes, une multitude, sans organisation politique, sans ordre; « la cité », au con

traire, c'est l'association, l'État soumis à des lois régulières. Voir encore cette différence fort nettement tracće, liv. II, ch. 1, § 5. Quel Stentor. Cette idée, qui peut aujourd'hui nous paraître assez bizarre, tenait à toutes les conditions politiques de l'antiquité.

une plus grande échelle; mais cette progression, je le répète, a des bornes. Les faits eux-mêmes nous apprendront sans peine ce qu'elles doivent être. Dans la cité, les actes politiques sont de deux espèces : autorité, obéissance. Le magistrat commande et juge. Pour juger les affaires litigieuses, pour répartir les fonctions suivant le mérite, il faut que les citoyens se connaissent et s'apprécient mutuellement. Partout où ces conditions n'existent pas, élections et sentences juridiques sont nécessairement mauvaises. A ces deux égards, toute résolution prise à la légère est funeste, et elle ne peut évidemment manquer de l'être dans une masse innombrable. § 8. D'autre part, il sera très-facile aux domiciliés, aux étrangers, d'usurper le droit de cité, et leur fraude passera sans peine inaperçue au milieu de la multitude assemblée. On peut donc avancer que la juste proportion pour le corps politique, c'est évidemment la plus grande quantité possible de citoyens capables de satisfaire aux besoins de leur existence, mais point assez nombreux cependant pour se soustraire à une facile surveillance. § 9. Tels sont nos principes sur la grandeur de l'État.

Il fallait de toute nécessité que tous les citoyens de l'Etat, tous les hommes libres et jouissant de droits politiques, pussent se réunir sur la place publique, y entendre les orateurs, y sanctionner des décrets. Aujourd'hui, trente six millions d'hommes, sur une étendue de plus de vingt-cinq mille lieues carrées, peuvent fonctionner politiquement avec le plus

grand ordre. Ils n'ont pas besoin de héraut, de crieur; ou, pour mieux dire, le télégraphe leur sert de héraut; et cette voix-là, en quelques moments, se fait entendre à deux ou trois cents lieues de distance.

§ 8. La juste proportion pour le corps politique. Cette solution géné rale est empruntée à Platon, Lois, liv. V, p. 277, trad. de M. Cousin.

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