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CHAPITRE VIII.

Suite. Réduction des éléments politiques de la cité à deux seulement dans le gouvernement parfait; les citoyens sont uniquement ceux qui portent les armes et qui ont droit de voter à l'assemblée publique; exclusion de tous les artisans; les biens-fonds ne doivent appartenir qu'aux citoyens ; parmi les citoyens, les armes doivent être remises à la jeunesse, les fonctions politiques à l'âge mur, et le sacerdoce aux vieillards.

§ 1. Après avoir ainsi posé les principes, nous avons encore à examiner si toutes ces fonctions doivent appartenir sans distinction à tous les citoyens. Trois choses ici sont possibles: ou tous les citoyens seront à la fois et indistinctement laboureurs, artisans, juges et membres de l'assemblée délibérante; ou bien chaque fonction aura ses hommes spéciaux ; ou enfin les unes appartiendront nécessairement à quelques citoyens en particulier, les autres appartiendront à la masse. La promiscuité des fonctions ne peut convenir à tout État indistinctement. Nous avons déjà dit qu'on pouvait supposer diverses combinaisons, admettre et ne pas admettre tous les citoyens à tous les emplois, et qu'on pouvait conférer certaines fonctions par pri

§ 1. Nous avons déjà dit. Un des derniers éditeurs de la Politique, M. Gottling, s'est appuyé sur ce passage pour soutenir (voir sa préface, p. 22) que l'ancien VIIe livre devait venir après l'ancien IVe, puisque Aristote a traité à la fin de ce dernier le sujet qu'il rappelle

ici. Mais cette question n'a été traitée dans le passage qu'indique M. Goettling que par rapport à la démocratie. Elle a été au contraire traitée d'une manière générale, quoique avec moins d'étendue, dans le IlIe livre, ch. vi, § 6, et ch. vii, § 9, à propos de la souve

vilége. C'est même là ce qui constitue la dissemblance des gouvernements. Dans les démocraties, tous les droits sont communs; c'est le contraire dans les oligarchies.

§ 2. Le gouvernement parfait que nous cherchons est précisément celui qui assure au corps social la plus large part de bonheur. Or le bonheur, avons-nous dit, est inséparable de la vertu; ainsi, dans cette république parfaite où la vertu des citoyens sera réelle, dans toute l'étendue du mot, et non point relativement à un système donné, ils s'abstiendront soigneusement de toute profession mécanique, de toute spéculation mercantile, travaux dégradés et contraires à la vertu. Ils ne se livreront pas davantage à l'agriculture; il faut du loisir pour acquérir la vertu et pour s'occuper de la chose publique. § 3. Reste encore la classe des guerriers, et la classe qui délibère sur les affaires de l'État et juge les procès. Ces deux éléments-là surtout semblent devoir constituer essentiellement la cité. Les deux ordres de fonctions qui les concernent, seront-ils remis à des mains séparées, ou réunis dans les mêmes mains? A cette question aussi, la réponse est évidente; ils doivent être séparés jusqu'à certain point, et jusqu'à certain point réunis séparés, parce qu'ils se rapportent à des âges différents, et qu'il faut, ici de la prudence, là de la vigueur; réunis, parce qu'il est impossible que des gens qui ont la force en main et qui peuvent en user, se résignent à une soumis

raineté. La dissemblance des haut, ch. 1, § 3. A l'agriculture, gouvernements. Voir liv. III, ch. v, ce préjugé n'a pas arrêté les Ro§ 2 et suiv. mains; et l'agriculture a été une

§ 2. Avons-nous dit. Voir plus des causes les plus énergiques de

sion éternelle. Les citoyens armés sont toujours les maîtres de maintenir ou de renverser le gouvernement. § 4. Il n'y a donc qu'à confier toutes ces fonctions aux mêmes mains, mais seulement à des époques différentes de la vie, et comme l'indique la nature ellemême; puisque la vigueur appartient à la jeunesse, et la prudence à l'âge mûr, qu'on partage les attributions d'après ce principe aussi utile qu'équitable, et qui repose sur la diversité même des mérites.

§ 5. C'est aussi à ces deux classes que les biensfonds doivent appartenir; car nécessairement l'aisance doit être acquise aux citoyens, et ceux-là le sont essentiellement. Quant à l'artisan, il n'a pas de droits politiques, non plus que toute autre classe étrangère aux nobles occupations de la vertu. C'est une conséquence évidente de nos principes. Le bonheur réside exclusivement dans la vertu; et pour dire d'une cité qu'elle est heureuse, il faut tenir compte non pas de quelquesuns de ses membres, mais de tous les citoyens sans exception. Ainsi, les propriétés appartiendront en propre aux citoyens; et les laboureurs seront nécessairement ou des esclaves, ou des barbares, ou des serfs.

§ 6. Enfin parmi les éléments de la cité, reste l'ordre des pontifes, dont la position est bien marquée dans l'État. Un laboureur, un ouvrier ne peut jamais arriver aux fonctions du pontificat; c'est aux citoyens seuls qu'appartient le service des dieux; or le corps politique est divisé en deux parties, l'une guerrière, l'autre

leur valeur guerrière et de leur grandeur. Du loisir. Voir plus haut, liv. II, ch. vi, § 2.

§ 5. L'aisance. Voir plus haut, § 2. Ou des serfs. Voir liv. II, ch. vi, § 3.

délibérante; mais comme il est à la fois convenable et qu'on rende un culte à la Divinité, et qu'on assure le repos aux citoyens épuisés par l'âge, c'est à ceux-là qu'il faut remettre le soin du sacerdoce.

§ 7. Tels sont donc les éléments indispensables à l'existence de l'État, les parties réelles de la cité. Elle ne peut d'une part se passer de laboureurs, d'artisans et de mercenaires de tout genre; mais d'autre part, la classe guerrière et la classe délibérante sont les seules qui la composent politiquement. Ces deux grandes divisions de l'État se distinguent encore entre elles, l'une par la perpétuité, l'autre par l'alternative des fonctions.

CHAPITRE IX.

Suite. Antiquité de certaines institutions politiques, et spécialement de la division par castes et des repas communs ; exemples de l'Égypte, de la Crète et de l'Italie; de la division des propriétés dans la république parfaite; du choix des esclaves.

§ 1. Ce n'est point du reste, en philosophie politique, une découverte contemporaine ni même récente, que cette division nécessaire des individus en classes distinctes, les guerriers d'un côté, les laboureurs de l'autre. Elle existe encore aujourd'hui en Égypte et en Crète, instituée là, dit-on, par les lois de Sésostris,

§ 1. Sésostris. Il résulte des recherches les plus récentes qu'on doit placer Sésostris dix-huit cents

ans au moins avant J.-C.; Aristote parle donc ici d'une institution qui, de son temps, comptait déjà quinze

ici par celles de Minos. § 2. L'établissement des repas communs n'est pas moins antique, et remonte pour la Crète au règne de Minos, et pour l'Italie, à une époque encore plus reculée. Les savants de ce dernier pays assurent que c'est d'un certain Italus, devenu roi de l'Enotrie, que les Enotriens ont changé leur nom en celui d'Italiens, et que le nom d'Italie fut donné à toute cette partie des rivages d'Europe comprise entre les golfes Scyllétique et Lamétique, distants l'un de l'autre d'une demi-journée de route. § 3. On ajoute qu'Italus rendit agriculteurs les notriens auparavant nomades, et que, parmi d'autres institutions, il leur donna celle des repas communs. Aujourd'hui même il y a des cantons qui ont conservé cette coutume, avec quelques-unes des lois d'Italus. Elle existait chez les Opiques, habitants des rivages de la Tyrrhénie, et qui portent encore leur ancien surnom d'Ausoniens; on la

siècles d'existence. - Ici par celles de Minos. Minos peut être placé trois ou quatre cents ans après Sésostris. Voir plus loin, §§ 4 et 5. § 2. Les savants de ce dernier pays. Niebuhr pense qu'Aristote a dú tirer tous ces renseignements sur l'Italie des ouvrages d'Antiochus de Syracuse, historien qui vivait à peu près cent ans avant lui, et dont parlent Denys d'Halicarnasse, Antiq. Rom., livre XII, chap. LXXI, et Strabon, liv. VI, p. 202, lig. 13, édit. Firmin Didot, et passim. Voir Niebuhr, Hist. Rom., t. I, p. 32. Une demijournée de route. Cent soixante stades, selon Strabon, liv. VI, ch. 1, p. 245, un peu plus de six lieues. Le golfe de Scyllace ou

Squillace porte encore ce nom, et est placé à l'orient de l'isthme que forme l'Italie à sa pointe méridionale. Le golfe Lamétique, qu'Antiochus et Strabon nomment Napitinique, est le golfe de SainteEuphémie, sur la mer de Naples, à la partie occidentale de l'isthme.

§ 3. Les Enotriens, auparavant nomades. Les Enotriens habitaient dans le Brutium et dans la partie sud-est de la Laconie. Voir Niebuhr, p. 39. La Tyrrhénie. Les Grecs appelaient du nom commun de Tyrrhénie toute la partie occidentale de l'Italie. Opiques... Ausoniens. Voir Niebuhr, p. 39 et 48. — Les Choniens étaient dans la Grande-Grèce, à l'extrémité méridionale de l'Italie; les Chao

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