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n'aient en vue que la paix et le repos. Et ici les faits viennent joindre leur témoignage à celui de la raison. La guerre, tant qu'elle dure, a fait le salut de pareils États; mais la victoire, en leur assurant le pouvoir, leur a été fatale; comme l'acier, ils ont perdu leur trempe dès qu'ils ont eu la paix; et la faute en est au législateur, qui n'a point appris la paix à sa cité.

§ 16. Puisque le but de la vie humaine est le même pour les masses et pour les individus, et puisque l'homme de bien et une bonne constitution se proposent nécessairement une fin pareille, il s'ensuit évidemment que le repos exige des vertus spéciales; car, je le répète, la paix est le but de la guerre, le repos est le but du travail. § 17. Les vertus qui assurent le repos et le bonheur, sont celles qui sont d'usage dans le repos aussi bien que dans le travail. Le repos ne s'obtient que par la réunion de bien des conditions indispensables pour les premiers besoins. L'État, pour jouir de la paix, doit être prudent, courageux et ferme; car le proverbe est bien vrai « Point de repos pour les esclaves. »> Quand on ne sait pas braver le danger, on devient la proie du premier attaquant. § 18. Il faut donc courage et patience dans le travail; il faut de la philosophie dans le loisir, de la prudence et de la sagesse dans l'une et l'autre de ces deux situations, mais surtout au milieu de la paix et du repos. La guerre donne forcément justice et sagesse à des hommes qu'enivrent et pervertissent le succès et les jouissances du loisir et de

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§ 15. Le salut de pareils Etats. mone. Voir plus haut, liv. II, ch.vi, Aristote a déjà fait la même re- § 22. Perdu leur trempe. Exmarque relativement à Lacédé- pression remarquable.

la paix. § 19. On a surtout besoin de justice et de prudence, quand on est au faîte de la prospérité et qu'on jouit de tout ce qui fait l'envie des autres hommes. Il en est comme des sages que les poëtes nous représentent dans les îles Fortunées plus leur béatitude est complète, au milieu de tous les biens dont ils sont comblés, plus ils doivent appeler à leur aide la philosophie, la modération et la justice. Ces vertus évidemment ne sont pas moins nécessaires au bonheur et à la vertu de l'État. S'il est honteux de ne point savoir user de la fortune, il l'est surtout de ne pas savoir en user au sein du loisir, et de développer son courage et sa vertu durant les combats, pour montrer une bassesse d'esclave pendant la paix et le repos. § 20. Il ne faut pas entendre la vertu comme l'entendait Lacédémone; ce n'est pas qu'elle ait compris le bien suprême autrement que chacun ne le comprend; mais elle a cru qu'on pouvait surtout l'acquérir par une vertu spéciale, la vertu guerrière. Or, comme il existe des biens supérieurs à ceux que procure la guerre, il est évident aussi que la jouissance de ces biens-là est préférable, sans avoir d'autre objet qu'elle-même, à celle des seconds. § 21. Voyons par quelles voies on pourra gagner ces biens inappréciables.

Nous avons déjà dit que les influences qui s'exercent sur l'âme sont de trois sortes, la nature, les mœurs et la raison. Nous avons aussi précisé les qualités que les citoyens doivent préalablement recevoir de la nature.

plus haut, ch. xII, § 6. - Nous avons aussi précisé. Voir plus haut, ch. vi, § 2. Voir aussi la

§ 20. La jouissance de ces bienslà. Voir une pensée analogue, liv.II, ch. vi, § 22. § 21. Nous avons déjà dit. Voir Morale à Nicomaque, liv. I, ch. I,

Il nous reste à rechercher si l'éducation de la raison doit précéder celle des habitudes; car il faut que ces deux dernières influences soient dans la plus parfaite harmonie, puisque la raison même peut s'égarer en poursuivant le meilleur but, et que les mœurs ne sont pas sujettes à moins d'erreurs. § 22. Ici, comme dans tout le reste, c'est la génération par laquelle tout commence; mais la fin de la génération remonte à une source dont l'objet est tout différent. Dans l'homme, la vraie fin de la nature c'est la raison et l'intelligence, seuls objets qu'on doit avoir en vue dans les soins appliqués, soit à la génération des citoyens, soit à la formation de leurs mœurs. § 23. De même que l'âme et le corps, avons-nous dit, sont bien distincts, de même l'âme a deux parties non moins différentes : l'une irrationnelle, l'autre douée de raison; elles se produisent sous deux manières d'être diverses: pour la première, l'instinct; pour l'autre, l'intelligence. Si la naissance du corps précède celle de l'âme, la formation de la partie irrationnelle est antérieure à celle de la partie raisonnable. Il est bien facile de s'en convaincre : la colère, la volonté, le désir se manifestent chez les enfants aussitôt après leur naissance; le raisonnement, l'intelligence ne se montrent, dans l'ordre naturel des choses, que beaucoup plus tard. Il faut donc nécessairement s'occuper du corps avant de penser à l'âme; et après le corps, il faut songer à l'instinct, bien qu'en définitive l'on ne forme l'instinct que pour l'intelligence, que l'on ne forme le corps qu'en vue de l'âme.

et

§ 9, page 5 de ma traduction, et X, ch. x, § 6, page 469. Tout II, ch. 1, §§ 3 et suiv., page 66; cela est admirable.

CHAPITRE XIV.

Suite. De l'éducation des enfants dans la cité parfaite; soins que le législateur doit donner à la génération; de l'âge des époux; conditions indispensables pour que l'union soit tout ce qu'elle doit être; dangers des unions trop précoces; soins à prendre pour les femmes enceintes; abandon des enfants difformes et en surnombre; avortement; punition de l'infidélité.

§ 1. Si c'est un devoir du législateur d'assurer dès le principe aux citoyens qu'il élève des corps robustes, ses premiers soins doivent s'attacher aux mariages des parents, et aux conditions de temps et d'individus requises pour les contracter. Ici deux choses sont à considérer, les personnes et la durée probable de leur union, afin que les âges soient toujours dans un rapport convenable, et que les facultés des deux époux ne discordent jamais, le mari pouvant encore avoir des enfants, quand la femme est devenue stérile, ou réciproquement; car ce sont là, dans les unions, des germes de querelles et de mésintelligence. § 2. Ceci importe, en second lieu, pour le rapport des âges entre les parents et les enfants, qui les doivent remplacer. Il ne faut pas qu'il y ait entre les pères et les enfants une excessive différence; car alors la gratitude des enfants, envers des parents trop âgés, est complétement vaine, et les parents ne peuvent assurer à leur famille les secours dont elle a besoin. Il ne faut pas non plus que cette différence des âges soit trop faible; car ce sont d'autres

§ 1. Des germes de querelles. On toutes ces observations et de ces remarquera la profondeur de sages conseils.

inconvénients non moins graves. Les enfants alors ne se sentent pas plus de respect pour leurs parents que pour des compagnons d'âge; et cette égalité peut causer dans l'administration de la famille des discussions peu convenables.

Mais revenons à notre point de départ, et voyons comment le législateur pourra former presqu'à son gré les corps des enfants dès qu'ils sont engendrés.

§ 3. Tout ici à peu près repose sur un seul point auquel il faut donner grande attention. Comme la nature a limité la faculté génératrice à l'âge de soixantedix ans tout au plus tard pour les hommes, et cinquante pour les femmes, c'est en se réglant sur ces époques extrêmes qu'il faut fixer l'âge où peut commencer l'union conjugale. § 4. Les unions prématurées ne sont pas favorables aux enfants qui en sortent. Dans toutes les races d'animaux, les accouplements entre bêtes trop jeunes produisent des rejetons faibles, le plus ordinairement du sexe féminin et de formes très-petites. L'espèce humaine est nécessairement soumise à la même loi. On peut s'en convaincre en voyant que, dans tous les pays où les jeunes gens s'unissent ordinairement de trop bonne heure, la race est débile et de petites proportions. Il en résulte un autre danger : les femmes jeunes souffrent bien davantage en couches, et succombent bien plus fréquemment. Aussi, assure-t-on que l'oracle répondit aux Trézéniens qui le consultaient sur les morts multipliées de leurs jeu

§ 4. Dans toutes les races d'animaux. Voir l'Histoire des animaux, liv. VII, ch. 1, traduction de Camus, et p. 581, édit. de Ber

lin. On sait que cette observation d'Aristote est parfaitement vraie. On l'a, depuis lors, bien souvent répétée. Voir plus bas, § 11.

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