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n'assigne même aucune cause spéciale de révolutions à la parfaite république, au premier gouvernement. A son avis, les révolutions viennent de ce que rien icibas ne peut subsister éternellement, et que tout doit changer dans un certain laps de temps; et il ajoute que « ces perturbations dont la racine augmentée d'un tiers plus cinq donne deux harmonies, ne commencent que lorsque le nombre a été géométriquement élevé au cube, attendu que la nature crée alors des êtres vicieux et radicalement incorrigibles ». Cette dernière partie de son raisonnement n'est peut-être pas fausse; car il est des hommes naturellement incapables de recevoir de l'éducation et de devenir vertueux. Mais pourquoi cette révolution dont parle Socrate s'appliquerait-elle à cette république qu'il nous donne comme parfaite, plus spécialement qu'à tout autre État, ou à tout autre objet de ce monde? § 2. Puis, dans cet instant qu'il assigne à la révolution universelle, même les choses qui n'ont point commencé d'être ensemble changeront cependant à la fois! et un être né le premier jour de la catastrophe y sera compris comme les autres ! On peut demander encore pourquoi la parfaite république de

de son maître. Il faut voir aussi sur les causes des révolutions, suivant Platon, les Lois, liv. III, p. 131 et suiv., trad. de M. Cousin. Pour prévenir les révolutions, Platon a créé le corps des Gardiens des Lois. C'est une institution admirable, qui, sous une forme ou sous une autre, devrait se retrouver dans tous les Etats. Aristote a eu tort de ne point discuter cette pensée de son

maître. Voir les Lois, livre XII, à la fin, et les livres V, VI, VII, VIII de la République. Polybe et Machiavel ont tracé aussi le cercle que suivent fatalement les révolutions des États, Histoire générale, liv. IV, ch.v et suiv., et ch. LVII; et Discours sur les Décades de Tite-Live, I. ch. 11.

§ 2. Au système lacédémonien. Voir la République, livre VIII, p. 144, trad. de M. Cousin.

Socrate passe en se changeant au système Lacédémonien. Un système politique quel qu'il soit se change dans le système qui lui est diamétralement opposé plus ordinairement que dans le système qui en est proche. On en peut dire autant de toutes les révolutions qu'admet Socrate, quand il assure que le système Lacédémonien se change en oligarchie, l'oligarchie en démagogie, et celle-là enfin en tyrannie. Mais c'est précisément tout le contraire. L'oligarchie, par exemple, succède à la démagogie bien plus souvent que la monarchie. §3. De plus, Socrate ne dit pas si la tyrannie a ou n'a pas de révolutions; il ne dit rien des causes qui les amènent, ni du gouvernement qui se substitue à celui-là. On conçoit aisément son silence, qu'il avait grand'peine à ne pas garder; tout ici doit rester complétement obscur, parce que, dans les idées de Socrate, il faut que de la tyrannie on revienne à cette première république parfaite qu'il a conçue, seul moyen d'obtenir ce cercle sans fin dont il parle. Mais la tyrannie succède aussi à la tyrannie: témoin celle de Clisthène succédant à celle de Myron, à Sicyone. La tyrannie peut encore se changer en oligarchie, comme celle d'Antiléon à Chalcis; ou en démagogie, comme celle de Gélon à Syracuse; ou en aristocratie, comme celle de Charilaüs à Lacédémone, et comme on le vit

§ 3. La tyrannie succède aussi à la tyrannie. Platon ne fait venirla tyrannie que de la démocratie extrême, Républ., livre VIII, p. 165 et 169, trad. de M. Cousin. - De Myron à Sicyone. Myron était un des descendants d'Orthagoras. Voir plus haut, ch. IX, § 21.- An

til on. On ne connaît point autrement Antiléon. — A Carthage. Ceci est tout à fait en contradiction avec ce qu'Aristote a dit plus haut, livre II, ch. vIII, § 1, et ce qu'il dira quelques lignes plus bas, dans ce chapitre, § 4. Il faudrait probablement ici Chalcédoine et

à Carthage. § 4. L'oligarchie, de son côté, se change en tyrannie, et c'est ce qui arriva jadis à la plupart des oligarchies siciliennes. Qu'on se souvienne qu'à l'oligarchie succéda la tyrannie de Panatius à Léontium; à Gèle, celle de Cléandre; à Rhéges, celle d'Anaxilas; et qu'on se rappelle tant d'autres exemples qu'on pourrait citer également. C'est encore une erreur de faire naître l'oligarchie de l'avidité et des occupations mercantiles des chefs de l'État. Il faut bien plutôt en demander l'origine à cette opinion des hommes à grandes fortunes, qui croient que l'égalité politique n'est pas juste entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. Dans presque aucune oligarchie, les magistrats ne peuvent se livrer au commerce; et la loi le leur interdit. Bien plus, à Carthage, qui est un État démocratique, les magistrats font le commerce; et l'État cependant n'a point encore éprouvé de révolution. § 5. Il est encore fort singulier d'avancer que dans l'oligarchie l'État est divisé en deux partis, les pauvres et les riches; est-ce bien là une condition plus spéciale de l'oligarchie que de la république de Sparte, par exemple, ou de tout autre gouvernement, dans lequel les citoyens ne possèdent pas tous des fortunes égales, ou ne sont pas tous également vertueux? En supposant même que personne ne s'appauvrisse, l'État

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n'en passe pas moins de l'oligarchie à la démagogie, si la masse des pauvres s'accroît, et de la démocratie à l'oligarchie, si les riches deviennent plus puissants que le peuple, selon que les uns se relâchent et que les autres s'appliquent au travail. Socrate néglige toutes ces causes si diverses qui amènent les révolutions, pour s'attacher à une seule, attribuant exclusivement la pauvreté à l'inconduite et aux dettes, comme si tous les hommes ou du moins presque tous naissaient dans l'opulence. § 6. C'est une grave erreur. Ce qui est vrai, c'est que les chefs de la cité peuvent, quand ils ont perdu leur fortune, recourir à une révolution, et que, quand des citoyens obscurs perdent la leur, l'État n'en reste pas moins fort tranquille. Ces révolutions n'amènent pas non plus la démagogie plus fréquemment que tout autre système. Il suffit d'une exclusion politique, d'une injustice, d'une insulte, pour causer une insurrection et un bouleversement dans la constitution, sans que les fortunes des citoyens soient en rien délabrées. La révolution n'a souvent pas d'autre motif que cette faculté laissée à chacun de vivre comme il lui convient, faculté dont Socrate attribue l'origine à un excès de

§5. Socrate néglige. Voir Platon, République, livre VIII, trad. de M. Cousin, p. 141.

Tennemann, Histoire de la philosophie, t. III, p. 325, a fait un bel et juste éloge de ce livre de la Politique, qui est certainement le plus remarquable de tous. « Aristote a déposé dans ce livre un trésor d'expérience et de connaissance des hommes, éternellement applicables et utiles. » Puis Ten

nemann ajoute: « Les moyens de conservation qu'il assigne à la tyrannie ne sont pas au-dessous du génie d'un Machiavel.» Voir plus haut, chapitre 1x, § 5. Bodin a imité ce VIIIe livre dans le IVe de sa République. Voir sur la conclusion de ce livre l'Appendice, où sont discutés les motifs de l'ordre nouveau des livres.

§ 6. Socrate. On peut remarquer

liberté. Enfin, au milieu de ces espèces si nombreuses d'oligarchies et de démocraties, Socrate ne parle de leurs révolutions que comme si chacune d'elles était unique en son genre.

qu'Aristote a commencé son ou- ries de Platon, son maître, et qu'il vrage par une critique des théo- le termine de même.

FIN.

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