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la discussion sur l'aristocratie, c'est-à-dire l'ancien septième livre, venait avant l'ancien quatrième, où souvent il la cite et la rappelle.

Au lieu de discuter tous ces passages, comme il semblait nécessaire de le faire, M. Gottling s'est borné à citer une seule phrase de l'ancien septième livre, chapitre vш, § 1, où Aristote paraît indiquer un sujet traité dans l'ancien quatrième, ce qui placerait nécessairement celui-ci au rang qu'il occupe ordinairement. Voici cette phrase : « On peut, comme nous l'avons déjà dit, supposer diverses combinaisons; on peut admettre tous les citoyens à tous les emplois; on peut ne pas les admettre tous, et conférer certaines fonctions par privilége. » Selon M. Gottling, ce passage se rapporte à la fin de l'ancien quatrième livre, qui viendrait alors avant l'ancien septième. On doit convenir avec le savant professeur d'léna que cette réminiscence peut s'adapter en effet à l'endroit qu'il indique dans l'ancien quatrième livre; mais on ne peut lui accorder qu'elle s'y adapte d'une manière spéciale, de telle sorte qu'on ne puisse la rapporter à aucun autre passage. On peut, au contraire, en citer deux ou trois autres auxquels elle convient également, et qui appartiennent tous, non pas au quatrième livre, mais au deuxième et au troisième. Tels sont les passages suivants, livre III, chapitre 1, § 8: « On peut étendre à toutes les classes de citoyens, ou limiter à quelquesunes, le droit de délibérer sur les affaires de l'État et celui de 'juger; ce droit même peut s'appliquer à tous les objets ou être restreint à quelques-uns. » Autre passage, livre II, chapitre 1, § 2, où Aristote se sert d'expressions à peu près identiques à celles de l'ancien quatrième livre : « Nécessairement la communauté politique doit ou embrasser tout, ou ne rien embrasser, ou s'étendre à certains objets, à l'exclusion de certains autres. » Enfin, cet unique passage cité par M. Gottling pourrait être encore le résumé de la longue discussion du troisième livre sur le droit de souveraineté.

On se croit donc en droit de maintenir, malgré cette objection incomplète, la conclusion avancée précédemment sur la place que doivent occuper les septième et huitième livres, et

d'affirmer positivement qu'ils doivent prendre rang après le troisième.

Je passe actuellement à l'ancien sixième livre. Aucun philologue ne s'est occupé jusqu'à présent de savoir si l'on ne pouvait pas légitimement élever à l'égard de ce livre les mêmes doutes qu'à l'égard des deux autres. Le sujet de ce sixième livre est évidemment connexe avec celui de l'ancien quatrième. Après avoir traité à la fin de celui-ci de la division des pouvoirs et de leur organisation générale dans les divers systèmes de gouvernement, Aristote passe, par une conséquence toute naturelle, aux principes d'organisation spéciale dans chacun de ces systèmes; or, cette dernière partie de la discussion ne se trouvait dans l'ordre ancien qu'au sixième livre, séparé du quatrième par le cinquième, qui traite d'un objet tout à fait différent, c'est-à-dire des révolutions. Il suffit d'une simple lecture pour se convaincre de la liaison logique du sujet de l'ancien quatrième livre et de celui de l'ancien sixième. A cette première preuve on peut en joindre une autre analogue à celle qui indiquait plus haut la connexion matérielle des troisième et septième livres.

Le sixième livre, placé le septième dans cette édition, se termine par cette phrase : Περὶ μὲν οὖν τῶν ἄλλων ὧν προειλόμεθα σχέδον εἴρηται περὶ πάντων. Μέν, ainsi placé, se trouve privé de son corrélatif obligé dé; car le livre finit ici. Il est vrai que quelques éditeurs ont, avec l'autorité de deux manuscrits, commencé le livre suivant, c'est-à-dire l'ancien septième, par περὶ δὲ πολιτείας, au lieu de περὶ πολιτείας. C'est ce que conseille M. Gottling, etil semble même regretter de n'avoir point adopté cette leçon dans son texte. A son sens, le sixième livre se lie de cette manière parfaitement au septième, optime cohæret; et dé répond à pév, comme il le doit toujours, grammaticalement parlant. Mais on le demande de nouveau, qu'importe que la grammaire soit ainsi satisfaite? Le sujet du sixième livre et celui du septième n'ont pas le moindre rapport. Les lier l'un à l'autre arbitrairement par ces conjonctions est peine inutile; la chaîne n'est qu'apparente; elle n'existe point en réalité, puisqu'elle n'existe pas logiquement.

D'autre part, c'est établir entre deux livres qu'on sépare cependant une connexion beaucoup trop étroite. Il faudrait alors supposer que, dans la pensée de l'auteur, les anciens sixième et septième livres n'en faisaient qu'un; et l'on se crée par là une difficulté nouvelle, encore plus insoluble que la première, et toute gratuite, non plus sur l'ordre, mais sur la division même des livres.

De cette fin de l'ancien sixième livre, qu'on rapproche le début du cinquième, placé le huitième dans cette édition, et l'on sera frappé de leur ressemblance, on pourrait presque dire de leur identité. Le cinquième (VIIIe de cette édition) commence ainsi : Περὶ μὲν οὖν τῶν ἀρχῶν ὡς τύπῳ σχέδον εἴρηται περὶ πασῶν. C'est la même idée, et ce sont à peu près les mêmes mots qu'à la fin de l'autre livre. En joignant cette preuve toute matérielle à la preuve logique indiquée plus haut, on peut en conclure que l'ancien sixième livre vient avant le cinquième, et que la fin de l'un aura été commandée par le début de l'autre, de même que la fin du troisième avait été suspendue par le déplacement de l'ancien septième livre.

On peut opposer à cette opinion sur la fin du sixième livre plusieurs passages qu'il renferme, et où le cinquième se trouve formellement rappelé : livre VII (VIe des éditions ordinaires), chap. 1, §§, 1, 2, 4, 5, 9; chap. 1, §§ 1, 9; chap. 1, § 1; chapitre v, § 1. On verra plus loin ce qu'il convient de penser de tous ces passages.

Quelle est la conséquence générale qui ressort des discussions antérieures sur la place des anciens septième et huitième livres et sur celle du sixième? La voici :

L'ordre actuel des huit livres de la Politique n'est pas bon; l'ordre qu'il convient d'y substituer est celui-ci : premier livre, deuxième, troisième, septième, huitième, quatrième, sixième, cinquième.

Que sera-ce maintenant, si l'on prouve que cet ordre donné par la logique, donné par le contexte, est aussi l'ordre indiqué par Aristote lui-même, l'ordre qu'il annonce formellement, l'ordre qu'il impose à sa propre pensée? Or, voici comment Aristote s'exprime, livre VI (IVe), chap. 11, §5:

« Ensuite j'expliquerai comment il faut constituer ces formes de gouvernement, je veux dire la démocratie et l'oligarchie, dans toutes les nuances. ET ENFIN, après avoir passé tous ces objets en revue avec la concision convenable, je tâcherai de dire les causes ordinaires de la chute et de la conservation des États, en général et en particulier. » Le passage est décisif, et si on le rapproche de ceux qu'on a déjà cités plus haut du même livre, et qui contiennent les réminiscences de l'auteur sur le sujet de l'ancien septième, il ne peut plus rester, ce semble, le plus léger doute sur la marche générale de l'ouvrage. La théorie des révolutions vient en dernier lieu, « ET ENFIN »; c'est, dans la pensée de l'auteur, aussi bien qu'en réalité, la fin du système. L'ancien sixième livre, qui traite de l'organisation du pouvoir dans les démocraties et les oligarchies, passe de toute nécessité avant l'ancien cinquième, qui traite des révolutions, et l'ouvrage se termine avec celui-là, complet, entier, satisfaisant à toutes les exigences de la logique.

Dans cette disposition nouvelle, l'ouvrage du Stagirite apparaît avec une clarté, un esprit de méthode, et l'on peut ajouter avec une vérité incontestables. Aucun doute ne s'élève sur l'ordre des trois premiers livres. Dans le troisième, Aristote annonce qu'il reconnaît trois formes fondamentales de gouvernement: la monarchie, l'aristocratie et la république. Il traite de la monarchie sous forme de royauté à la fin du troisième livre. Dans le septième et le huitième, qui viennent ensuite, selon le nouvel ordre, il traite de l'aristocratie, qui, pour lui, et comme il a soin de le dire, est la même chose que la constitution modèle, le gouvernement parfait, identité qui se retrouve jusque dans les mots : ἡ ἀριστοκρατία, ἡ ἀρίστη TOTEía. Dans les quatrième et sixième livres, il traite de la république et des formes dégénérées des trois gouvernements purs la tyrannie, l'oligarchie et la démagogie; et, comme les gouvernements oligarchiques et démocratiques sont les plus communs de tous, il s'y arrête plus longuement et en donne les principes spéciaux. Enfin, vient le cinquième livre; et, après avoir considéré tous les gouvernements en eux

mêmes, dans leur nature, dans leurs conditions particulières, Aristote les étudie, dans leur durée, et fait voir comment chacun d'eux peut se conserver, et comment chacun d'eux court risque de périr.

En gardant au contraire l'ordre actuel des livres, voyez comme cette pensée d'Aristote, ordinairement si conséquente, devient incohérente et incomplète, comme le système de ses idées est rompu, brisé, bouleversé de fond en comble. A la fin du troisième livre, après avoir traité le premier des trois grands objets de discussion qu'il se propose, et annoncé le second, il quitte tout à coup ce second objet, qu'il n'a pas encore étudié, pour passer au troisième; puis, il abandonne ce troisième pour passer à un objet totalement différent; puis, il reprend sa troisième thèse et la complète; puis enfin, il revient au second objet de son examen, qu'il avait d'abord si formellement annoncé, et qu'il avait ensuite oublié pendant trois livres entiers. Quel désordre!

Reste toujours, on doit le remarquer, quel que soit d'ailleurs le système qu'on adopte, cette phrase inachevée du troisième livre, qui ne trouve son complément qu'au début du septième. Tous les éditeurs ont affirmé qu'il existait ici une lacune; et, d'après la discussion antérieure, on se croit fondé à affirmer simplement qu'il y a ici une négligence de copiste, chose bizarre et peu compréhensible pour la sollicitude philologique des modernes, mais dont l'antiquité nous offre malheureusement trop d'exemples pour que nous puissions encore nous en étonner.

Je n'hésite pas à déclarer, en m'appuyant de toutes les preuves que j'ai citées plus haut, que cette marche nouvelle de l'ouvrage d'Aristote est la seule raisonnable, la seule vraie. Aristote n'a pu en adopter une autre, et la légèreté seule des copistes est l'unique cause du désordre; mais elle n'a point tellement obscurci l'arrangement réel de sa pensée qu'on ne puisse encore le retrouver et le suivre.

Or, ces changements que l'on vient d'indiquer doivent paraître d'autant plus vraisemblables qu'on sait, à n'en pouvoir douter, quel a été le destin matériel, sinon de tous, du moins

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