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développer les natures d'élite, elle rendrait déjà un immense service à la société, et accomplirait par là même les décrets mystérieux de la Providence. L'éducation, comprise dans toute sa portée par l'homme d'État qui sait étendre au loin ses prévoyants regards, est presque le seul point important, ou du moins c'est le seul qui suffise. Grâce à elle, « les heureux naturels qu'elle fait, deviennent d'abord des hommes plus accomplis, des citoyens meilleurs que ceux qui les ont précé– dés; mais en outre, ils ont cet avantage de mettre au monde des enfants qui valent encore mieux que leurs pères. » Et l'État va sans cesse s'améliorant et grandissant en bonheur et en vertu.

Il n'est donc pas dans la société un seul intérêt, une seule affaire, qui mérite plus de sollicitude, ni plus de soins délicats et constants que l'éducation. Évidemment, ce qu'un pouvoir intelligent doit former avant tout, c'est l'âme des futurs citoyens, parce que c'est l'âme seule qui est en rapport avec la justice, sans laquelle l'homme et l'État ne sont rien. Mais la culture régulière du corps, la gymnastique, occupera dans l'éducation une place considérable quoique secondaire, parce que c'est elle qui doit préparer pour l'âme l'instrument éner– gique et docile d'un corps sain et vigoureux. De plus, l'éducation s'étendra nécessairement aux

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deux sexes; et celle des femmes ne différera pas beaucoup de celle des hommes. Quelle que soit plus tard la destination des femmes, n'ont-elles pas besoin aussi d'une âme éclairée, et d'une constitution robuste? La sagesse et la vigueur des mères n'est-elle pour rien dans la vigueur et la raison des enfants? Hommes et femmes, il importe également au bonheur et à la force de l'État que tous soient des êtres aussi accomplis qu'ils peuvent l'être. Pour l'éducation de la jeunesse, il n'y aura donc jamais dans ceux qui la dirigent et la surveillent trop de science ni de vertu. C'est aux plus sages parmi les sages que ce sacré dépôt sera confié; tous les enfants méritent l'égale vigilance du magistrat, afin qu'il puisse distinguer de bonne heure entre eux ces personnages exceptionnels, ces natures d'or que plus tard la philosophie pourra rendre dignes du commandement.

Il ne suffira pas d'ailleurs d'éloigner de l'âme des enfants tout ce qui pourrait en ternir la pureté; il ne suffira pas de les éclairer par la science, de les former à la vertu par des conseils et des exemples. Il faudra de plus développer en eux ces germes de religion que la nature a mis dans tous les cœurs, et d'où sortent les fortes croyances qui rattachent l'homme à Dieu. Dieu est le commencement, le milieu et la fin de tous les êtres. Il est

pour les mortels qu'il a créés la juste mesure de toutes choses; et la foi à son existence est le fondement même des lois. Ces grandes et indispensables croyances qu'il faudra cultiver dans les enfants, que le législateur, s'il est sage, inspirera aux citoyens par tous les moyens dont il dispose, douceur, violence même, ces croyances sont aussi simples qu'importantes. Elles se réduisent à trois : l'existence de Dieu, sa providence et son inflexible équité. Sans elles, l'individu erre au hasard en ce monde, livré à tous les emportements, à toutes les ténèbres de ses passions et de son ignorance. Il se méconnaît profondément lui-même tant qu'il ne sait ni d'où il vient, ni quel est le parfait et divin exemplaire qu'il doit se proposer sans cesse pour modèle et pour appui. L'État n'a point de base tant qu'il ne repose pas sur celle-là; car la justice même, qui fait la vie et l'ordre de l'État, ne vient que de Dieu, avec lequel elle se confond en son essence éternelle.

Il faut donc s'y prendre dès les premières années pour faire germer ces convictions saintes dans tous les cœurs. La loi même ne doit pas négliger plus tard de s'en faire l'apologiste persuasif ou sévère, auprès de ceux qui les oublient et les laissent périr, par faiblesse ou perversité. Toute éducation qui n'est pas religieuse est incomplète et

fausse; tout État où les citoyens sont indifférents ou aveugles sur ces grandes questions, est bien près de sa perte. Il ne s'agit pas, comme l'ont cru des politiques vulgaires, de trouver dans la religion des instruments de gouvernement. Elle est plus qu'un besoin des sociétés et de l'État, plus qu'une garantie d'ordre, toujours douteuse suivant l'usage qu'on en fait; la religion est née de l'irrésistible élan de la raison humaine; elle en est, sous ses diverses formes, l'expression la plus naturelle à la fois et la plus profonde. L'homme vénère les dieux, comme il respecte son père; il les adore comme la source sacrée de tous les biens, et surtout de la vertu et de la raison. Et n'est-ce pas déjà presque un sacrilége que de discuter l'existence de Dieu?

L'État, tel que le comprend Platon, est donc une association spontanée d'êtres égaux et libres, mettant en commun leur travail et leur intelligence, cultivant tous ensemble les semences divines que renferme l'âme de l'homme, unis entre eux par des relations de frères, obéissant, pour que l'ordre subsiste dans la cité, aux magistrats éclairés, bienveillants et sévères, qu'ils se sont donnés, soumis << aux lois qui ne sont que les préceptes de la raison même, » formés par une éducation vigilante à toutes les vertus, à toutes les sciences, et

passant une vie sainte sous l'oeil de la Divinité.

Il est presque inutile de dire qu'un tel État, organisé pour maintenir la paix et l'union dans son propre sein, ne cherchera que des relations toutes pareilles avec ses voisins. Il sera toujours prêt à la guerre pour repousser une agression; et ses défenseurs, préparés de longue main par les plus rudes exercices, et par les plus savantes études, sont assurés de la victoire autant que peuvent l'être le courage et le patriotisme, même contre des ennemis plus nombreux. Mais la cité ne fera jamais de la guerre l'objet unique de ses soins, comme l'ont fait quelques peuples illustres. « Elle réglera tout ce qui concerne la guerre en vue de la paix, plutôt que de subordonner la paix à la guerre. Elle évitera les luttes du dehors, presque avec autant de soin que les séditions intestines; et comme elle est résolue à ne jamais commettre d'iniquité envers les autres, elle supprimera la moitié des occasions qui mettent si souvent les États en armes, et elle n'aura qu'à se défendre avec toute l'énergie d'une bonne cause, si, malgré toutes ses vertus, elle était attaquée par d'injustes rivaux.

Tels sont les traits principaux de la politique platonicienne. Ne sont-ils pas remplis de vérité, de grandeur et de fécondité? Cette noble et sage

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