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part fort précieux, ne forment point un ensemble systématique et profond, comme celui de la cité platonicienne. L'œuvre d'Aristote n'a point de défauts choquants; mais elle est sans beauté, si ce n'est sans utilité. Au risque de quelques faux pas, il vaut bien mieux s'égarer dans les routes fécondes de son maître; et cette république semiidéale, semi-réelle, est si pâle et si morte qu'elle est à peine connue. En parler, c'est presque la découvrir pour la première fois; et la postérité n'a pas été injuste en immortalisant la République de Platon, et en laissant l'autre presque dans l'oubli.

Mais si le génie a failli quelques moments, il reprend toute sa puissance et tous ses avantages, quand de la spéculation il redescend à l'histoire et ne prétend plus que généraliser les faits. Il n'est pas un homme d'État, quelque habile qu'il soit, qui n'ait à profiter de ses études sur les oligarchies, les démocraties, les républiques, sur l'organisation du pouvoir dans chacun de ces gouvernements, et surtout sur les révolutions, sujet qu'il a traité avec une sorte de prédilection et avec un succès incomparable. Platon est en ce dernier point infiniment moins pratique; et sur cette question, toute d'expérience, Socrate, qui cherche à la résoudre par la psychologie, se trompe à peu près complétement, comme Aristote

le lui reproche avec raison. La théorie des révolutions termine la Politique d'Aristote, comme luimême l'indique; et l'on ne comprend pas en effet que cette théorie puisse y occuper une autre place. La science politique commence par étudier la société et l'État; elle parcourt ensuite toutes les formes que l'État peut revêtir; et la fin de ses recherches, c'est l'examen des causes qui le détruisent, et des moyens qui le conservent. Ici Aristote n'est pas seulement supérieur à Platon; il est supérieur à tout ce qui a suivi, et jusqu'à ce jour, il est absolument sans rival. Sans doute le Recueil des Constitutions lui fournissait des matériaux abondants; et nous voyons encore assez, par les fragments qui en ont été conservés et par l'ouvrage qui n'en est que le résumé, quelle devait être la richesse de ces matériaux.

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En ceci, l'œuvre de génie a consisté à réunir dans une théorie systématique tous ces faits, qui certainement sont analogues entre eux, mais que l'histoire offrait épars et sans lien. Aristote a classé une à une toutes les causes des révolutions; il en détermine le nombre, en se bornant aux généralités les plus vastes à la fois et les plus exactes. Puis, ces causes une fois énumérées, il montre comment chacune d'elles agit selon les principes divers des gouvernements; et de même qu'il avait consi

déré les révolutions dans leur ensemble, il les étudie dans leurs détails les plus minutieux, apportant sans cesse à l'appui de ses théories l'autorité des faits historiques. La vue du philosophe a été si perçante et si sagace qu'aujourd'hui même, avec deux mille années d'expérience de plus, avec cette variété infinie de phénomènes nouveaux qu'elles ont fournis à l'histoire des sociétés humai

il serait difficile de dire plus que n'en a dit Aristote. Il n'est pas une de ces grandes catastrophes politiques venues après lui, qui ne rentre dans les cadres qu'il a tracés à l'avance; et l'on n'a pas à presser beaucoup ses théories pour en faire sortir comme d'infaillibles prédictions. Sans doute on pourrait trouver encore des leçons très-profitables dans l'étude des révolutions modernes, et surtout dans cette grande révolution qui, à la fin du XVIII° siècle, a renouvelé la société française. Mais les enseignements que le philosophe a tirés des révolutions antiques n'en sont pas moins certains; et jusqu'à présent, il est le seul dont la sagesse les ait recueillis. D'ailleurs, la théorie des révolutions n'en reste pas moins toujours un vaste et très-curieux sujet, qui quelque jour peut-être tentera le génie d'un second Aristote. En attendant, c'est à son école qu'il faut aller s'instruire; et malgré les travaux de détail qui depuis lors ont été farts, et

dont quelques-uns ont illustré leurs auteurs, l'école péripatéticienne est la seule où puisse étudier quiconque veut embrasser d'un regard général les causes et les remèdes des révolutions.

Une autre théorie fort importante encore, et qui appartient aussi tout entière au philosophe de Stagire, c'est celle des trois pouvoirs. Aristote distingue dans la puissance publique trois modes suivant lesquels elle s'exerce: pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire. Il traite séparément de chacun d'eux, comme pour indiquer combien il est nécessaire au bon ordre de la société que ces pouvoirs soient distincts, et ne soient jamais réunis dans les mêmes mains. Suivant lui, il n'est pas une seule question dont le lélégislateur, s'il est sage, doive s'occcuper avec plus de soin que de celle-là. Quand la division de ces pouvoirs est bien faite, l'État tout entier est bien organisé; et les États se distinguent surtout entre eux par la pondération différente de ces trois éléments.

Il va sans dire que, pour Aristote, le pouvoir législatif réside dans l'assemblée générale des citoyens, qui, dans toutes les petites cités de la Grèce, pouvaient se réunir si aisément. Il énumère les attributions de l'assemblée générale; et l'une des plus graves, après la confection mème des lois

et l'élection des magistrats, c'est l'apurement des comptes de l'État. On comprend sans peine que les attributions varient suivant les diverses espèces de gouvernements; et l'assemblée générale ellemême peut être composée de bien des manières différentes, suivant le nombre de ceux qui la forment, la quotité variable du cens qui en donne l'entrée, etc., dans les démocraties, dans les oligarchies, et même dans les aristocraties et les républiques.

Des questions non moins nombreuses, et non moins intéressantes, pourront être soulevées pour le pouvoir exécutif. Quelles sont les principales fonctions publiques? Quelle en doit être la durée? A qui seront-elles confiées? Comment y nommerat-on? Quelles fonctions peuvent être cumulées sans danger, ou même avec avantage? De plus, toutes les magistratures conviennent-elles à tous les gouvernements? N'y a-t-il pas certaines fonctions essentiellement propres à telle forme politique, et contraires à telle autre?

Enfin, après l'organisation de l'assemblée législative et des magistratures, Aristote traite de celle des tribunaux, et s'arrête à trois points particuliers leur personnel, leur juridiction, et le mode de leur établissement, soit à l'élection, soit au sort.

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