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ficulté qu'il faut expliquer, sinon résoudre. Quelquefois aussi il y avait à défendre contre une objection mal établie le raisonnement de Pascal (p. 155).

J'ai mis à la suite de la Vie de Pascal, par Mme Perier, des notes aussi étendues que le texte, et qui le complètent. J'y ai ajouté une Note sur les doctrines du jansénisme (p. xxix). J'ai placé en tête du volume une Étude sur les Pensées de Pascal, et à la fin une Table des matières et des expressions les plus remarquables. Je n'ai rien négligé enfin pour donner aux éditeurs qui m'avaient demandé ce livre un travail sérieux, tel qu'avait droit de l'attendre une maison qui se recommande aux amis de la littérature savante, et par tant de bonnes éditions des classiques, et par le nom même et les travaux de M. Dezobry.

Si d'ailleurs j'explique avec cette insistance les soins que j'ai pris afin de donner un bon commentaire des Pensées, c'est pour rassurer ma conscience sur les faiblesses que j'aperçois mieux que personne dans mon travail. Celui qui publie un livre pour la première fois, surtout un livre de ce genre, où les détails sont infinis, et où l'on a, pour ainsi dire, autant de sujets différents à traiter que de notes à faire, doit trahir son inexpérience par plus d'une faute, surtout quand il arrive, comme cela m'est arrivé par des circonstances dont il est inutile d'entretenir le public, que le livre s'imprime à mesure qu'il se fait, ce qui a toutes sortes d'inconvénients qu'on voit sans peine. Enfin, travaillant à la campagne, j'étais privé de bien des conseils et de bien des entretiens qui auraient pu m'être utiles (a).

M. Faugère avait eu l'heureuse idée d'indiquer par un chiffre placé en marge de chaque fragment la page du manuscrit autographe où ce fragment se trouve. J'ai répété ces indications en plaçant les chiffres, non plus en marge, mais en tête de la première note sur chaque fragment.

On trouve dans l'autographe, à côté de plusieurs fragments, des indications, telles que Le bon sens, Contrariétés, Divertissement, Écoulement, Point formaliste, Infini, rien, etc., qui ne sont pas proprement des titres, mais des étiquettes dont Pascal se servait pour retrouver sa pensée. Je ne les ai pas fait entrer dans le texte, mais je les ai conservées en note à côté du chiffre qui marque la page du manuscrit.

On trouve de temps en temps dans le manuscrit des phrases ou des pensées que Pascal lui-même a barrées après les avoir écrites, et qu'il a

(a) On verra cependant que je tiens de M. Le Clerc un renseignement précieux, le plus curieux certainement qui soit dans mes remarques. C'est l'indication de la source authentique la plus ancienne de la célèbre image de la sphère dont le centre est partout (p. 4). Qu'on me permette de remercier ici respectueusement M. Deliége, de Versailles, l'ami d'un oncle que j'ai perdu, qui par le souvenir de cette amitié a bien voulu s'intéresser vivement à mon travail, et qui m'a encouragé et aidé par de longues et fréquentes lettres, me prodiguant à la fois, avec une complaisance infatigable, les conseils d'un esprit plein de sagesse et de goût, et les indications de tout genre que sa riche littérature lui fournissait.

refaites autrement. Je ne me suis pas assujetti à conserver toutes ces variantes ; j'ai cependant indiqué en note celles qui offraient plus d'intérêt.

Ce n'est pas assez, en citant Montaigne, d'indiquer le livre et le chapitre, car il y a des chapitres fort longs. J'ai donc toujours cité la page, et je l'ai fait d'après l'édition de M. Le Clerc, Paris, 1826, 5 vol. in-8. Le fameux chapitre XII du second livre, Apologie de Raimond Sebond, méritait par son importance d'être désigné d'une manière particulière qui le fit tout de suite reconnaître. Je me suis servi de l'abréviation Apol., en citant toujours la page.

J'ai cité Platon d'après la pagination d'Henri Estienne.

Je n'ai pas besoin d'avertir que P. R. signifie l'édition de Port-Royal ou édition princeps des Pensées, et que Cf. veut dire Conférez.

Je n'ai pas cru devoir m'astreindre à employer dans le texte, pour les imparfaits, l'orthographe du siècle de Louis XIV. Cela peut paraître nécessaire pour les poëtes, à cause des rimes; mais pour les prosateurs cette affectation de fidélité à l'orthographe du temps ne me paraît pas fondée en raison; car si on conserve l'o des imparfaits, pourquoi ne conserverait-on pas tout le reste de cette orthographe? Pourquoi n'écrirait-on pas, comme dans l'édition de Port-Royal, luy, reconnoistre, s'arreste, veüe, etc.? Dans Montaigne, on doit au contraire conserver l'o, puisque l'on conserve toute l'orthographe du XVIe siècle.

Je désire par-dessus tout que la Faculté des lettres de Paris et l'École Normale, auxquelles j'ai l'honneur d'appartenir, reconnaissent dans ce travail quelque chose de leur esprit, de l'esprit de l'Université, pour employer un nom que la loi nous donnait hier encore, et que l'estime publique, je l'espère, nous conservera. Je soumets ce travail à mes supérieurs, à mes maîtres, à mes collègues; je l'offre à mes auditeurs et à mes élèves comme un souvenir et une continuation de nos entretiens. Élève moi-même de cette École, si chère à tous ses enfants, j'ai gardé fidèlement, et j'ai la confiance qu'on retrouvera ici la tradition des sentiments qu'elle inspire ou qu'elle entretient, l'ardeur pour le travail, la gravité des pensées, le zèle du bien, le goût de la vraie science et de la vraie éloquence, et en philosophie comme en toutes choses un égal amour de la règle et de la liberté.

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Novembre 1851.

SUR LES

PENSÉES DE PASCAL.

On trouvera plus loin l'histoire de la vie de Pascal; je voudrais faire ici celle de son esprit et de ses idées. Je laisse à d'autres l'entreprise hardie de discuter les Pensées; je voudrais seulement les expliquer. Je ne prétends qu'étudier l'homme et son génie dans ces fragments, et me rendre compte des caractères particuliers que cette défense de la religion présente entre toutes les autres.

Pascal est d'abord un mathématicien, un savant; il l'est dès l'enfance, si on peut dire qu'il ait eu une enfance; il dépense le feu de sa jeunesse dans ces travaux; avant vingt-cinq ans, il est en possession des plus grands résultats. Puis, du milieu de la vie aride de la science, nous voyons ce cœur, que la poursuite de la vérité abstraite ne satisfait pas, s'ouvrir à des pensées qui le remplissent davantage. Il cherche la passion, mais pure, et la vertu, mais brûlante. Il était chrétien, il devient dévot: ce n'est pas assez, il devient sectaire, car la piété commune ne lui suffit pas. La dévotion qui l'a conquis ne le laisse plus échapper et finit par absorber tout son être. Elle est encore exaltée par la maladie, qui s'est saisie de lui dès l'adolescence et qui depuis ne cesse de lui livrer des assauts, jusqu'à ce qu'elle l'accable à trente-neuf ans, irritant par ses continuelles atteintes l'impatience de son esprit absolu et la mélancolie de son âme ardente.

Eh bien! le géomètre, le cœur passionné, le malade, se retrouvent dans les Pensées. C'est une œuvre d'extrême logique et d'extrême sensibilité, où l'émotion la plus vive est au cœur même de la critique la plus rigoureuse et la plus sèche; et, de temps en temps, un cri douloureux ou une brusque secousse nous avertit que cette intelligence supérieure, qui semblait oublier son corps, a senti les pointes de la souffrance et la menace de la mort.

S'il ne s'agissait que d'exposer la thèse de Pascal et ce qu'on peut appeler son système de philosophie, il n'y a rien à faire pour cela, car c'est ce qui a été fait admirablement par lui-même. Ce système était déjà formé et arrêté dans son esprit avant qu'il eût rien écrit des Pensées ni qu'il songeât à les écrire; il l'a développé à l'époque même où il entra à Port-Royal, dans ce fameux entretien avec M. de Saci, que Fontaine nous a conservé (voyez page xxx). C'est là qu'il se place entre les deux espèces de philosophie qui, dit-il, se partagent le monde : d'un côté, celle des sages, des vertueux, des stoïciens, qui serait la sienne s'il n'était chrétien, car l'homme naturel est stoïcien dans Pascal; de l'autre, celle des douteurs, des railleurs, des relâchés, épicuriens et pyrrhoniens, tels que Montaigne. Et après avoir montré que ces philosophies ne sauraient ni subsister l'une sans l'autre ni s'accorder l'une avec l'autre, de manière qu'il n'y a pas, ce semble, de sagesse possible pour l'esprit humain, il trouve dans la religion, c'est-à-dire dans le dogme de la chute et de la grâce, qui est pour lui toute la religion, une sagesse supérieure où il lui paraît que les principes qui semblaient incompatibles se concilient et mettent une double vérité à la place d'une double erreur. Il faut se reporter à cet entretien; il contient la clef des Pensées, il en est, comme je l'ai dit ailleurs, la véritable introduction (a).

Mais la philosophie n'est pas chose impersonnelle, surtout chez un pareil homme. L'esprit qui a produit en dehors de soi sa pensée ne la rapporte plus à sa source et la croit volontiers indépendante de lui-même, mais il se trompe: sa thèse est ce que l'a faite son caractère, sa vie, le fond habituel de ses sentiments. Voilà le système de Pascal; ce n'est pas assez, cherchons-en les racines au fond de son âme. La plus profonde est la foi. La vie de Pascal appartient à la foi tout entière; on ne saurait trouver dans cette existence si suivie un intervalle où on puisse supposer que la foi se soit retirée de lui. On lira (p. Iv) le témoignage de Me Perier sur sa jeunesse, et, depuis, si nous parcourons toutes les dates de son histoire, que trouvons-nous? L'affaire du frère Saint-Ange, 1647;

(a) Le système, la méthode philosophique de Pascal, prise abstraitement, a été analysée et discutée d'une manière supérieure dans l'article Pascal du Dictionnaire des sciences philosophiques (par M. Franck). Je renvoie à ce morceau, si serré et si fort, ceux qui veulent discuter les Pensées; je ne prétends, comme je l'ai dit, que les exposer.

la Prière pour le bon usage des maladies, 1648; la Lettre sur la mort de son père, 1651; Jacqueline au couvent, qui, dès la fin de 1653, réussit à attirer vers la retraite celui qui l'y avait poussée jadis; à partir de 1654, il est le Pascal de Port-Royal, le Pascal des Provinciales, du miracle de la sainte Épine et des Pensées. Si, entre 1651 et 1653, il eut quelques mois de vie mondaine, s'il connut alors dans le monde quelques beaux esprits irréligieux, s'il lut et relut Montaigne et l'approfondit, je ne veux pas dire que le commerce de ces idées hardies n'ait pas laissé en lui des traces profondes, et qu'à certains moments il n'ait pas surpris des tentations d'incrédulité au fond de sa pensée; nous avons, ce semble, son aveu là-dessus, et nous n'aurions même pas besoin d'un aveu (a): mais je suis convaincu aussi qu'en ces temps mauvais il n'a jamais laissé le doute prendre le dessus, qu'il se défendait de toute sa force, soit contre les objections, soit contre son trouble même, et qu'il demeura toujours, dans toutes ses paroles comme dans toutes ses actions, le fidèle enfant de l'Église. Et comment eût-il seulement soutenu la pensée de n'être plus chrétien, de laisser échapper la foi, lorsqu'il avait si longtemps vécu par la foi, qu'il avait déjà livré des combats pour elle, qu'il avait pris parti dans les querelles religieuses, qu'il était publiquement connu comme janséniste et ami de Port-Royal, que, dans l'ardeur de son zèle, il avait fait de son père un dévot et de sa sœur une sainte, qu'il avait enfin tous les engagements à la fois? Et, tandis que la religion avait tant de force pour l'arrêter, quelle force avait l'incrédulité pour le séduire? L'incrédulité alors marchait dans l'ombre et sapait les esprits par un travail souterrain; elle n'était pas autorisée; elle ne pouvait se prévaloir d'aucun grand nom, d'aucun maitre respecté. Quelques esprits aventureux et sans considération osaient seuls publier des écrits ouvertement impies; les autres esprits forts se contentaient de lancer dans la conversation leurs arguments et leurs railleries; tous les personnages graves, tous les

(a) Voyez ce qu'il dit (viii, 4, p. 118) : Qu'on n'a qu'à voir le livre des pyr rhoniens, si on n'est pas assez persuadé de la force de leurs principes : « on le de>> viendra bien vite, et peut-être trop. » Et x, 4, p. 151: « Vous voulez aller à la foi, » et vous n'en savez pas le chemin... Apprenez de ceux qui ont été liés comme » vous, et qui parient maintenant tout leur bien: ce sont gens qui savent ce chemin >> que vous voudriez suivre, et guéris d'un mal dont vous voulez guérir. » Et le fragment xxv, 20, sur ceux qui ne peuvent s'empêcher de songer. Et aussi xxv, 18.

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