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tionnée aux habiles; mais elle ne servirait pas au peuple. La seule religion chrétienne est proportionnée à tous, étant mêlée d'extérieur et d'intérieur. Elle élève le peuple à l'intérieur 1, et abaisse les superbes à l'extérieur 2; et n'est pas parfaite sans les deux, car il faut que le peuple entende l'esprit de la lettre, et que les habiles soumettent leur esprit à la lettre.

4.

Nulle autre religion 3 n'a proposé de se haïr. Nulle autre religion ne peut donc plaire à ceux qui se haïssent, et qui cherchent un être véritablement aimable. Et ceux-là, s'ils n'avaient jamais ouï parler de la religion d'un Dieu humilié, l'embrasseraient incontinent.

... Nulle autre n'a connu que l'homme est la plus excellente créature. Les uns, qui ont bien connu la réalité de son excellence, ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d'eux-mêmes; et les autres', qui ont bien connu combien cette bassesse est effective, ont traité d'une superbe ridicule ces sentiments de grandeur, qui sont aussi naturels à l'homme.

Levez vos yeux' vers Dieu, disent les uns; voyez celui auquel vous ressemblez, et qui vous a fait pour l'adorer. Vous pouvez vous rendre semblable à lui; la sagesse vous y égalera, si vous voulez la sui

« A l'intérieur. » C'est-à-dire jusqu'à l'intérieur, jusqu'à l'esprit.

2 « A l'extérieur. » C'est-à-dire les fait descendre jusqu'à l'extérieur, jusqu'à l'eau bénite, etc. — Ou lit encore page 90 du manuscrit : « Il faut que l'extérieur » soit joint à l'intérieur pour obtenir de Dieu, c'est-à-dire que l'on se mette à ge>> noux, prie des lèvres, etc., afin que l'homme orgueilleux qui n'a voulu se sou» mettre à Dieu soit maintenant soumis à la créature [c'est-à-dire au corps, à la >> machine]. Attendre de cet extérieur le secours est superstition; ne vouloir pas le " joindre à l'intérieur est être superbe. »

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4 « Qui se haissent. » Parce qu'ils haissent en eux la nature humaine.

5 « D'un Dieu humilié. » Un Dieu humilié! qui a pu faire cela? nos péchés, haissons-nous done; sa charité, aimons-le donc. Il y a là de quoi haïr et de quoi aimer en proportion, pour ainsi dire, d'un si étrange mystère. Telle est la penséc de Pascal.

6 « Nulle autre. » Conservé dans la Copie. P. R., 11.

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7 «Les uns... les autres... » Les stoïques, les épicuriens.

« Levez vos yeux. » P. R, 111. P. R. a placé ce passage au milieu d'un grand morceau qu'on trouvera plus loin (x11, 4).

vre' Et les autres disent 2: Baissez vos yeux vers la terre, chétif ver que vous êtes, et regardez les bêtes, dont vous êtes le compagnon. Que deviendra donc l'homme? Sera-t-il égal à Dieu ou aux bêtes! Quelle effroyable distance! Que serons-nous donc ? Qui ne voit par tout cela que l'homme est égaré, qu'il est tombé de sa place, qu'il la cherche avec inquiétude, qu'il ne la peut plus retrouver ? Et qui l'y adressera donc ? les plus grands hommes ne l'ont pu.

Nulle religion que la nôtre n'a enseigné que l'homme nait en péché, nulle secte de philosophes ne l'a dit : nulle n'a donc dit vrai 5.

5.

S'il n'y avait qu'une religion, Dieu y serait bien manifeste ". S'il n'y avait des martyrs qu'en notre religion, de même.

... Dieu étant ainsi caché, toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n'est pas véritable; et toute religion qui n'en rend pas la raison n'est pas instruisante. La nôtre fait tout cela: Vere tu es ' Deus absconditus.

Cette religion, qui consiste 10 à croire que l'homme est déchu d'un état de gloire et de communication avec Dieu en un état de tristesse, de pénitence et d'éloignement de Dieu, mais qu'après cette vie nous serons rétablis " par un Messie qui devait venir, a

1 « Si vous voulez la suivre. » Ici, en marge: «Haussez la tête, hommes libres, » dit Epictete. » Ὀρθὸς περιπάτει, ἐλεύθερος (ÉPICT., 1, 48, à la fin).

2

<< Et les autres disent. » Sur tout ce parallèle, voir, au commencement du volume, l'entretien de Pascal avec Sacy. Voir aussi le dernier fragment du paragraphe XII, 3.

3 « Qui ne voit par tout cela. » Cette fin manque dans P. R. et les éditions, par suite du déplacement du passage. Tout cela est plein d'émotion.

4 « Nulle religion que la nôtre. » 8. P. R., 11.

« Nulle n'a donc dit vrai. » Car notre penchant au mal et nos misères de toute espèce prouvent évidemment, suivant Pascal, qu'il en est ainsi.

Sil n'y avait qu'une religion. » 55. En titre : Que Dieu s'est voulu cacher. P. R., 11. P. R. ne commence qu'aux mots, Dieu étant caché; mais ce qui précède se retrouve au titre XVIII.

a

Y serait bien manifeste. » Et, suivant Pascal, il le serait trop. Cf. ix, 1, et tout l'article xx.

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Qui n'en rend pas la raison. » Cette raison, suivant Pascal, est que les

hommes se sont rendus indignes de connaître Dieu. Voir xx, 1.

10

« Verc tu es. On a déjà vu (1x, 4) ce texte d'Isaïe.

« Cette religion, qui consiste. » 218. En titre, Perpétuité, P. R.,-II.

« Nous serons rétablis. » Dans cet état de gloire.

tovjours été sur la terre. Toutes choses ont passé1, et celle-là a subsisté pour laquelle sont toutes les choses.

2

Les hommes dans le premier åâge du monde ont été emportés dans toutes sortes de désordres, et il y avait cependant des saints, comme Énoch, Lamech et d'autres, qui attendaient en patience le CHRIST promis dès le commencement du monde3. Noé a vu la malice des hommes au plus haut degré; et il a mérité de sauver le monde en sa personne, par l'espérance du Messie dont il a été la figure 5. Abraham était environné d'idolâtres, quand Dieu lui fit connaître le mystère du Messie ' qu'il a salué de loin. Au temps d'Isaac et de Jacob, l'abomination s'était répandue' sur toute la terre: mais ces saints vivaient en la foi; et Jacob, mourant et bénissant ses enfants, s'écrie, par un transport qui lui fait interrompre son discours : J'attends, ô mon Dieu, le Sauveur que vous avez promis: Salutare tuum exspectabo, Domine.

8

6

Les Égyptiens étaient infectés et d'idolâtrie et de magie; le peuple de Dieu même était entraîné par leurs exemples. Mais cependant Moïse et d'autres croyaient celui qu'ils ne voyaient pas', et l'adoraient en regardant aux dons éternels qu'il leur préparait.

1 « Toutes choses ont passé. » Cette phrase pourrait servir d'épigraphe au Discours sur l'Histoire universelle de Bossuet. Et on pourrait donner à ce morceau le titre que Bossuet a donné à sa seconde partie : La suite de la Religion.

2 « Les hommes dans le premier âge. » Avant cette phrase, P. R. intercale une partie d'un fragment qu'on trouvera après celui-ci : Dieu voulant se former, etc.

3 « Dès le commencement du monde. >> Pascal, ainsi que Bossuet, regarde le Christ comme prédit dans les paroles que Dieu adresse au serpent après le péché, quand il lui dit que la race de la femme lui écrasera la tête. Gen., III, 45. Voir plus loin.

« Et il a mérité. » P. R. substitue à cette phrase la phrase sur Noé qui est dans le fragment suivant.

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D

5 Dont il a été la figure. C'est-à-dire qu'en se sauvant du déluge, et le monde avec lui, il a été la figure du Messie sauvant les hommes, et il l'a fait espérer. L'arche est la figure de l'Eglise. Voir sur les Figures l'article XVI. Il faut avouer que ces expressions, sauver le monde par l'espérance du Messie, sont obscures, et ne disent pas bien ce qu'elles veulent dire.

« Le mystère du Messie. » Je ne vois pas cela dans la Genèse, mais Jésus dit. dans l'Évangile de saint Jean (vi11, 56) qu'Abraham a été transporté par l'espérance de voir son avénement, qu'il l'a vu et qu'il s'est réjoui.

↑ «L'abomination s'était répandue. » Remarquez la vivacité des termes que Pascal trouve à chaque phrase pour peindre la corruption du monde, et faire mieux ressortir la conservation de la foi chez les élus. Remarquez aussi que la répétition continuelle du même tour, image de l'immobilité de la religion, est une beauté que les altérations de Port-Royal faisaient disparaltre.

8 « Salutare tuum. » Genèse, XLIX, 18. Ce verset n'a en effet aucun rapport apparent avec ce qui précède et ce qui suit.

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xx ;

« Celui qu'ils ne voyaient pas. » Beati qui non viderunt, et crediderunt. Jean,

29.

Les Grecs et les Latins ensuite ont fait régner les fausses déités; les poëtes ont fait cent diverses théologies; les philosophes se sont séparés en mille sectes différentes: et cependant il y avait toujours au cœur de la Judée des hommes choisis qui prédisaient la venuc de cé Messie, qui n'était connu que d'eux.

Il est venu enfin 2 en la consommation des temps : et depuis, on a vu naitre tant de schismes et d'hérésies, tant renverser d'États, tant de changements en toutes choses; et cette Église, qui adore celui qui a toujours été adoré, a subsisté sans interruption. Et ce qui est admirable, incomparable et tout à fait divin, c'est que cette religion, qui a toujours duré, a toujours été combattue. Mille fois elle a été à la veille d'une destruction universelle; et toutes les fois qu'elle a été en cet état, Dieu l'a relevée par des coups extraordinaires de sa puissance. C'est ce qui est étonnant, et qu'elle s'est maintenue sans fléchir et plier sous la volonté des tyrans. Car il n'est pas étrange qu'un État subsiste, lorsque l'on fait quelquefois céder ses lois à la nécessité, mais que..."

Dieu, voulant se former un peuple saint, qu'il séparerait de toutes les autres nations, qu'il délivrerait de ses ennemis, qu'il mettrait dans un lieu de repos, a promis de le faire', et a prédit par ses prophètes le temps et la manière de sa venue. Et cependant, pour affermir l'espérance de ses élus dans tous les temps, il

« Au cœur de la Judée. » Au lieu de dire simplement, dans la Judée; cela montre mieux que la foi est comme réfugiée là.

2 « Il est venu enfin. » Ces mots très-simples frappent, parce que l'écrivain nous a fait sentir, en s'arrêtant à chaque pas, la longue attente du monde.

3 « En la consommation des temps. » a

dire, quand le temps marqué fut accompli.

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Expression biblique et solennelle, pour

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« Celui qui a toujours été adoré. » Il suffit de ce retour du même verbe pour nous faire franchir les siècles, et reconnaître dans le Dieu de Pascal le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Voir le papier mystique cité dans la note 16, sur sa Vie. C « Mille fois elle a été. » Voir le Discours sur l'Histoire universelle : « Cette Église toujours attaquée, et jamais vaincue, est un miracle perpétuel, D etc.

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I partie, XIII, au commencement.

7 « Mais que... » Le manuscrit porte ici, entre parenthèses : « Voyez le rond >> dans Montaigne. » Ce rond est sans doute la marque que Pascal avait mise à un passage de Montaigne. Voir le paragraphe 6.

8 « Dieu voulant se former. » 77. En titre, Figures. (Voir l'art. xv1). P. R. a intercalé ce fragment dans le précédent.

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rela.

« A promis de le faire. » P. R. complète la pensée et de venir au monde pour

leur en a fait voir l'image sans les laisser jamais sans des assurances de sa puissance et de sa volonté pour leur salut. Car, dans la création de l'homme, Adam en était le témoin, et le dépositaire de la promesse du Sauveur, qui devait naître de la femme 1. Lorsque les hommes étaient encore si proches de la création, qu'ils ne pouvaient avoir oublié leur création et leur chute, lorsque ceux qui avaient vu Adam n'ont plus été au monde, Dieu a envoyé Noé, et il l'a sauvé, et noyé toute la terre, par un miracle qui marquait assez et le pouvoir qu'il avait de sauver le monde, et la volonté qu'il avait de le faire, et de faire naître de la semence de la femme celui qu'il avait promis. Ce miracle suffisait pour affermir l'espérance des hommes...

La mémoire du déluge étant encore si fraiche parmi les hommes, lorsque Noé vivait encore 2, Dieu fit ses promesses à Abraham, et lorsque Sem vivait encore, Dieu envoya Moïse, etc....

6.

Les États périraient, si on ne faisait plier souvent les lois à la nécessité. Mais jamais la religion n'a souffert cela, et n'en a usé '. Aussi il faut ces accommodements, ou des miracles. Il n'est pas étrange qu'on se conserve en ployant, et ce n'est pas proprement se maintenir; et encore périssent-ils enfin entièrement il n'y en a point qui ait duré mille ans. Mais que cette religion se soit toujours maintenue, et inflexible, cela est divin.

« Qui devait naître de la femme. » C'est ainsi que l'Église interprète ces mots que Dieu adresse au serpent dans la Genèse (111, 45) : « Je susciterai la guerre >> entre toi et la femme, entre ta race et sa race; elle écrasera ta tête, et tu t'effor» ceras de mordre son talon. »

2 « Lorsque Noé vivait encore. » Supprimé dans P. R. Noé ne vivait plus, d'après la Genèse, lors de la vocation d'Abraham, ni Sem au temps de Moïse.

3 « Les États périraient. » 283. P. R., II.

4 « Les lois à la nécessité. » Montaigne, 1, 22, page 181: « Si est-ce que la >> fortune, reservant tousiours son auctorité au-dessus de nos discours, nous pre>> sente auculnesfois la necessité si urgente, qu'il est besoin que les loix lui facent » quelque place,

etc.

5 « Et n'en a usé. » Cependant Pascal lui-même a laissé un petit écrit qu'on trouvera dans ce volume, sur les changements introduits dans la discipline de l'Église.

« Mille ans. »> P. R., quinze cents ans. En effet le royaume de France avait déjà duré plus de mille ans au temps de Pascal. Rome a duré plus de mille ans de Romulus à Augustule. Mais Pascal et P. R. se tiennent toujours dans le cercle de l'histoire classique. Ils auraient rayé cette pensée s'ils avaient songé à la durée de l'empire chinois.

7 «Et inflexible. » C'est-à-dire et cela en restant inflexible.

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