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Un mot de David', ou de Moïse, comme que Dieu circoncira les cœurs [ Deut., xxx, 6], fait juger de leur esprit 2. Que tous les autres discours soient équivoques, et douteux d'être philosophes ou chrétiens enfin un mot de cette nature détermine tous les autres, comme un mot d'Epictète détermine tout le reste au contraire“. Jusque là l'ambiguïté dure, et non pas après ".

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J'aurais bien plus de peur de me tromper, et de trouver que la religion chrétienne soit vraie, que non pas de me tromper en la croyant vraie.

27.

Les conditions' les plus aisées à vivre selon le monde sont les plus difficiles à vivre selon Dieu; et au contraire'. Rien n'est si difficile selon le monde que la vie religieuse; rien n'est plus facile que de la passer selon Dieu. Rien n'est plus aisé que d'être dans une grande charge et dans de grands biens selon le monde; rien

« Un mot de David. » 247. P. R. xxvIII.

2 « De leur esprit » Voir l'article xx1, 8° alinéa, et ailleurs.

3 « D'être philosophes. » C'est-à-dire, et qu'il soit douteux s'ils sont philosophes ou chrétiens. Philosophes pour philosophiques, cf. vi, 52.

« Au contraire. » Dans le sens contraire.

S « Et non pas après. » Que signifie ce fragment? Il ne peut être douteux pour personne que les livres saints contiennent une religion, et non pas une philoso phie; le surnaturel y est partout, et il éclate bien plus dans tant de miracles que dans tel ou tel discours. Comment donc faut-il l'entendre? C'est en rapportant cette réflexion, non pas à la religion en général, mais à la question de la grâce, qui est tout le christianisme aux yeux de Pascal. Être chrétien, c'est croire que notre nature déchue et ruinée ne peut se réparer par elle-même, et est incapable de revenir au bien et à Dieu, si une grâce nécessitante et gratuite ne l'y ramène. Si on suppose au contraire que l'homme par sa propre force puisse faire le bien ou seulement le vouloir, on n'est plus chrétien, on est philosophe. Or dans l'Ancien Testament, la doctrine de la grâce ne paraît guère; le langage en est le même que le langage ordinaire de la vie, où on n'impute pas moins à l'homme le bien que Dieu lui fait faire que le mal qu'il fait par lui-même. Nous pourrions donc croire, dit Pascal, que les écrivains sacrés parlent en philosophes; mais un mot comme celui qu'il cite lève l'ambiguïté, et nous fait retrouver la pure doctrine de la grâce. Au contraire, on prendrait souvent Epictète pour un chrétien; on croirait voir plus de sainteté dans ses discours qu'il n'en paraît dans les livres saints, où la vraie religion était voilée (cf. xv, 40, 44, et xx1). Mais Epictète dit que la vertu dépend de nous, et à ce mot orgueilleux, qui est la négation de la grâce, nous reconnaissons l'homme et le stoïcien. « J'aurais bien plus. 485. En titre. Ordre. P. R. XXVIII. Cette pensée se rattache à celle qui fait le premier fragment de ce paragraphe.

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7 « Les conditions. » Copie. P. R., XXVIII.

8 « Et au contraire. » Et réciproquement.

n'est plus difficile que d'y vivre selon Dieu, et sans y prendre de part et de goût.

28.

L'Ancien Testament1 contenait les figures de la joie future, et le Nouveau contient les moyens d'y arriver. Les figures étaient de joie; les moyens, de pénitence; et néanmoins l'agneau pascal était mangé avec des laitues sauvages, cum amaritudinibus 2.

29.

Le mot de Galilée3, que la foule des Juifs prononça comme par hasard, en accusant JÉSUS-CHRIST devant Pilate, donna sujet à Pilate d'envoyer JÉSUS-CHRIST à Hérode; en quoi fut accompli le mystère, qu'il devait être jugé par les Juifs et les Gentils. Le hasard en apparence fut la cause de l'accomplissement du mystère.

30.

Une personne me disait un jour qu'elle avait ' grande joie et confiance en sortant de la confession : l'autre me disait qu'elle restait en crainte. Je pensai sur cela que de ces deux on en ferait un bon, et que chacun manquait en ce qu'il n'avait pas le sentiment de l'autre. Cela arrive souvent de même en d'autres choses.

1 « L'Ancien Testament. » 381. P. R., XXVIII.

2 « Cum amaritudinibus. » Exode, XII, 8; mais il y a dans la Vulgate, cum lactucis agrestibus. Les mots cum amaritudinibus sont la traduction exacte de l'hébreu. Pascal a pris sans doute cette citation dans un père de l'Église.

3 « Le mot de Galilée. » 427, parmi quelques notes sur le récit de la Passion. P. R., XXVIII.

4 « A Hérode. » Luc, XXIII, 5: « Mais ils insistaient disant : Il soulève le peuple » par les doctrines qu'il a répandues dans toute la Judée, depuis la Galilée jusques » ici. Pilate, entendant nommer la Galilée, demanda si cet homme était Galiléen. Et, voyant qu'il était de la juridiction d'Hérode, il le renvoya à Hérode, qui se >> trouvait aussi pour la fête à Jérusalem. » Hérode le renvoie à son tour à Pilate. Cet incident n'est pas indiqué dans les autres évangiles.

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« Et les gentils. » Voir les Actes des Apôtres. Iv, 25-28: On sait que ce livre est la suite de l'Évangile de saint Luc, et de la même main. « Seigneur, c'est toi » qui as dit par ton saint Esprit, parlant par la bouche de David notre père ton » serviteur [Ps. II, 4]: Pourquoi les nations se sont-elles soulevées en frémissant, >> et pourquoi les peuples ont-ils médité de vains complots? Les rois de la terre se » sont élevés, et les peuples se sont réunis contre le Seigneur et contre son oint. » Et en effet cette ville a vu se réunir contre Jésus, ton saint serviteur et ton oint, » Hérode et Ponce Pilate, avec les Gentils et les peuples d'Israël. »

6 « Une personne. 429. P. R., XXVIII.

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« Qu'elle avait. » P. R. met, qu'il avait, et plus haut, Un homme me disait. Il est clair que Pascal n'emploie le pronom féminin qu'à cause du mot personne. 8. De l'autre. » P. R. s'arrête ici.

31.

Il y a plaisir 1 d'être dans un vaisseau battu de l'orage, lorsqu'on est assuré qu'il ne périra point. Les persécutions qui travaillent l'Église sont de cette nature.

L'Histoire de l'Église 2 doit être proprement appelée l'Histoire de la vérité3.

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32.

Comme les deux sources de nos péchés sont l'orgueil et la paresse, Dieu nous a découvert deux qualités en lui pour les guérir : sa miséricorde et sa justice. Le propre de la justice est d'abattre l'orgueil, quelque saintes que soient les œuvres, et non intres in judicium; et le propre de la miséricorde est de combattre la paresse en invitant aux bonnes œuvres, selon ce passage : « La mi» séricorde de Dieu invite à la pénitence; » et cet autre des Ninivites : « Faisons pénitence, pour voir si par aventure il aura pitié » de nous. » Et ainsi tant s'en faut que la miséricorde autorise le relâchement, que c'est au contraire la qualité qui le combat formellement; de sorte qu'au lieu de dire, S'il n'y avait point en Dieu de miséricorde, il faudrait faire toutes sortes d'efforts pour la vertu; il faut dire, au contraire, que c'est parce qu'il y a en Dieu de la miséricorde, qu'il faut faire toutes sortes d'efforts.

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33.

Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair, ou

1 « Il y a plaisir. » 202. P. R., XXVIII.

« L'histoire de l'Église. » Copie. P. R., xxvIII.

3 « De la vérité. » Bossuet, sermon sur la divinité de la religion [prêché à la cour pour le deuxième dimanche de l'Avent], premier point: « Par où vous voyez >> clairement que la vérité se sert des hommes, mais qu'elle n'en dépend pas; et >> c'est ce qui nous paraît dans toute la suite de son histoire. J'appelle ainsi l'histoire » de l'Eglise, c'est l'histoire du règne de la vérité; » etc. Bossuet prenait-il cette phrase dans les Pensées? Il avait pu les lire si l'Avent où il a prêché ce sermon est celui de 4669, qu'il prêcha en effet à la cour.

4 << Comme les deux. » 227. En titre : Contre ceux qui sur la confiance de la miséricorde de Dieu demeurent dans la nonchalance, sans faire de bonnes œuvres. P. R.

XXVIII.

5 « Judicium. » Ps. CXLII, 2: « Et n'entre point en jugement avec ton servi>>teur, car nul homme vivant ne sera justifié devant toi. »>

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« A la pénitence. » Rom., 11, 4: Ignoras quoniam benignitas Dei ad pœnitentiam te adducit.

7 « Pitié de nous. » Jonas, III, 9: Quis scit si convertatur et ignoscat Deus, et revertatur a furore iræ suæ, et non peribimus?

« Tout ce qui est. » 445. P. R., XXVIII.

concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie : libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi 2. Malheureuse la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt qu'ils n'arrosent! Heureux ceux qui, étant sur ces fleuves, non pas plongés, non pas entraînés, mais immobilement affermis; non pas debout, mais assis dans une assiette basse et sûre, dont ils ne se relèvent jamais avant la lumière, mais, après s'y être reposés en paix, tendent la main ' à celui qui les doit relever, pour les faire tenir debout et fermes dans les porches de la sainte Hiérusalem, où l'orgueil ne pourra plus les combattre et les abattre; et qui cependant pleurent, non pas de voir écouler toutes les choses périssables que les torrents entraînent, mais dans le souvenir de leur chère patrie, de la Hiérusalem céleste, dont ils se souviennent sans cesse dans la longueur de leur exil"!

34.

Un miracle, dit-on, affermirait ma créance. On le dit quand on

1 «De la vie. » C'est la traduction exacte d'un verset de la première épître de Jean, 11, 46: Omne quod est in mundo concupiscentia carnis est et concupiscentia oculorum et superbia vitæ. Le Traité de la concupiscence de Bossuet n'est que le développement de ce texte.

2 « Dominandi. » Pascal a traduit saint Jean, mais c'est Jansénius qu'il cite (de statu naturæ lapse, 11, 8, dans l'Augustinus). Il y a seulement dans le texte excellendi au lieu de dominandi: « La passion de sentir, la passion de savoir, la passion » de primer. »

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a Mais... tendent la main. » Ces mots ne dépendent pas de Heureux ceux qui; ils font seulement opposition à ceux-ci, dont ils ne se relèvent jamais avant la lumière. Il faut construire comme s'il y avait Heureux ceux qui sont sur ces fleuves, non pas plongés, etc., mais assis dans une assiette basse et sûre, dont ils ne se relèvent jamais avant la lumière, mais où s'étant reposés en paix, ils tendent la main, etc. 4 a De leur exil. » Ce fragment est tiré, comme M. Faugère en a averti, de la paraphrase de saint Augustin sur le psaume CXXXVI (Super flumina Babylonis). C'est le commentaire du premier verset: « Sur les fleuves de Babylone nous sommes de> meurés assis et nous avons pleuré, en nous souvenant de Sion. »> Babylone, c'est la terre; et Sion est le ciel. Condorcet, dans une note de la Préface de son édition, dit : « Je doute que ceux qui s'intéressent à la mémoire de Pascal, et même à la religion, puissent regretter beaucoup qu'on ait supprimé les pensées suivantes. >> Et il cite ces lignes, pleines de subtilités allégoriques, mais aussi d'une ardeur et d'une poésie qu'il ne sent pas. C'est dans cette même note qu'il cite, d'un ton également dédaigneux, les premières lignes du morceau sur la grandeur de Jésus-Christ (XVII, 4), et il a en effet supprimé tout ce fragment incomparable! On lit encore page 85 du manuscrit : « Les fleuves de Babylone coulent, et tombent, et entrai» nent. O sainte Sion, où tout est stable et où rien ne tombe!

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» Il faut s'asseoir sur les fleuves, non sous ou dedans, mais dessus; et non de>> bout, mais assis; pour être humble étant assis, et en sûreté étant dessus. Mais

» nous serons debout dans les porches de Hiérusalem.

» Qu'on voie si ce plaisir est stable ou coulant. S'il passe, c'est un fleuve de

>> Babylone. >>

5 « Un miracle. » 409. P. R., xxvIII.

ne le voit pas. Les raisons qui, étant vues de loin, paraissent borner notre vue, mais quand' on y est arrivé, on commence à voir encore au delà. Rien n'arrête la volubilité de notre esprit. Il n'y a point, dit-on, de règle qui n'ait quelque exception, ni de vérité si générale qui n'ait quelque face par où elle manque. Il suffit qu'elle ne soit pas absolument universelle, pour nous donner sujet d'appliquer l'exception au sujet présent, et de dire: Cela n'est pas toujours vrai; done il y a des cas où cela n'est pas. Il ne reste plus qu'à montrer que celui-ci en est; et c'est à quoi on est bien maladroit ou bien malheureux si on n'y trouve quelque jour 2.

35.

La charité n'est pas un précepte figuratif. Dire que JÉSUSCHRIST, qui est venu ôter les figures pour mettre la vérité, ne soit venu que mettre la figure de la charité, pour ôter la réalité qui était auparavant; cela est horrible. Si la lumière est ténèbres, que seront les ténèbres 5?

1

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36.

Combien les lunettes nous ont-elles découvert d'êtres qui n'é

«Mais quand. Encore une anacoluthe. Il faut construire comme s'il n'y avait pas de mais.

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« Quelque jour. Ce fragment doit être rapproché de ceux qui composent l'article XXIII. Pascal en veut à ceux qui résistent au miracle de la sainte Epine. Les ennemis de Port Royal disaient: Il est vrai qu'en général un miracle témoigne que Dieu est pour ceux en faveur de qui il s'opère, mais cela n'est pas toujours ainsi, et il permet quelquefois que le démon fasse des miracles. Et les incrédules disaient : Il est vrai qu'en général une guérison subite d'un mal invétéré n'est pas dans la nature, mais pourtant il peut se faire qu'il arrive quelque chose de semblable naturellement. Voir aussi XII, 5.

3 « La charité. » 455. P. R., xxvm. Sur la charité, voir xvi, 43.

« Cela est horrible. » Pascal attaque ici la doctrine d'après laquelle le sacrement suffisait pour remettre le péché, sans la charité ou l'amour de Dieu, doctrine qu'on imputait aux Jésuites (voir la dixième Provinciale, et la douzième Epitre de Boileau). Toute l'Eglise admet que sans le secours du sacrement, le pécheur ne peut être pardonné que s'il a une contrition parfaite, qui suppose une parfaite charité, tandis qu'avec ce secours il suffit d'une contrition imparfaite ou attrition. Mais il faut pourtant que dans l'attrition même il y ait un certain degré de charité. Autrement il se trouverait qu'avant Jésus-Christ, comme il n'y avait pas de sacrement, il fallait aimer Dieu pour être sauvé; mais que depuis Jésus-Christ cela ne serait plus nécessaire. Jésus-Christ ne serait donc venu que pour mettre le sacrement comme une figure de la charité, à la place de la charité même.

« Les ténèbres. » Matthieu, v1, 22: « Ton œil est la lampe de ton cœur...; si » donc ton œil est malade, tout ton corps sera dans la nuit. Si ce qui est lumière »en toi devient ténèbres, ce qui était ténèbres, que sera-t-il donc ? » Pascal veut dire: Si les prêtres eux-mêmes, si les directeurs des consciences sont aveugles en ce qui regarde la charité, que sera-ce donc du monde?

6 . Combien les lunettes. » 225. Manque dans P. R.

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