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Il n'est pas question de voir cela en gros1. Je vous dis qu'il y a 2 de quoi aveugler et de quoi éclairer 3. Par ce mot seul, je ruine tous vos raisonnements. Mais la Chine obscurcit, dites-vous; et je réponds La Chine obscurcit, mais il y a clarté à trouver; cherchez-la. Ainsi tout ce que vous dites fait à un des desseins, et rien contre l'autre 5. Ainsi cela sert, et ne nuit pas. Il faut donc voir cela en détail, il faut mettre papiers sur table.

déluge en l'an 2348. Mais il fallait bien ne placer Fo-Hi et le commencement des temps historiques de la Chine qu'après le déluge universel. Le P. Martini fait remarquer que cette difficulté sera levée si on adopte telle autre chronologie également autorisée (en effet le texte des Septante fait remonter le déluge à l'an 2954; et depuis, l'Art de vérifier les dates, d'après une combinaison du texte hébreu et du samaritain, l'a reporté jusqu'à l'an 3308). Quant aux temps antérieurs à Fo-Hi, le P. Martini, accordant toujours tout ce qu'il peut aux Chinois, cherche à en resserrer l'étendue en expliquant les dynasties, comme on a voulu le faire aussi pour l'Egypte, par des royautés simultanées; et comme cette antiquité reste toujours antédiluvienne, il suppose qu'il a pu subsister dans la haute Asie, même après le déluge, quelque tradition obscure des événements et des personnages qui l'ont précédé. Ainsi tout s'arrange dans le livre du P. Martini, qui n'attache d'ailleurs d'importance à aucun système, attendu que la foi pour lui n'est pas en cause, et reste bien audessus de toutes ces difficultés. Mais il pouvait n'en être pas de même des douteurs avec qui Pascal était en commerce. Quand ils voyaient le P. Martini reconnaître l'autorité de la chronologie chinoise jusqu'à Fo-Hi, et placer ce personnage plus de 600 ans avant l'époque où on plaçait alors généralement la dispersion des langues et le repeuplement du monde, et admettre encore une antiquité au delà, ils ne pouvaient manquer d'opposer l'histoire de la Chine à l'histoire juive. Pascal se tire de l'objection en refusant sa croyance à ces récits. Il y a bien lieu en effet de douter de ces règnes de 445, de 140 ans, que le P. Martini nous présente d'après les Chinois, et de ne pas compter comme un personnage bien historique ce Fo-Hi, né d'une vierge, fécondée par un arc-en-ciel. Le pieux jésuite a fait la part de la critique la plus petite possible. Il est devenu comme le fils de la Chine, en y vivant; il reçoit les livres chinois, non pas avec autant de respect, mais avec autant de bonne volonté que les livres saints, tant qu'ils ne les contredisent pas absolument. Pascal n'a pas tant de complaisance pour ces histoires. On trouve encore cette note dans la Copie : « Contre l'histoire de la Chine. Les historiens de Mexico. Des » cinq soleils, dont le dernier est il n'y a que huit cents ans. » C'est un souvenir de Montaigne (III, 6, p. 396). Pascal voulait sans doute rapprocher cette fable mexicaine des cinq âges du monde, éclairés par cinq soleils successifs, des fables analogues des Chinois, rapportées aussi par le P. Martini (p. 4 de l'édition in-4°). 1 « En gros. » C'est-à-dire d'alléguer en gros, pour rejeter l'Ecriture, que d'autres peuples ont des traditions différentes.

2 « Qu'il y a. » Dans les Ecritures.

3 « Eclairer. Cf. tout l'article xx.

« Des desseins.» « Faire s'emploie aussi pour servir, contribuer. En ce sens, >> on dit d'une preuve qui fortifie, qui confirme ce qu'un homme a déjà avancé, qu'Elle fait pour lui... Cela fait à ma cause. » Dictionnaire de l'Académie.

5 << Contre l'autre. » Cf. 1x, à la fin du premier alinéa, p. 432.

6 « Et ne nuit pas. » C'est-à-dire, cela sert au lieu de nuire.

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« Cela en détail. » Cela, c'est l'ensemble des Ecritures, c'est tout le système de la religion. Voir ci-dessus le paragraphe 16.

1

47.

Superstition et concupiscence. Scrupules, désirs mauvais. Crainte mauvaise 2.

Crainte, non celle qui vient de ce qu'on croit Dieu, mais celle qui vient de ce qu'on doute s'il est ou non 3. La bonne crainte vient de la foi, la fausse crainte vient du doute. La bonne crainte, jointe à l'espérance, parce qu'elle nait de la foi, et que l'on espère au Dieu que l'on croit la mauvaise, jointe au désespoir, parce qu'on craint le Dieu auquel on n'a point de foi. Les uns craignent de le perdre, les autres craignent de le trouver ".

48.

Salomon et Job ont le mieux connu et le mieux parlé de la misère de l'homme : l'un le plus heureux, et l'autre le plus malheureux; l'un connaissant la vanité des plaisirs par expérience, l'autre la réalité des maux ".

49.

Ézéch[iel]'. Tous les païens disaient du mal d'Israël, et le Prophète aussi : et tant s'en faut que les Israélites eussent droit de lui dire : Vous parlez comme les païens, qu'il fait sa plus grande force sur ce que les païens parlent comme lui '.

1 << Superstition. » 344. P. R., XXVIII. P. R. ne commence qu'à La bonne crainte. 2 << Crainte mauvaise. » Cette mauvaise crainte me parait être cette fausse attrition dont on imputait aux Jésuites de se contenter pour la justification des pécheurs. Cf. 35, notes. Et voici comment j'entends ce qui précède. Dans cette crainte mauvaise, il y a à la fois superstition et concupiscence. Superstition, puisqu'on s'imagine que Dieu se contente de l'extérieur du sacrement, d'une pure démonstration judaïque. Concupiscence, puisque celui qui craint Dieu ainsi ne le craint que comme faisant obstacle aux mauvais désirs. Scrupules répond à superstition; désirs mauvais, à concupiscence.

3 « S'il est ou non. » Il faut bien, dit-on, que je me confesse; car s'il y avait un Dieu, je serais damné.

4 « De le trouver. » Que cela est fort! quelle condamnation de ce qu'on appellerait volontiers d'un mot d'aujourd'hui la religion facile! on disait alors, la dévotion aisée; voir la xi Provinciale.

« Salomon. » 77. En titre, Misère. P. R., XXVIII.

6 «Par expérience. >> On sait que l'Ecclésiaste, attribué à Salomon, n'est que le développement de ce texte : Vanitas vanitatum, et omnia vanitas.

7 « Des maux. » Voir tout le livre de Job, et particulièrement les chapitres VII et XIV. Il y a un verset qui semble résumer tout le reste (xiv, 4): « L'homme, né de » la femme, vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères. »

8 « Ezéch[iel]. » 127. En titre, Hérétiques. P. R. xxvIII.

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D

a Comme lui. » Je ne trouve rien dans Ezéchiel d'où on puisse inférer ce que dit Pascal sans aider beaucoup à la lettre. - Pascal pense encore ici aux Jésuites.

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50.

Il n'y a que trois sortes de personnes : les uns qui servent Dieu, l'ayant trouvé; les autres qui s'emploient à le chercher, ne l'ayant pas trouvé2; les autres qui vivent sans le chercher ni l'avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureux; les derniers sont fous et malheureux; ceux du milieu sont malheureux et raisonnables*. 51.

4

Les hommes prennent souvent leur imagination pour leur cœur ; et ils croient être convertis dès qu'ils pensent à se convertir.

52.

6

La raison' agit avec lenteur, et avec tant de vues, sur tant de principes lesquels il faut qu'ils soient toujours présents, qu'à toute heure elle s'assoupit et s'égare, manque d'avoir tous ses principes présents. Le sentiment n'agit pas ainsi : il agit en un instant, et toujours est prêt à agir. Il faut donc mettre notre foi dans le sentiment', autrement elle sera toujours vacillante.

53.

L'homme est visiblement fait pour penser; c'est toute sa dignité et tout son mérite; et tout son devoir est de penser comme il faut : et l'ordre de la pensée est de commencer par soi, et par son auteur et sa fin. Or à quoi pense le monde? Jamais à cela; mais à dan

Quand il leur reprochait leurs confesseurs trop indulgents, leur attache aux formes extérieures et aux petites pratiques, ils répondaient: Vous parlez comme les hérétiques (les protestants). Il réplique qu'il n'en est que plus fort. Cf. le dernier fragment du dernier paragraphe de l'article xxIII, page 294.

1 « Il n'y a, » 61. P. R. XXVIII.

2 « Pas trouvé. » P. R.: Pas encore trouvé Voir une correction semblable dans l'article Ix, p. 144, note 3.

3 « Et raisonnables. » Cf. art. 1x, et 1, 9, premier fragment.

« Les hommes. » Cette pensée, qui n'est pas dans le manuscrit, a été publiés « pour la première fois dans l'édition de 1678. » (Note de M. Faugère.)-Cette pensée est d'un observateur sagace, mais on s'étonne que Pascal observe et marque avec tant de sang-froid une erreur qui doit lui paraître si terrible et si déplorable. C'est ici le ton de La Rochefoucauld plutôt que de Pascal.

<< La raison. » 425, même page que le fragment x, 4, auquel celui-ci se rattache naturellement. P. R. xxvIII.

« Qu'ils soient. » Plus correctement, lesquels il faut qui soient, ou, qu'il faut qui soient.

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ser', à jouer du luth, à chanter, à faire des vers, à courir la bague, etc., à se bâtir, à se faire roi, sans penser à ce que c'est qu'être roi, et qu'être homme.

Toute la dignité de l'homme est en la pensée. Mais qu'est-ce que cette pensée? qu'elle est sotte"!

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54.

S'il y a un Dieu, il ne faut aimer que lui, et non les créatures passagères. Le raisonnement des impies, dans la Sagesse, n'est fondé que sur ce qu'il n'y a point de Dieu. Cela posé, disent-ils, jouissons donc des créatures. C'est le pis-aller. Mais s'il y avait un Dieu à aimer, ils n'auraient pas conclu cela, mais le contraire. Et c'est la conclusion des sages: Il y a un Dieu, ne jouissons donc pas des créatures. Donc tout ce qui nous incite à nous attacher aux créatures est mauvais, puisque cela nous empêche, ou de servir Dieu, si nous le connaissons, ou de le chercher, si nous l'ignorons. Or, nous sommes pleins de concupiscence: donc nous sommes pleins de mal; donc nous devons nous haïr nous-mêmes, et tout ce qui nous excite à autre attache que Dieu seul '.

Quand nous voulons 10

55.

penser à Dieu, n'y a-t-il rien qui nous

1 « A danser. »> Voir tout l'article IV, sur le divertissement.

3

«Se faire roi. » Le pronom se est ici à l'accusatif; il est au datif dans se bâtir. « Toute la dignité. » 229. En titre, Pensée. P. R. IX, mais on va voir ce que P. R. a pris ici.

4 « Qu'elle est sotte! » Au lieu de cette brusquerie si éloquente, Pascal avait écrit d'abord : « Toute la dignité de l'homme est en la pensée. La pensée est donc » une chose admirable et incomparable par sa nature. Il fallait qu'elle eût d'étranges » défauts pour être méprisable. Mais elle en a de tels, que rien n'est plus ridicule. Qu'elle est grande par sa nature! qu'elle est basse par ses défauts! » C'est sous cette première forme que P. R. a conservé la pensée. Un Pascal peut injurier la raison humaine sans nous blesser. Nous sentons qu'une pensée qui relève de ce ton sa sottise n'est pas si sotte.

5 « S'il y a. » 7. P. R., IX.

6 « La Sagesse. » C'est le titre d'un livre de l'Ancien Testament, qui est attribué à Salomon. Voir au chapitre 11, 1-9.

7 << Point de Dieu.» Dans le texte, ils ne nient pas précisément Dieu, mais l'immortalité de l'âme : « Nous sommes nés de rien, et après ce temps nous serons » comme si nous n'avions pas été. »

8 « De concupiscence. » C'est-à-dire du désir des créatures.

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« Que Dieu seul. » Même nos mères, nos sœurs, nos femmes? Voir le troisième fragment du paragraphe 39. Voir aussi 55, 56.

19 « Quand nous voulons. » 484. P. R., IX.

détourne, nous tente de penser ailleurs? Tout cela est mauvais, et né avec nous 1.

56.

Il est faux que nous soyons dignes que les autres nous aiment: il est injuste que nous le voulions. Si nous naissions raisonnables, et indifférents, et connaissant nous et les autres, nous ne donnerions point cette inclination à notre volonté. Nous naissons pourtant avec elle; nous naissons donc injustes: car tout tend à soi. Cela est contre tout ordre: il faut tendre au général; et la pente vers soi est le commencement de tout désordre, en guerre, en police', en économie, dans le corps particulier de l'homme. La volonté est donc dépravée.

Si les membres des communautés naturelles et civiles tendent au bien du corps, les communautés elles-mêmes doivent tendre à un autre corps plus général, dont elles sont membres. L'on doit donc tendre au général. Nous naissons donc injustes et dépravés.

Qui ne hait en soi son amour-propre, et cet instinct qui le porte à se faire Dieu, est bien aveuglé. Qui ne voit que rien n'est si opposé à la justice et à la vérité? Car il est faux que nous méritions cela; et il est injuste et impossible d'y arriver, puisque tous demandent la même chose. C'est donc une manifeste injustice où nous sommes nés, dont nous ne pouvons nous défaire, et dont il faut nous défaire.

Cependant aucune religion' n'a remarqué que ce fut un péché, ni que nous y fussions nés, ni que nous fussions obligés d'y résister, ni n'a pensé à nous en donner les remèdes'.

1 « Et né avec nous.» Donc notre nature actuelle est mauvaise, donc elle est déchue, donc il y a eu le péché originel. Voir 56.

2 « Il est faux. » 8. P. R., IX. Cf. 39, troisième fragment.

3 « Donc injustes. » C'est une démonstration du péché originel.

4 << En police. » En organisation politique; c'est le sens que ce mot avait autrefois. Voir les divers fragments qui composent le paragraphe 59. 14. P. R., IX.

5 « De l'homme.

6 « Qui ne hait. »

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C'est-à-dire à rapporter tout à soi, à se faire la fin de toute

« Aucune religion. » Que la nôtre, bien entendu, comme a mis ailleurs Pascal.

« Les remèdes. » C'est-à-dire la grâce, et les sacrements qui la dispensent.

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