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aux hommes en cette vie est de les laisser sans cette guerre qu'il est venu apporter. « Je suis venu apporter la guerre, » dit-il ; et, pour instruire de cette guerre? : « Je suis venu apporter le fer et le » feu.?, Avant lui, le monde vivait dans une fausse paix :.

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Dieu ne regarde* que l'intérieur : l'Église ne juge que par l'extérieur. Dieu absout aussitôt qu'il voit la pénitence dans le caur ; l'Église, quand elle la voit dans les auvres. Dieu fera une Église pure au dedans, qui confonde par sa sainteté intérieure et toute spirituelle l'impiété intérieure des sages superbes et des pharisiens : et l'Église fera une assemblée d'hommes, dont les mæurs extérieures soient si pures, qu'elles confondent les mæurs des païens. S'il y en a d'hypocrites, mais si bien déguisés qu'elle n'en reconnaisse pas le venin, elle les souffre; car, encore qu'ils ne soient pas reçus de Dieu, qu'ils ne peuvent tromper, ils le sont des hommes, qu'ils trompent. Et ainsi elle n'est pas déshonorée par leur conduite, qui parait sainte. Mais vous voulez que l'Eglise ne juge, ni de l'intérieur, parce que cela n'appartient qu'à Dieu, ni de l'extérieur, parce que Dieu ne s'arrête qu'à l'intérieur; et ainsi, lui Ôtant tout choix des hommes, vous retenez dans l'Eglise les plus débordés, et ceux qui la déshonorent si fort, que les synagogues des Juifs et les sectes des philosophes les auraient exilés comme indignes, et les auraient abhorrés comme impies 6.

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La loi' n'a pas détruit la nature; mais elle l'a instruite : la grâce

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a De cette guerre. » De ce que c'est que cette guerre.

« Le fer et le feu. » Malth., x, 34 : Nolite arbitrari quia pacem venerim millere in terram : non veni pacem millere sed gladium. Et Luc, XI, 49 : Ignem veni miltere in terram , et quid volo nisi ul accendatur ?

3 « Fausse paix. » P. R. a peut-être retranché ce fragment, comme pouvant rappeler les luttes que la rigueur janséniste avait soutenues contre une direction de conscience trop accommodante et trop molle. Les mêmes idées se retrouvent dans les lettres de Pascal à Mlle de Roannez.

* « Dieu ne regarde. » 93. En titre : Sur les confessions el absolutions sans marques de regret. Manque dans P. R.

5 a Mais vous voulez. » Cela s'adresse aux Jésuites. Voir la dixième Provinciale. Ce qui suit ne subsiste plus dans l'autographe, mais a été conservé dans la Copie.

• « Comme impies. » Je ne connais pas dans Pascal même de morceau plus fort de raisonnement que celui-ci. Ces distinctions ; ces antithèses, donnent une clarté irrésistible.

I a La loi. » 85. Manque dans P. R.

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n'a pas détruit la loi "; mais elle l'a fait exercer. La foi reçue au baptême est la source de toute la vie du chrétien et des convertis.

On se fait une idole de la vérité même; car la vérité hors de la charité n'est pas Dieu, c'est son image, et une idole, qu'il ne faut point aimer, ni adorer, et encore moins faut-il aimer et adorer son contraire, qui est le mensonge“.

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64.

Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne; mais, entre tous ceux que le monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à craindre que la comédie. C'est une représentation si naturelle et si délicate des passions, qu'elle les émeut et les fait naître dans notre cœur, et surtout celle de l'a

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1 « Détruit la loi. » Cela est pris de saint Paul, Rom. III, 31. Voir tout ce chapitre,

? « Toute la vie. » C'est-à-dire que dans la vie du chrétien, rien n'est de la nature; tout est de la grâce, attachée à la soi.

3 « On se fait. » 85. Manque dans P. R.

4 a Le mensonge. » On lit encore à la même page du manuscrit : « Je puis bien » aimer l'obscurité totale; mais, si Dieu m'engage dans un état à demi obscur, ce » peu d'obscurité qui y est me déplait, et, parce que je n'y vois pas le mérite d'une » entière obscurité, il ne me plait pas. C'est un défaut, et une marque que je me fais » une idole de l'obscurité, séparée de l'ordre de Dieu. Or il ne faut adorer que » son ordre. Quand je cherche à interpréter ces deux fragments, je crois reconnaitre que Pascal y a mis l'expression des tourments de sa pensée, tels qu'il les éprouvait en creusant ces terribles questions de la grâce. Tantôt il s'irrite de ne pas voir clairement la vérité, de ne pouvoir la faire sortir aussi évidente en théologie qu'en mathématiques ; et puis il se reproche cette plainte, car il ne s'agit pas de bien résoudre un problème, mais d'être chrétien. Cependant, s'il ne faut pas adorer la doctrine, la vérité spéculative, s'il ne faut pas l'aimer plus que Dieu, encore moins faut-il préférer à ce Dieu le mensonge; c'est-à-dire que, pour échapper aux obscurités de la grâce, il ne faut pas la sacrifier, et se faire pélagien. Dans d'autres moments, Pascal se sent résigné aux ténèbres ; mais, par un autre orgueil, il voudrait que les ténèbres fussent complètes. Il est fâché, en quelque sorte, de trouver des raisons contre le pélagianisme; il voudrait se reposer dans l'anéantissement de sa raison, dans la soumission toute pure ; et fermer ses yeux, qui, en s'ouvrant, ne trouvent qu'une lumière traversée d'ombres :

Quæsivit..., lucem, ingemuitque reperta. Tel était le trouble de Pascal janseniste, et peut-être même, en certains moments plus rares , celui de Pascal chrétien. Voilà comme il le surprenait en lui-même, et voilà comme il l'étouffait.

« Tous les grands. » Copie. Manque dans P. R. 6 a La comédie. » C'est-à-dire le théâtre en général. Bossuet prend ce mot dans le même sens dans ses Marimes et réflexions sur la comédie. Tout le monde le prenait aiosi alors, comme on dit aujourd'hui même, les comédiens, en parlant de toute espèce d'acteurs, et comme on dit encore quelquefois, la comédie française. Pascal veut parler surtout des tragédies , car c'est où l'amour est le plus pur et le plus touchant.

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mour : principalement lorsqu'on le représente fort chaste et fort honnête. Car plus il paraît innocent aux âmes innocentes, plus elles sont capables d'en être touchées. Sa violence plaît à notre amour-propre, qui forme aussitôt un désir de causer les mêmes effets, que l'on voit si bien représentés; et l'on se fait en même temps une conscience fondée sur l'honnêteté des sentiments qu'on y voit, qui éteint la crainte des âmes pures , lesquelles s'imaginent que ce n'est pas blesser la pureté, d'aimer d'un amour qui leur semble si sage. Ainsi l'on s'en va de la comédie le cæur si rempli de toutes les beautés et de toutes les douceurs de l'amour, l'âme et l'esprit si persuadés de son innocence, qu'on est tout préparé à recevoir ses premières impressions, ou plutôt à chercher l'occasion de les faire naitre dans le cæur de quelqu'un, pour recevoir les mêmes plaisirs et les mêmes sacrifices que l'on a vus si bien dépeints dans la comédie.

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... Les opinions 2 reláchées plaisent tant aux hommes, qu'il est étrange que les leurs déplaisent.. C'est qu'ils ont excédé toute borne. Et, de plus, il y a bien des gens qui voient le vrai , et qui

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1 « Dans la comédie. » Pascal avait vu cela dans Corneille , qu'il a cité ailleurs encore au sujet de l'amour (vi, 43). Cette violence dans une passion honnête et chaste, ces douceurs qui sont en même temps des beautés, cette ardeur de sacrifices, ce plaisir orgieilleux de dominer dans un cæur, c'est bien l'amour comme le concevait Corneille, comme devait le sentir l'âme fière et forte de Pascal, et comme en effet il le figure dans le Discours sur les passions de l'amour. On n'en connaissait pas d'autre dans le monde distingué de ce temps, dans ce monde que Pascal avait traversé étant jeune, qui prétendait surtout à l'élévation du cæur et aux sentiments généreux, et voulait intéresser dans la passion la vertu même. Plus tard, quand Bossuet écrivait sur la comédie, tout était changé; Racine régnait au lieu de Corneille, et les esprits sévères qui condamnaient toute passion étaient moins frappés des dangers de l'orgueil que de ceux de la tendresse. Bossuet, qui ne connaissait pas le fragment de Pascal, a oublié dans ses réflexions, parmi tant de développements pleins de force, cet attrait si bien démêlé ici, le désir de causer les mêmes effets que l'on voit représentés, de recevoir les mêmes plaisirs et les mémes sacrifices. C'est peut-être le seul point qu'il n'ait pas touché dans son admirable écrit, car il faut bien l'avouer pour admirable, quoi que nous fasse souffrir la manière indigne dont Molière y est traité.

? « Les opinions. » 429. En titre, Montalte. Louis de Montalie est le nom sous lequel les Provinciales furent recueillies en un même volume. Cela suffit pour indiquer l'intention de ce fragment. Manque dans P. R.

3 a Déplaisent. » La Bruyère a dit au contraire (De la Chaire) : « La morale » douce et relâchée tombe avec celui qui la préche; elle n'a rien qui réveille, » et qui pique la curiosité d'un homme du monde, qui craint moins qu'on ne

pense » une doctrine sévère, et qui l'aime même dans celui qui fait son devoir en l'an» nonçant. »

n'y peuvent atteindre'. Mais il y en a peu qui ne sachent que la pureté de la religion est contraire à nos corruptions. Ridicule de dire qu'une récompense éternelle est offerte à des maurs escobar

tines 2.

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Le silence est la plus grande persécution : jamais les saints ne se sont tus. Il est vrai qu'il faut vocation, mais ce n'est pas des arrêts du Conseil qu'il faut apprendre si l'on est appelé, c'est de la nécessité de parler. Or, après que Rome a parlé, et qu'on pense 6 qu'elle a condamné la vérité, et qu'ils l'ont écrit '; et que les livres qui ont dit le contraire sont censurés, il faut crier d'autant plus haut qu'on est censuré plus injustement, et qu'on veut étouffer la parole plus violemment, jusqu'à ce qu'il vienne un pape qui écoute les deux parties, et qui consulte l'antiquité pour faire justice. Aussi, les bons papes trouveront encore l'Église en clameurs.

L'Inquisition et la Sociétéo, les deux fléaux de la vérité. ... Que ne les accusez-vous d'arianisme ? Car ils ont dit que ! « N'y peuvent atteindre. » Dans leur conduite.

« Escobartines. » Conformes aux principes équivoques d'Escobar. Sur Escobar, voir les Provinciales, et particulièrement les cinquième et sixième.

« Le silence. » 99. Manque dans P. R., ainsi que le fragment qui suit. Il n'y en a pas où éclate davantage la violence du combat au fort duquel Pascal est mort.

« Du Conseil. » Un arrêt du Conseil, du 1 2 août 1660, avait soumis à l'examen d'une commission d'évêques et de docteurs le livre intitulé, Ludovici Montaltii litteræ provinciales, etc., c'est-à-dire les Provinciales, mises en latin par Nicole, et accompagnées de notes et de dissertations. Cette traduction latine avait popularise les Provinciales, comme dit fort bien M. Sainte-Beuve, en les faisant lire hors de France même par tout le monde ecclésiastique et savant. Sur le rapport des commissaires, un autre arrêt, du 23 septembre, condamna le livre à être lacéré et brûlé par l'exécuteur de la haute justice, ce qui fut fait à Paris le 14 octobre suivant. 5 « Qu'on pense. » Qu'on pense généralement, que le gros du monde pense.

« Qu'elle a condamné. » Qu'il a, dans le manuscrit. En écrivant Rome, il avait dans la pensée le pape.

a Qu'ils l'ont écrit. » Les Jésuites. Il faut se rappeler, pour entendre Pascal , quelle était la tactique de son parti. On soutenait que le pape avait bien pu condamner avec autorité cinq propositions comme hérétiques, mais qu'il s'était trompé en donnant ces cinq propositions comme prises dans Jansénius; que la doctrine de Jansénius n'était que la pure doctrine de la grâce, la tradition de saint Augustin, enfin la vérité, laquelle n'avait pu être condamnée. Et quand les Jésuites écrivaient, avec le pape lui-même, que les propositions condamnées étaient bien celles de Jansenius, c'était écrire , suivant Pascal, que le pape avait condamné la vérité. Pascal lui-même désavoua plus tard cette tactique : voir la note 47 sur sa vie.

. « L'antiquité. » La tradition de saint Augustin et des Pères. 9 « L'Inquisition. » Voir plus loin.

« La Société. » Abréviation usitée pour la sociélé de Jésus.

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PENSÉES. Jésus-Christ est Dieu : peut-être ils l'entendent, non par nature, mais comme il est dit, Dii estis".

Si mes lettres 2 sont condamnées à Rome , ce que j'y condamne est condamné dans le ciel : Ad tuum, Domine Jesu, tribunal appello".

... Vous-même êtes corruptible 5.

... J'ai craint que je n'eusse mal écrit, me voyant condamné, mais l'exemple de tant de pieux écrits me fait croire au contraire. Il n'est plus permis de bien écrire, tant l'Inquisition est corrompue ou ignorante! ... Il est meilleur d'obéir à Dieu qu'aux hommes?.

Je ne crains rien , je n'espère rien'. Les évêques ne sont pas ainsi '. Le Port Royal craint, et c'est une mauvaise politique de les séparer?', car ils ne craindront plus, et se feront plus craindre".

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' « Dii estis. » Ps. LXXXI, 6, paroles de Dieu aux grands de la terre : « Vous » êtes des dieux, mais vous mourrez comme des hommes, » Pascal veut dire : Que n'accusez-vous aussi bien les jansénistes d'arianisme (que de ne pas croire à la présence réelle. Cf. xvi, 14, note 8)? Il est vrai qu'ils professent que Jésus-Christ est Dieu, mais peut-être qu'ils ne l'entendent que par figure. – C'est une ironie.

« Si mes Lettres, w 100. Il s'agit toujours des Provinciales. sa A Rome. » Par la congregation de l'Inquisition ou de l'Index, le 6 septembre 1657.

a Appello. » On sait que plus tard, les jansénistes, condamnés par la fameuse bulle Unigenitus, interjetèrent appel au futur conciie général. L'appel mystique de Pascal à Jésus-Christ mème est plus touchant.

« Corruptible. » Ces mots hardis s'adresse sans doute à la papauté elle-même. 6 « L'Inquisition. » L'Inquisition romaine, la congrégation de l'Index. Les décisions de ce tribunal n'étaient pas reçues en France, et n'y avaient pas force de loi.

a Qu'aux hommes. » C'est la réponse de Pierre et des siens au sanhédrin de Jérusalem, qui leur défend de précher au nom de Jésus : Obedire oportet Deo magis quam hominibus. Act. des Ap., V, 29.

8 a Je n'espère rien. » C'est-à-dire, je n'ai rien à craindre ni à espérer. Il développe cela dans la dix-septième Provinciale : « Je n'espère rien du monde, je n'en o appréhende rien, je n'en veux rien ; je n'ai besoin , par la grâce de Dieu , ni du » bien , ni de l'autorité de personne. Ainsi , mon père, j'échappe à toutes vos » prises. Vous ne me sauriez prendre, de quelque côté que vous le tentiez. Vous » pouvez bien toucher le Port Royal, mais non pas moi, » etc.

« Pas ainsi. » Pascal explique par la comment les évêques, ou du moins la majorité des évêques, ont accepté le formulaire. Ils ont cédé à l'influence de la cour.

« De les séparer. » On avait commencé par fermer les petites écoles de Port Royal des Champs, et par disperser les solitaires qui étaient réunis dans cette maison. On en vint ensuite à frapper le monastère même des religieuses de Port Royal.

11 a Se feront plus craindre. » Le manuscrit ajoute encore : « Je ne crains pas » même vos censures... [illisible], si elles ne sont fondées sur celles de la tradition. » Censurez-vous tout? quoi ? même mon respect ? Non. Donc dites quoi, ou vous ne » ferez rien, si vous ne désignez le mal, et pourquoi il est mal. Et c'est ce qu'ils » auraient bien peine à faire. »

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