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59.

Il faut se connaître soi-même : quand cela ne servirait pas à trouver le vrai?, cela au moins sert à régler sa vie, et il n'y a rien de plus juste“.

60. Quand notre passion nous porte à faire quelque chose, nous oublions notre devoir. Comme on aime un livre on le lit, lorsqu'on devrait faire autre chose. Mais pour s'en souvenir', il faut se proposer de faire quelque chose qu'on hait; et lors on s'excuse sur ce qu'on a autre chose à faire, et on se souvient de son devoir par ce moyen'.

61. Que je hais ceux qui font les douteurs de miracles! Montaigne en parle comme il faut dans les deux endroits. On voit en l'un combien il est prudent', et néanmoins il croit en l'autre 10 et se moque des incrédules.

1 Il faut se connaitre. » 75. C'est le célèbre principe de la philosophie grecque,

Γνώθι σαυτόν.

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« Trouver le vrai. » Comme les philosophes en ont la prétention.

« Régler sa vie. » Mais comment peut-on régler sa vie si on n'a pas une vé. rité pour servir de règle? Pascal essayait-il donc, comme Kant l'a fait depuis, de séparer la raison pratique et la raison pure ? Il se montre ailleurs plus conséquent et plus absolu, il pense que l'homme n'a que faire de la science de l'homme non plus que de toute autre science (v1, 23). • « De plus juste. » Que de prétendre à régler sa vie.

« Quand notre passion. » 103.

« Pour s'en souvenir. » De son devoir, comme si la phrase, Comme on aime un livre, était entre parenthèses.

« Par ce moyen. » Pour s'analyser si bien, il ne faut pas seulement, je crois , être un observateur très-fin ; il faut encore avoir une conscience très-scrupuleuse, qui fait la chasse aux mauvaises pensées obstinément.

« Que je hais ceux. » 453. En titre, Miracles.

« Prudent. » C'est-à-dire circonspect, ne croyant pas légèrement. Voir le chapitre 4 l du livre III des Essais.

« En l'autre. » Voir le chapitre 26 du premier livre. On lit encore à la page 449 du manuscrit : « Montagne contre les miracles. Montagne pour les miv racles. » La contradiction entre les deux chapitres est en effet si frappante que je doute qu'on puisse les accorder entre eux comme le veut Pascal, et supposer que l'un ne fait que compléter l'autre. Je crois que la vraie pensée de Montaigne est plutôt au livre III, qui n'a été fait qu'assez longtemps après les deux autres, et où Montaigne s'est ouvert davantage, enhardi par l'âge et surtout par le succès. Et c'est là en effet que les auteurs de la Logique de Port Royal l'ont cherché (Logique, quatrième partie, chap. 13). C'est là qu'il parait, non pas seulement prudent, mais tout à fait rebelle et indocile au sujet du merveilleux, sauf quelques réserves suggérées par une autre espèce de prudence , qui n'est pas celle dont Pascal le loue;

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62.

Quand on veut poursuivre les vertus jusqu'aux extrêmes de part et d'autre, il se présente des vices qui s'y insinuent insensiblement, dans leurs routes insensibles, du côté du petit infini2; et il s'en présente, des vices, en foule du côté du grand infini, de sorte qu'on se perd dans les vices, et on ne voit plus les vertus'.

63.

La théologie est une science, mais en même temps combien estce de sciences! Un homme est un suppôt : mais si on l'anatomise, sera-ce la tête, le cœur, l'estomac, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du sang?

Une ville, une campagne, de loin est une ville et une campagne ;

prudence de politique, non de philosophe. Au chapitre 26 du livre premier il montre une foi plus complaisante, qu'on peut expliquer, je crois, par deux choses. D'abord il est entraîné par sa thèse de prédilection, je veux dire le pyrrhonisme : où est la distinction, pour un sceptique qui ne sait rien, entre la nature et le surnaturel, entre le raisonnable et l'irraisonnable? il est crédule à force d'être douteur (voir sur cette logique le paragraphe XXIV, 24 des Pensées, et la note 7 sur ce paragraphe). Ensuite et surtout, l'hérésie protestante, qu'il n'aime pas comme politique, lui a fait voir le danger d'appliquer l'esprit de critique à certaines matières. « Car >> aprez que selon votre bel entendement, vous avez estably les limites de la verité et >> de la mensonge, et qu'il se trouve que vous avez necessairement à croire des >> choses où il y a encores plus d'estrangeté qu'en ce que vous niez, vous vous >> estes desia obligé de les abandonner... Ou il fault se soubmettre du tout à l'auc»torité de nostre police ecclesiastique, ou du tout s'en dispenser: ce n'est pas à »> nous à establir la part que nous lui debvons d'obeïssance. » J'imagine que Pascal n'acceptait pas de Montaigne un principe aussi contraire aux prétentions du jansénisme; mais je me figure aussi que Montaigne n'eût pas aisément accepté de Pascal le miracle de la Sainte Epine, en faveur duquel le champion des saints de Port Royal invoque ici son autorité profane.

1 « Quand on veut. » 427.

2 >> Du petit infini. » Il faut se rappeler ce principe dominant de la philosophie de Pascal, que tout dans la nature est placé entre deux infinis, l'un de petitesse, l'autre de grandeur (voir I, 4). Il applique cela maintenant aux choses morales. Soit par exemple le courage au-dessous de cette vertu, et à mesure qu'elle diminue, il y a la trop grande prudence, la faiblesse, la pusillanimité, la poltronnerie, la lâcheté, et ainsi à l'infini, en décroissant; c'est le petit infini. Au-dessus, ou au delà, il y a la trop grande hardiesse, la témérité, l'emportement, l'extravagance; c'est le côté du grand infini.

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« Les vertus. En marge: « On se prend à la perfection même. » C'est-àdire sans doute qu'on peut attaquer la perfection même, la perfection humaine du moins, en la faisant voir qui penche toujours vers l'un ou vers l'autre extrême.

«La théologie. » 73. En titre, Diversité. C'est encore pour montrer qu'on retrouve l'infini partout. Cf. I, 1, page 5.

« Un suppôt. » Expression de l'école : Un homme est un sujet, une unité pour la pensée.

« Sera-ce la tête. » Qui sera l'élément, l'unité?

mais à mesure qu'on s'approche, ce sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes', des fourmis, des jambes de fourmi, à l'infini. Tout cela s'enveloppe sous le nom de campagne 2.

64.

Deux sortes' de gens égalent les choses, comme les fêtes aux jours ouvriers, les chrétiens aux prêtres, tous les péchés entre eux, etc. Et de là les uns concluent que ce qui est donc mal aux prêtres l'est aussi aux chrétiens; et les autres, que ce qui n'est pas mal aux chrétiens est permis aux prêtres.

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La nature s'imite'. Une graine, jetée en bonne terre, produit. Un principe, jeté dans un bon esprit, produit. Les nombres imitent l'espace, qui sont de nature si différente. Tout est fait et conduit par un même maître : la racine, la branche, les fruits; les principes, les conséquences.

1 « Des herbes. Voir le paragraphe 3.

2 « De campagne. » On lit encore page 110 du manuscrit : « La diversité est » si ample, que tous les tons de voix, tous les marchers, toussers, mouchers, éter>> nuers... On distingue des fruits les raisins, et entre ceux-là les muscats, et » puis Coindrieu [sic], et puis Dezargues [?], et puis... [illisible]. Est-ce tout? en » a-t-elle jamais produit deux grappes pareilles? et une grappe a-t-elle deux grains >> pareils? etc.

» Je n'ai jamais jugé d'une même chose exactement de même. Je ne puis juger » de mon ouvrage en le faisant; il faut que je fasse comme les peintres, et que je » m'en éloigne; mais non pas trop de combien donc? Devinez. [Cf. 111, 2.] »

3 « Deux sortes. »> 486. Les jansénistes n'inclinaient-ils pas vers l'un des deux excès que signale ici Pascal, et leurs adversaires vers l'autre excès?

4 « Aux prêtres. » Il aurait pu dire également : Les uns concluent que ce qui est défendu les jours de fête, est défendu les jours ouvriers; et les autres, que ce qui est permis aux jours ouvriers l'est aussi aux jours de fête? etc.

5 La nature s'imite. » 435. Voir le paragraphe 9.

6 « Qui sont. » Les nombres, qui sont d'une nature si différente de celle de l'espace. Ils l'imitent pourtant, en ce que, comme l'espace, ils s'ajoutent à l'infini et se divisent à l'infini; en ce que les lignes géométriques se mesurent par les nombres simples ou à la première puissance, les surfaces se mesurent par la seconde puissance des nombres, et les solides, par la troisième. C'est du principe énoncé ici qu'est née toute une science, l'application de l'algèbre à la géométrie, où on voit la loi d'un lieu géométrique exprimée par une équation. Mais en quoi les nombres et l'espace sont-ils de nature si différente? Sont-ce des choses réellement existantes, et qui aient une nature? Le nombre est en général l'expression d'un rapport de quantité ; et la première et la plus sensible des quantités n'est-elle pas l'étendue? Ce qu'il y a de vrai et de profond, ici et au paragraphe 9, c'est que dans le monde physique comme dans le monde moral tout se tient, tout est un; la nature est un continu sans solution.

66.

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L'admiration' gåte tout dès l'enfance. Ohl que cela est bien dit ! qu'il a bien fait! qu'il est sagel etc. Les enfants de Port-Royal, auxquels on ne donne point cet aiguillon d'envie et de gloire, tombent dans la nonchalance?.

67. L'expérience nous fait voir une différence énorme entre la dévotion et la bonté.

68. Quel déréglement de jugement, par lequel il n'y a personne qui ne se mette au-dessus de tout le reste du monde, et qui n'aime mieux son propre bien, et la durée de son bonheur et de sa vie que celle de tout le reste du monde !

69. On aime à voir l'erreur, la passion de Cléobuline, parce qu'elle ne la connait pas. Elle déplairait, si elle n'était trompée.

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I « L'admiration. » 69. En titre, La gloire.

« La nonchalance. » Voir, pour le commentaire de ce fragment, Sainte-Beuve, t. 111, Ecoles de Port Royal , page 406. Voir aussi , page 402, ce passage des Mémoires de Fontaine : « Quand il y avait quelque bien dans quelqu'un de ces enfants, » il (M. de Saci) me conseillait toujours de n'en point parler, et d'étouffer cela » dans le secret. » Quintilien au contraire : « Je veux un enfant que la louange » excite, qui aime la gloire, qui pleure d'étre vaincu (1, 3). » Quintilien prépare un artiste en éloquence, et Saci un solitaire. Si nous voulons un honnéle homme, suivons la nature en la tempérant.

3 a L'expérience. » 412. Les célèbres tirades de Célimène et de Cléante dans Molière sont là en germe (Misanthrope, III, 5; Tartuse, I, 6).

Quel déréglement. » Ce fragment, qu'on a déjà vu sous le numéro 2, est ré. pété ici par erreur.

a On aime à voir, » etc. 444. Un roman intitulé : Cléobuline, ou la reuve inconnue, avait paru en 1658; je ne l'ai pas lu, mais la Cléobuline de Pascal n'est pas celle-là. Un mot de madame de Sévigné nous met sur la voie. Elle écrit à sa fille, en lui parlant d'une madame des Pennes, qui a été aimable comme un ange : « Mademoiselle de Scudéri l'adorait; c'était la princesse Cléobuline (c'est-à-dire o c'était elle que mademoiselle de Scudéri avait représentée dans la princesse Cléo» buline); elle avait un prince Thrasybule en ce temps-là; c'est la plus jolie his» toire de Cyrus [13 mai 1671 ). » Cléobuline, princesse , puis reine de Corinthe, figure en divers endroits dans Artamène, ou le grand Cyrus. Mais on trouvera para ticulièrement l'histoire de sa passion au livre second de la septième partie. Elle est amoureuse d'un de ses sujets, Myrinthe, qui n'est pas même Corinthien d'origine ; mais a elle l'aimait sans penser l'aimer, et elle fut si longtemps dans cette erreur » que cette affection ne fut plus en état d'être surmontée lorsqu'elle s'en aperçut. » Toute cette bistoire, beaucoup moins charmante aujourd'hui qu'elle ne le semblait alors ( ainsi que le roman tout entier), ne parait pas cependant indigne d'avoir in

8 « Trompée. » Trompée par elle-même, se trompant elle-même.

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70. Prince à un roi' plait, parce qu'il diminue sa qualité.

71. On ne s'ennuie point? de manger et dormir tous les jours, car la faim renait, et le sommeil : sans cela on s'en ennuierait. Ainsi, sans la faim des choses spirituelles, on s'en ennuie. Faim de la justice; béatitude huitième.

72. Il n'y a que deux sortes d'hommes : les uns justes, qui se croient pécheurs; les autres pécheurs, qui se croient justes.

73. Il n'est pas bon • d'être trop libre. Il n'est pas bon d'avoir tout le nécessaire.

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téressé madame de Sévigné et Pascal (a). On sait d'ailleurs que mademoiselle de Scudéri était en très bons termes avec MM. de Port Royal, qu'elle avait Nattés dans la Clélie : cf. Sainte-Beuve, t. 11, page 259 et suivantes. Mais quand on a lu le fragment de Pascal, on est un peu étonné de voir la manière dont il s'exprimait à la fin de la quinzième Provinciale : « Que doit-on répondre de même à tous les dis» cours vagues de cette sorte qui sont dans vos livres, et dans vos avertissements » sur mes le:tres, par exemple.... que je suis aussi pensionnaire de Port-Royal, et » que je faisais des romans avant mes lettres, moi qui n'en ai jamais lu aucun, v etc. Il faut bien avouer qu'il y a ici quelque chose de cet entrainement oratoire, que les amis nomment hyperbole, et que les ennemis appellent mensonge. Pascal avait lu au moins le Cyrus.

", Prince à un roi. » 441. Le sens naturel de cette phrase, qui est que le prince diminue la qualité du roi, ne parait pas satisfaisant. Cela pourrait se dire, à la rigueur, mais qu'y a-t-il là qui puisse plaire au roi ? Je pense donc qu'il faut rapporter il au roi, et sa au prince. Le roi diminue, par sa grandeur incomparable, la grandeur du prince; il le met presque de niveau avec le reste des sujets, et cela même est une jouissance pour son orgueil.

Mais aujourd'hui, seigneur, que ses yeux dessillés...
Verront autour de vous les rois sans via tème,
Inconnus dans la foule, et son amant lui-même,
Attachés sur vos yeux, s'honorer d'un regard
Que vous aurez sur eux fait tomber par hasard....

| Britannicus, II, 2.) ? « On ne s'ennuie point. » 104. Le sermon sur la montagne (Malth., v, 1) s'ouvre par ce qu'on appelle les neuf beatitudes : « Bienheureux les pauvres d'esprit, parce » que le roy: ume des cieux est à eux. Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils » posséderont la terre, » etc. La huitième est celle-ci : « Heureux ceux qui souffrent » persécution pour la justice, car le royaume des cieux est à eux. » Il pouvait citer aussi la quatrième : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront » rassasiés. »

3«ll n'y a. » 142.
4 « Il n'est pas bon. » 67.

(a) Remarquons seulement, au sujet du passage de madame de Sévigné, qu'elle mêle un peu ses souvenirs, et que le prince Thrasybule, qui est aussi un des héros de Cyrus, n'y est pas l'amant de Cléobuline. L'histoire de ses amours avec la belle Alcionide se trouve dans la troisième partie, au livre III,

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