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37. La tyrannie'. Consiste au désir de domination universelle et hors de son ordre.

Diverses chambres?, de forts, de beaux, de bons esprits, de pieux, dont chacun règne chez soi, non ailleurs. Et quelquefois ils se rencontrent; et le fort et le beau se battent sottement à qui sera le maitre l'un de l'autre; car leur maîtrise est de divers genre. Ils ne s'entendent pas, et leur faute est de vouloir régner partout. Rien ne le peut, non pas même la force : elle ne fait rien au royaume des savants; elle n'est maitresse que des actions extérieures.

38. Ferox gens, nullam esse vitam: sine armis rati. Ils aiment mieux la mort que la paix; les autres aiment mieux la mort que la guerre. Toute opinion peut être préférable à la vie, dont l'amour paraît si fort et si naturel.

39. Qu'il est difficile de proposer une chose au jugement d'un autre, sans corrompre son jugement par la manière de la lui proposer! Si on dit : Je le trouve beau’, Je le trouve obscur, ou autre chose semblable, on entraîne l'imagination à ce jugement, ou on l'irrite au contraire. Il vaut mieux ne rien dire; et alors il juge selon ce qu'il est'', c'est-à-dire selon ce qu'il est alors, et selon que " les autres

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a La tyrannie. » 67. P. R., XXIX (le titre et la phrase qui suit manquent). Voir le paragraphe 10.

« Diverses chambres. » C'est-à-dire, comme a mis P. R, : Diverses classes.

« Car leur maitrise. » Ce car se rapporte au mot sottement, comme s'il y avait, je dis soltement, car, etc.

« Elle ne sait rien. » Pascal pense peut-être à la condamnation d'Arnauld, laquelle ne faisait pas qu'il eût tort.

5 « Ferox gens, nullam esse vitam. » 83. P. R., xxix. Montaigne, I, 40, p. 163 : « Caton, consul, pour s'asseurer d'aulcunes villes en Espaigne, ayant seuS lement interdict aux habitants d'icelles de porter les armes, grand nombre se » tuerent : Feror gens, » etc. (Tit. Liv., XXXIV, 17.) « Nation farouche, ils ne » croyaient pas que ce fut vivre que de vivre désarmés. »

a Qu'il est difficile de proposer. » 134. P. R., XXIX.
« Je le trouve beau. » Je trouve cela beau serait plus régulier.
« Ou on l'irrite. » De même au paragraphe 54, ou on entraine ou on irrile.

« Et alors il juge. » Il, c'est-à-dire cet autre, celui à qui on a proposé la chose.

« Selon ce qu'il est. » C'est-à-dire selon ce que la chose est. I, c'est ce dont on a dit : Je le trouve beau. Il est neutre aussi bien que le.

« Et selon que. » Il faudrait, et selon ce que.

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circonstances dont on n'est pas auteur y auront mis“; mais au moins on n'y aura rien mis; si ce n'est que ce silence ne fasse aussi son effet, selon le tour et l'interprétation qu'il sera en humeur de lui donner?, ou selon qu'il le conjecturera des mouvements et air du visage, ou du ton de la voix, selon qu'il sera physionomiste : tant il est difficile: de ne point démonter un jugement de son assiette naturelle, ou plutôt tant il en a peu de fermes et stables!

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Montaigne a tort 5 : la coutume ne doit être suivie que parce qu'elle est coutume, et non parce qu'elle soit 6 raisonnable ou juste?; mais le peuple la suit par cette seule raison qu'il la croit juste : sinon, il ne la suivrait plus, quoiqu'elle fût coutume; car on ne veut être assujetti' qu'à la raison ou à la justice. La coutume, sans cela, passerait pour tyrannie; mais l'empire de la raison

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1 « Y auront mis. » Cet y fait suite à il et à le. P. R. met : selon que les autres circonstances l'auront disposé, et etface le membre de phrase qui suit. Il semble que P. R. a cru que il était au masculin, et se rapportait à celui qui juge.

? « De lui donner. » Incorrect. I1, c'est encore celui qui juge.

3 « Tant il est difficile. » P. R.: tant il est aisé de démonter. Mais le tour négatif dit bien plus que l'autre, et fait mieux sentir que l'erreur est inévitable. Il est aisé de tomber n'exprime pas à beaucoup prés autant que si on dit, Il est difficile de ne pas lomber.

a Tant il en a peu. » P. R., lant il y en a peu; ce qui ne se rapporterait plus à l'assielle, mais au jugement.

Montaigne a tort. » 134. Manque dans P. R. Avant M. Cousin, les éditions donnaient au contraire : Montaigne a raison. On avait changé le texte faute de le comprendre. Ce que Pascal reproche à Montaigne, ce n'est pas d'avoir dit que la coutume ne doit être suivie que parce qu'elle est coutume; en ce point il est de son avis : c'est d'avoir cru que le peuple ou la foule la suit pour cela, tandis qu'elle la suit parce qu'elle la croit juste. Montaigne disait en effet : « Les loix se maintien» nent en credit , non parce qu'elles sont justes, mais parce qu'elles sont loix » (voir son texte dans la note sur le paragraphe 111, 8). Cependant Montaigne pensait' réellement comme Pascal, puisqu'il ajoute que c'est là le fondement mystique de leur autorité ; il ne parle pas du fondement qu'elles ont dans l'opinion.

o « Parce qu'elle soit. » Ce subjonctif exprime une nuance différente de celle qu'exprimerait l'indicatif, mais il n'est pas régulier.

1 « Raisonnable ou juste. » Les éditeurs ajoutent par scrupule : « Cela s'entend » toujours de ce qui n'est point contraire au droit naturel ou divin. » Pascal reconnait bien un droit divin, ou plutôt une volonté de Dieu, qui est la loi, mais il ne reconnait pas de droit naturel. Voir III, 8. $ « Mais le peuple. » Le vulgaire.

« On ne veut être assujetti. » Pascal est ici da la vérité, cette vérité cor damne son pyrrhonisme.

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et de la justice n'est non plus tyrannique que celui de la délectation' : ce sont les principes naturels à l'homme.

Il serait donc bon? qu'on obéit aux lois et coutumes, parce qu'elles sont lois; qu'il sûté qu'il n'y en a aucune vraie et juste à introduire; que nous n'y connaissons rien, et qu'ainsi il faut seulement suivre les reçues : par ce moyen on ne les quitterait jamais 4. Mais le peuple n'est pas susceptible de cette doctrine; et ainsi, comme il croit que la vérité se peut trouver, et qu'elle est dans les lois et coutumes, il les croit, et prend leur antiquité comme une preuve de leur vérité, et non de leur seule autorité sans vérité. Ainsi il y obéit; mais il est sujet à se révolter dès qu'on lui montre qu'elles ne valent rien; ce qui se peut faire voir de toutes", en les regardant d'un certain côté.

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Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes ; car il n'obéit qu'à cause qu'il les croit justes. C'est pourquoi il lui faut dire en même temps qu'il y faut obéir parce qu'elles sont lois, comme il faut obéir aux supérieurs, non parce qu'ils sont justes', mais parce qu'ils sont supérieurs. Par là voilà toute sédition prévenue, si on peut faire entendre cela, et ce que c'est proprement que la définition de la justice.

41. La science des choses extérieures ne me consolera pas de l'i

« De la délectation. » C'est-à-dire on cède à la raison et à la justice, non pas peut-être aussi volontiers, mais aussi volontairement qu'on cède au plaisir.

« Il serait donc bon. » Quelle étrange conséquence tirée de ces belles vérités !

« Qu'il sůt. Sans doute le peuple. • « On ne les quitterait jamais. » Pascal oubliait que, d'après une telle doctrine, le monde ne serait jamais devenu chrétien. Il veut rendre les révolutions impossibles, mais à quel prix! Faut-il, parce que la parfaite justice n'est qu'un idéal, accepter ce qu'il y a de plus absurde ou de plus odieux comme une loi éternelle?

5 a Faire voir de toutes. » A la bonne heure, mais toutes cependant ne sont pas mauvaises au même degré.

6 all est dangereux. » 70. En titre, Injustice. Manque dans P. R.

? « Non parce qu'ils sont justes. » Ainsi Pascal essayait d'étouffer dans une négation désespérée des droits de la conscience cette révolte de l'esprit moderne, qui devait aboutir au renouvellement du monde, et que lui-même sans doute sentait couver en lui. Trop absolu pour être révolutionnaire à moitié, impuissant à l'étre tout à fait, ne pouvant ni avouer que ce qui régnait fut la justice, ni songer même à établir la justice à la place de ce qui régnait, il voulait se forcer à se passer d'elle. Cependant, quand il se voyait persécuté avec ses amis par ce que l'esprit du passé a jamais eu de plus mauvais, sa raison ne pouvait se soumettre; et il protestait contre la force au nom de la vérité. Voir xxiv, 66, et ailleurs.

8 « La science des choses extérieures. 81. En titre, Vanité des sciences. P. R., XXVIII.

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gnorance de la morale au temps d'affliction; mais la science des mæurs me consolera toujours de l'ignorance des sciences extérieures.

42. Le temps guérit les douleurs : et les querelles, parce qu'on change, on n'est plus la même personne. Ni l'offensant, ni l'offensé, ne sont plus eux-mêmes. C'est comme un peuple qu'on a irrité, et qu'on reverrait après deux générations. Ce sont encore les Français, mais non les mêmes.

43.

Condition de l'homme : inconstance, ennui, inquiétude.

Qui voudra connaître à plein“ la vanité de l'homme n'a qu'à considérer les causes et les effets de l'amour. La cause en est « un

je ne sais quoi » (CORNEILLE'); et les effets en sont effroyables. Ce je ne sais quoi, si peu de chose qu'on ne peut le reconnaître, remue toute la terre, les princes, les armées, le monde entier. Le nez de Cléopâtre', s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.

44. César était trop vieil', ce me semble, pour s'aller amuser à con

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« Le temps guérit les douleurs. » 381. P. R., XXIX.

« Deux générations. » C'est la distance entre les guerres de la Ligue et le temps où Pascal écrivait, sous la royauté paisible et déjà triomphante de Louis XIV.

3 « Condition de l'homme. » 79. Manque dans P. R.
4 « Qui voudra connaître à plein. » 487. Manque dans P. R.

« La vanité. » C'est-à-dire le néant, le vide, comme on l'a déjà vu en plusieurs endroits.

« Et les effets de l'amour. » Voir le Discours sur les passions de l'amour.
« Un je ne sais quoi. (Corneille). » Rodogune, I, 5 :

Il est des næuds secrets, il est des sympathies,

Dont par le doux rapport
(c'est-à-dire par le doux rapport desquelles)

Dont par le doux rapport les âmes assorties
S'attachent l'une à l'autre , et se laisserit piquer

Par ces je ne sais quoi qu'on ne peut expliquer.
De même dans Médée, II, 6 :

Souvent je ne sais quoi qu'on ne peut exprimer

Nous surprend , nous emporte, et nous force d'aimer.
Le fond de cette pensée se retrouve plusieurs fois dans Corneille.

« Le nez de Cléopâtre. v P. R. a mis : Si le nez de Cléopâtre eút été, etc.; mais ce tour régulier est trop grave pour cette boutade.

9 « César était trop vieil. » 21. P. R. XXX1. Montaigne, II, 34, p. 52 : « Je le

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quérir le monde. Cet amusement était bon à Auguste' ou à Alexandre; c'étaient des jeunes gens, qu'il est difficile d'arrêter; mais César devait être plus mûr.

45.

Le sentiment de la fausseté? des plaisirs présents, et l'ignorance de la vanité des plaisirs absents, causent l'inconstance.

46.

L'éloquence continue ennuie.

Les princes et rois jouent quelquefois. Ils ne sont pas toujours sur leurs trônes; ils s'y ennuient. La grandeur a besoin d'être quittée pour être sentie. La continuité dégoûte en tout. Le froid est agréable pour se chauffer“.

47.

Mon humeurs ne dépend guère du temps : j'ai mes brouillards et mon beau temps au dedans de moi 6. Le bien et le mal de mes

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» trouve un peu plus retenu et consideré en ses entreprinses qu'Alexandre, car » cettuy-ci semble rechercher et courir à force les dangiers... i aussi estoit-il em» besongné en la fleur et premiere chaleur de son aage, là où Cesar s'y print estant » desia meur et bien advancé. » - La Bruyère u'est pas de l'avis de Pascal : « César n'était point trop vieux pour penser à la conquête de l'univers : il n'avait » point d'autre béatitude à se faire que le cours d'une belle vie, et un grand nom » après sa mort : né fier, ambitieux, et se portant bien comme il faisait, il ne pou» vait mieux employer son temps qu'à conquérir le monde. Alexandre était bien » jeune pour un dessein si sérieux : il est étonnant que dans ce premier âge les » femmes ou le vin n'aient plus tôt rompu son entreprise. » (Des jugements.) La Bruyère ajoute en note : « Voyez les Pensées de M. Pascal, où il dit le contraire. »

« Auguste. » Supprimé dans P. R., probablement parce qu'Auguste n'a pas été ce qu'on appelle un conquérant : mais il n'avait que vingt ans quand il partagea avec Antoine et Lépide la domination de l'empire romain, qui était l'empire du monde ; il n'en avait que trente-deux quand, par la bataille d'Actium, il resta seul maitre de tout.

« Le sentiment de la fausseté. » 65. P. R., XXXI.

« L'éloquence continue. » 251. P. R. (XXXI) donne seulement : Les princes et les rois jusqu'à pour étre sentie. A-t-on craint que la premiere phrase ne blessât quelque illustre du parti, trop continuellement éloquent?

« Pour se chauffer. » C'est-à-dire, fait qu'on a du plaisir à se chauffer. 5 « Mon humeur. » 127. Manque dans P. R. Avant cet alinéa, on lit dans le manuscrit : « Lustravit lampade terras. Le temps et mes humeurs ont peu de liaison. » Pascal répond ici à ce passage de Montaigne, Apol., 254 : « L'air mesme et la » serenité du ciel nous apporte quelque mutation, comme dit ce vers grec en » Cicero : Tales sunt hominum mentes quali pater ipse Jupiter auctifera lustravit v lampade terras. » [Vers traduits de l'Odyssée, 5, 135, et conservés par saint Augustin, de Civitate Dei, V, 8.]

« Au dedans de moi. » Qui n'a senti par expérience la justesse de cette image !

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