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affaires mêmes y font peu : je m'efforce quelquefois de moi-même contre la fortune; la gloire de la dompter me la fait dompter gaiement; au lieu que je fais quelquefois le dégoûté dans la bonne fortune.

48.

En écrivant ma pensée, elle m'échappe quelquefois; mais cela me fait souvenir de ma faiblesse, que j'oublie à toute heure ?; ce qui m'instruit autant que ma pensée oubliée, car je ne tends qu'à connaître mon néant.

49.

C'est une plaisante chose à considérer •, de ce qu'il y a des gens

4 dans le monde qui, ayant renoncé à toutes les lois de Dieu et de la nature, s'en sont fait eux-mêmes auxquelles ils obéissent exactement, comme, par exemple, les soldats de Mahomet", les voleurs, les hérétiques, etc. Et ainsi les logiciens .... Il semble que leur li

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Ecoutez Phèdre, dans Racine, opposant à sa passion coupable le bonheur d'un amour pur :

Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux. Cependant, en général, Montaigne a raison ; et s'il était vrai que Pascal ne ressentit guère, dans son humeur, ni l'influence du temps, ni même celle de la bonne ou de la mauvaise fortune, rien ne témoignerait davantage quelle étonnante force de pensée et d'abstraction il y avait dans l'esprit de Pascal.

« En écrivant ma pensée. » 437. P. R. XXVIII. On lit ailleurs, dans le manuscrit, p. 442, cette phrase barrée : « Pensée échappée. Je la voulais écrire :

j'écris, au lieu , qu'elle m'est échappée. » Au lieu, c'est-à-dire au lieu de cela; il faut mettre ces mots entre deux virgules. Que d'imprévu dans cette réflexion, et que de profondeur i

? « A toute heure. » Ces mots font une belle antithèse avec ce qu'il a dit de sa pensée, qu'elle lui échappe quelquefois.

« C'est une plaisante chose à considérer. » 157. P. R., XXXI. Cf. Montaigne, III, 9, p. 476.

« De ce qu'il y a. » Ce de explétif ne serait pas correct aujourd'hui.

« Les soldats de Mahomet. » P. R. écrit seulement comme , par exemple, les voleurs, etc. Ainsi Pascal mettait intrépidement sur la même ligne les hérétiques et les voleurs; et les hommes qui n'étaient pas de sa croyance lui paraissaient des gens, comme on dit, sans foi ni loi, qui s'écartaient de l'ordre même de la nature. Un Turc à ses yeux est à peine un homme. Voyez cette gradation dans les Provinciales : « Sont-ce des religieux et des prêtres qui parlent de cette sorte ? Sont-ce > des chrétiens ? sont-ce des Turcs ? Sont-ce des hommes ? sont-ce des démons?...) (Lettre 4 4.) Cf. xxiv, 16.

© « Et ainsi les logiciens. » Ces mots et la phrase qui suit manquent dans les anciens éditeurs. Nous avons mis des points de suspension parce que nous pensons que le sens n'est pas achevé, et que Pascal veut dire qu'ainsi les logiciens se mécomptent, que leur logique est mise en défaut. Leur licence se rapporte à tous ces gens dont Pascal a parlé.

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cence doive être sans aucune borne ni barrière, voyant qu'ils en ont franchi tant de si justes et de si saintes.

50. Ce chien est à moi", disaient ces pauvres enfants; c'est là ma place au soleil. Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre.

51. a Vous avez mauvaise grâce ?, excusez-moi, s'il vous plait. » Sans cette excuse, je n'eusse pas aperçu qu'il y eût d'injure. « Révérence parler :... ) Il n'y a rien de mauvais que leur excuse. »

52.

On ne s'imagine Platon et Aristote* qu'avec de grandes ro

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« Ce chien est à moi. » 73. P. R., XXXI. En titre dans le manuscrit : Mien, lien. L'effrayante bardiesse de cette pensée a été relevée par l'auteur du Génie du Christianisme dans le chapitre sur Pascal (troisième partie, liv. II, chapitre 6). Il a raison de dire que Rousseau, en s'en inspirant, ne l'a pas égalée : « Le premier » qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, fut le vrai fondateur o de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et » d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou » comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur; » vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est » à personne. » Rousseau fait bien moins peur, en criant et en s'agitant, que Pascal dans son analyse froide et méprisante. L'un s'indigne contre l'usurpation et la menace. Il appelle sur ceux qui possèdent toutes les colères qui ont si fort éclaté depuis; l'autre n'a point de colère contre les possesseurs, il ne les voit pas, il ne voit que ces pauvres enfants qu'il prend en pitié. « Et voilà , dit encore le Génie du » Christianisme, une de ces pensées qui font trembler pour Pascal. Quel ne fût point » devenu ce grand homme, s'il n'avait été chrétien ? » On se demande comment les éditeurs de P. R. ont osé conserver un tel passage; n'en auraient-ils pas compris toute la portée, que nous sentons si bien aujourd'hui ? Cependant ne nous troublons pas : des esprits bien lumineux ont porté du jour dans ces ténèbres où le lien et le mien ont leurs origines; ils ont montré que l'bomme s'approprie les choses en mettant dans les choses une part de lui-même qui les fait siennes, son activité libre et son travail. Oui, ce chien peut être à cet enfant, si cet enfant s'est fait suivre de ce chien, s'il l'a apprivoisé et dressé. Cette place au soleil sera bien sa place, si c'est lui qui l'a trouvée, ménagée, rendue commode, ou si ses camarades la lui défèrent un jour qu'il se sera battu pour eux. Ce n'est pas dans une note que nous pouvons creuser ces problèmes; mais tant qu'on dira toi et moi, nous croyons qu'il faudra dire aussi lien et mien. Qui veut supprimer la propriété devra supprimer la personne. Cf. III, 12; vi, 7; et, à la suite de la Vie de Pascal, son Entretien avec M. de Roannez.

? « Vous avez mauvaise grâce, » 251. Manque dans P. R. Cf. 54.

3 « Révérence parler. » Locution dont on se sert quand on parle « de quelque chose » dont on craint que l'idée ou l'expression ne blesse. » Dict. de l'Académie. - Qui s'excuse s'accuse, dit un proverbe italien.

a On ne s'imagine Platon et Aristote. » 137. P. R., xxxi. Cette pensée est écrite dans l'original à la suite du paragraphe v, 1. — Méré, Discours de la Con

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bes? de pédants. C'étaient des gens honnêtes ? et comme les autres, riant avec leurs amis : et quand ils se sont divertis à faire leurs Lois et leur Politique : ils l'ont fait en se jouant. C'était la partie la moins philosophe et la moins sérieuse de leur vie. La plus philosophe était de vivre simplement et tranquillement.

S'ils ont écrits de politique, c'était comme pour régler un hôpital de fous. Et s'ils ont fait semblant d'en parler comme d'une grande chose, c'est qu'ils savaient que les fous à qui ils parlaient pensaient être rois et empereurs. Ils entraient dans leurs principes pour modérer leur folie au moins mal qu'il se pouvait.

53.

Épigrammes de Martial. L'homme aime la malignité : mais ce n'est pas contre les borgnes’, ni contre les malheureux, mais contre

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versation, p. 65 : « Cela me donne à penser que ces auteurs qu'on trouve si graves » ne l'étaient pas toujours comme on le croirait par leurs écrits, » I « De grandes robes. » Cf. 111, 3, à la fin de la page 34.

« Des gens honnêtes. » Dans le sens où on disait un honnête homme.

« Leurs Lois et leur Politique. » Allusion aux Lois et à la logizeia de Platon, et à la Politique d'Aristote.

« La moins philosophe. » Philosophe adjectif est plus commode pour le discours ordinaire que philosophique. Ainsi dans Molière :

Et qne pen philosophe est ce qu'il vient de faire! « S'ils ont écrit. » Ce second alinéa a été supprimé dans P. R. et dans tous les anciens éditeurs. Il n'est pas très-clair. Les fous à qui parlaient Platon et Aristote étaient des rois, comme Denys de Syracuse et Alexandre, et des empereurs , en entendant ce mot an sens latin, imperatores, c'est-à-dire des chefs de républiques, des hommes revêtus du commandement suprême. Mais pourquoi dire qu'ils pensaient élre tout cela ? C'est que Pascal parle le langage des stoiciens , selon qui il n'y a de véritable roi que le sage ; les autres ne sont que des maitres imaginaires, esclaves dans la réalité. On ne voit pas bien à quoi en veut Pascal dans ce fragment; seulement l'idée que les traités politiques des grands philosophes ne sont qu'un amusement de leur esprit s'accorde bien avec la doctrine qu'il n'y a pas de loi naturelle, et que les sociétés humaines ne sont pas fondées sur la raison et la justice. (Cf. III, 8 et vi, 40.) Mais qu'est-ce alors que de modérer cette folie au moins mal qu'il se peut ? S'il y a un moins mal, il y a donc un mal et un bien. Le fragment complet, tel que nous le donnons, est profondément sceptique; tel que le donnait P. R. il était équivoque, et on n'en sentait pas toute l'intention.

De Martial. » 163. P. R., XXXI. : «Les borgnes. » Il me paralt que cette pensée a dû être su gérée à Pascal par l'espèce d'anthologie latine que MM. de Port Royal publièrent en 1659 sous le titre de Epigrammatum delectus. Ce recueil est précédé d'une dissertation en latin (par Nicole), dont un des paragraphes a pour titre : De Epigrammalis malignis. On y condamne la malignité qui s'attaque aux défauts corporels, et à tout ce qui est un malheur plutôt qu'une faute. On reproche cette malignité à Martial ct on cite comme exemples quelques-unes de ses épigrammes, particulièrement contre des borgnes. Sur ce recueil, voyez M. Sainte-Beuve, Port Royal, t. III, p. 440.

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les heureux superbes ; on se trompe autrement'. Car la concupiscence est la source de tous nos mouvements, et l'humanité ?... Il faut plaire à ceux qui ont les sentiments humains et tendres.

Celle des deux borgnes : ne vaut rien, parce qu'elle ne les console pas, et ne fait que donner une pointe à la gloire de l'auteur. Tout ce qui n'est que pour l'auteur ne vaut rien. Ambitiosa recidet ornamenta 5.

54. Je me suis mal trouvé de ces compliments : « Je vous ai bien » donné de la peine; Je crains de vous ennuyer; Je crains que cela » soit trop long. » Ou on entraîne, ou on irrite'.

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a Autrement. » C'est-à-dire si on croit lui plaire par la malignité contre les malheureux.

? « Et l'humanité... » Je suppose que le sens n'est pas achevé, et que Pascal veut dire que l'humanité pour les malheureux flatte la concupiscence, c'est-à-dire le désir de plaire; car il faul plaire à ceux qui ont les sentiments humains et lendres. Il y a plaisir à passer pour avoir bon cæur.

« Ceile des deux borgnes. » Je n'ai pu trouver dans Martial une épigramme où il soit question de deux borgnes. M. Sainte-Beuve ne l'a pas trouvée non plus (Port Royal , t. III, p. 354). Il me semble, d'ailleurs, que, si Martial avait fait une épigramme sur deux borgnes, il se serait fort peu soucié de les consoler, et qu'on n'aurait pas été tenté de lui demander cela. Je crois donc que le mot celle ne doit pas s'entendre d'une épigramme de Martial, mais simplement d'une épigramme; et je crois pouvoir dire laquelle. On la trouve, si je ne me trompe, dans l'Epigrammatum deleclus, au livre VI de ce recueil, parmi les pièces d'auteurs anciens inconnus, page 332 :

Lumine Acon dextro, capta est Leonilla sinistro,

Et potis est forma vincere uterque deos.
Blande puer, lumen quod habes concede parenti,

Sic tu cæcus Amor, sic erit illa Venus. « Acon est privé de l'ail droit, Léonilla de l'æil gauche; et d'ailleurs l'un et » l'autre pourraient disputer aux dieux mêmes le prix de la beauté. Charmant enfant, » cède à ta mère ton æil unique; tu seras l'Amour aveugle, et elle sera Vénus. »

C'est plutôt là un madrigal qu'une épigramme; mais dans Pascal, comme dans le recueil de Port Royal, le mot d'épigramme est employé au sens très-général qu'il a chez les anciens. C'est ainsi que Molière appelle indifféremment épigramme et madrigal la petite pièce de Trissotin sur le carrosse de couleur amaranle.

On comprend maintenant la critique de Pascal, toute chagrine qu'elle est; l'épigramme des deux borgnes est jolie, mais elle ne les console pas, car elle ne fait pas que l'un soit l'Amour en effet, ni l'autre Vénus : ce ne sont toujours que deux borgnes. MM. de Port Royal se sont montrés moins sévères que Pascal; voici leur note sur cette petite piéce : Epigramma a mullis celebratum, nec immerilo; non enim sua elegantia, suo pretio carel.

« Donner une pointe. » C'est-à-dire donner à l'auteur l'honneur d'une poinle , d'un trait, qu'on trouve joli.

a Ambitiosa recidet ornamenta. » Citation d'Horace, Arl pool. 447. Si, comme il parait, elle n'est pas prise de Montaigne, c'est, je crois, la seule citation d'auteur profane que Pascal ait faite sans la lui emprunter.

« Je me suis mal trouvé. » 134. Manque dans P. R. Cf. 51.

« Ou on entraine, ou on irrite. » C'est-à-dire ou bien on entraine le lecteur ou l'auditeur, et alors on ne l'ennuie pas, on ne parait pas trop long; ou bien on l'ennuie, et alors on l'irrite davantage en s'excusant. Cf. 39.

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55. Un vrai ami' est une chose si avantageuse, même pour les plus grands seigneurs, afin qu'il dise du bien d'eux, et qu'il les soutienne en leur absence même, qu'ils doivent tout faire pour en avoir. Mais qu'ils choisissent bien; car, s'ils font tous leurs efforts pour des sots, cela leur sera inutile, quelque bien qu'ils disent d'eux : et même ils n'en diront pas du bien, s'ils se trouvent les plus faibles, car ils n'ont pas d'autorité; et ainsi ils en médiront par compagnie.

56.

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Voulez-vous qu'on croie? du bien de vous ? n'en dites point.

57.

Je mets en fait: que, si tous les hommes savaient ce qu'ils disent les uns des autres, il n'y aurait pas quatre amis dans le monde. Cela parait par les querelles que causent les rapports indiscrets qu'on en fait quelquefois.

58. La mort est plus aisée à supporter sans y penser, que la pensée de la mort sans péril *.

59. Qu'une chose aussi visible qu'est la vanité du monde soit si peu

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! « Un vrai ami. » 14. Manque dans P. R. Cette pensée est écrite sur la même page du manuscrit que le second fragment du paragraphe 45. L'un et l'autre paraissent être venus à l'esprit de Pascal à l'occasion de son commerce avec le duc de Roannez, qui se l'était attaché, non comme mathématicien, mais comme bonnéte homme, et à qui un tel ami devait etre en effet d'un grand avantage dans le monde. Celui-là n'était pas un sot. — Voir dans La Bruyère, des Grands , l'alinéa qui commence ainsi : « Un homme en place doit aimer son prince, sa femme, ses en> fants, el après eux les gens d'esprit; il les doit adopter, il doit s'en fournir et » n'en jamais manquer, » etc. On voit à ce début seul que La Bruyère vise à mettre de l'esprit dans ce qu'il dit; Pascal est tout simple, et n'est occupé que de sa pensée.

Voulez-vous qu'on croie. » 423. Manque dans P. R. Montaigne, III, 8, p. 410: « Mais quand tout est compté, on ne parle iamais de soy sans perte : les propres » condamnations sont tousiours accrues, les louanges mescrues. »

3 « Je mets en fait. » 103. Manque dans P. R. Cf. 11, 8.

+ « La mort est plus aisée. » 142. P. R., xxxi. En titre dans le manuscrit : Direrlissement, titre qui fait comprendre l'intention de cette phrase. Cf. iv, 1. Pascal veut dire que nous ne cherchons le divertissement que pour nous distraire de la pens e de la mort, plus insupportable que ne l'est la mort elle-même sans cette pensée.

a Sans péril. » Sans péril de mort.
Qu'une chose aussi visible. » 79. En titre : Vanilé. Manque dans P. R.

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