Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE *

dans le

PAS-DE-CALAIS

avant 1789

Par M. G. de HAUTECLOCQUE

Membre résidant.

L'enseignement secondaire se développa plus rapidement en Artois que l'enseignement primaire. Le Concile de Trente, voulant arrêter les progrès de la Réforme, qui s'appuyait sur la doctrine du libre examen, résolut de donner une grande impulsion à l'instruction publique. C'était, en effet, le meilleur moyen de connaître, d'apprécier et de défendre la religion catholique. Disons-le à leur honneur, les souverains, les trois ordres, les villes, les monastères, surtout ceux de Saint-Vaast et de SaintBertin, rivalisèrent de zèle et de générosité pour fonder des collèges et des séminaires (1).

Il ne suffisait pas d'avoir des maisons d'éducation, il fallait des professeurs, la Providence fit naître divers or

(1) Jusque-là, il n'y avait guère que les écoles des couvents ou du chapitre et quelques maîtres, dont le peu d'instruction n'attirait guère les élèves.

* Voir l'Enseignement primaire, tome XIII des Mémoires de l'Académie, année 1882.

dres voués à l'enseignement: le plus célèbre fut la Compagnie de Jésus (1), dont le talent pour l'éducation et l'instruction n'a jamais été contesté, même par ses ennemis. Ces religieux eurent quelque peine à s'établir en France (2), bien qu'on reconnût l'utilité de leur ordre (3).

(1) Un officier espagnol de noble maison, blessé au siège de Pampelune, résolut, pendant sa convalescence de quitter l'épée pour fonder un ordre religieux. Ignace de Loyola trouva d'abord, même dans son pays, les tracasseries qui devaient plus tard se changer en persécutions pour ses successeurs. Il vint à Paris, en 1528, pour étudier au collège de Montaigu, puis à Sainte-Barbe, chez les Jacobins, car son éducation avait été négligée. Ce fut dans la chapelle souterraine de Montmartre, le 15 août 1534 que, de concert avec ses six premiers compagnons, il prit l'engagement devant Dieu de se consacrer au service de la religion. Son institut fut approuvé par le Saint-Siège, en 1540; on connaît son histoire.

(2) En 1550, il n'y a pas en France un seul Jésuite; c'est Henri II qui les appelle pour résister au protestantisme. Le Parlement refuse d'enregistrer ses lettres-patentes, mais Charles IX déclare « que sa totale et dernière volonté est que ladite Compagnie soit reçue à Paris et par tout le royaume. » Le décret fut enregistré le 13 février 1562. Nous ne raconterons pas les succès des Jésuites, leurs luttes et leur proscription après l'assassinat de Charles IX. Henri IV fut un de leurs plus ardents protecteurs et le P. Cotton fut son confesseur et son ami. Ce roi leur donna sa maison de la Flèche, dont ils firent un splendide collège, et par son testament leur légua son cœur. Dans un édit solennel de 1603, il rétablit la Société de Jésus dans tous ses droits et le libre exercice de son ministère, à condition, toutefois, de n'ouvrir aucune école sans sa permission expresse.

(3) Il convient, disait le cardinal de Richelieu, proviseur du collège de Sorbonne, « que les Universités et les Jésuites enseignent à l'envi, afin que l'émulation aiguise leur vertu et que les sciences soient d'autant plus assurées dans l'Etat, qu'étant déposées entre les mains de plusieurs gardiens, si les uns viennent à perdre un si sacré dépôt, il se trouve chez les autres. » Revue de France, 1879, p. 614.

Ils éprouvèrent moins de difficultés pour être reçus dans les Pays-Bas, dont notre province faisait alors partie, et des lettres-patentes de Philippe II, datées de mai 1584, leur permirent d'y enseigner.

En Artois, on leur confia successivement les collèges d'Arras, de Saint-Omer, de Béthune, d'Aire et d'Hesdin. A Boulogne et à Calais, on préféra les Pères de l'Oratoire et les Minimes (1). Leurs maisons, à peine établies, d'abord sous forme d'externats, se remplissent d'élèves. Même dans les villes peu importantes, ils eurent bientôt deux et trois cents jeunes gens à instruire. Bon nombre de ces étudiants firent honneur à leurs maîtres par le rang distingué qu'ils occupèrent dans l'Eglise, l'armée, les lettres et les sciences (2). L'étude des meilleurs auteurs de l'antiquité, les exercices littéraires et dramatiques si fréquents et si brillants chez eux (3). contribué

(1) Mgr de Langle, évêque de Boulogne, fut sans doute cause du choix des Minimes. Partisan du jansénisme, il ne pouvait oublier que les Jésuites avaient ardemment combattu cette doctrine, condamnée par l'Eglise

(2) Le Père Porée compta parmi ses élèves dix-neuf membres de l'Académie française. Voltaire et tant d'autres philosophes qui combattirent les Jésuites, avaient appris chez eux l'art d'écrire.

(3) Ces exercices dramatiques créèrent parfois des difficultés aux Jésuites: ainsi, Mgr de Sève de Rochechouart, évêque d'Arras, était, dit-on. partisan des doctrines de Jansénius, et, par là, très rigoriste, il condamnait surtout le spectacle. En 1711, il fit un mandement pour ordonner de refuser les sacrements aux acteurs qui joueraient les dimanches et fêtes ou pendant le carême.

Voici la partie la plus importante d'un mandement, daté du 25 septembre 1698 et relatif aux tragédies qui se représentaient dans les collèges du diocèse :

« Guy de Sève de Rochechouart, par la grâce de Dieu et du Saint

rent à former le beau style des XVIIe et XVIIIe siècles.

Siège apostolique, évêque d'Arras, etc. Il est de certains désordres sur lesquels une longue habitude et une coutume invétérée ne permettent pas quelques fois à des personnes d'une vie d'ailleurs exemplaire et irréprochable, de réfléchir. Les représentations qui se font dans les collèges, à la fin des classes, qui d'elles-mêmes et réduites à certaines bornes seroient innocentes, mais auxquelles on joint assez souvent des choses qu'on verroit bien qui ne le sont pas, si on y faisoit attention, sont de cette espèce.

>> Nous croyons pouvoir tolérer l'ancien usage de faire à la fin des classes des tragédies pour apprendre aux enfants à déclamer et leur inspirer une hardiesse honnête. Nous sommes persuadéz néanmoins que l'on pourroit prendre pour y parvenir des voies, non-seulement plus utiles aux enfants, à qui on fait perdre un temps infini et aux maîtres qui n'en perdent pas moins, occupéz pendant plusieurs mois, de la composition du récit et du succès de leur ouvrage ; mais aussi plus conformes à la religion, qui a toujours marqué beaucoup d'horreur pour les spectacles, sans y mettre de distinction. La raison d'apprendre aux enfants à déclamer et de leur inspirer cette hardiesse honnête nous paraît très faible et il est fâcheux de dire et ditficile de persuader que l'on ne puisse apprendre l'un, ni se donner l'autre que sur un théâtre sur lequel on ne paraît qu'une ou deux fois au plus en sa vie et sur lequel il seroit très honteux de monter dans un âge plus avancé Et peut-être trouvera-t-on, si on en vouloit faire examen, que plusieurs de nos plus grands prédicateurs et de nos plus célèbres avocats n'y ont pas paru.

>> Nous défendons de joindre à la représentation de ces tragédies, des comédies et des opéras avec des danses, qui ne peuvent être qu'une semence de corruption pour une jeunesse capable, dans cet âge tendre, de toutes sortes d'impressions. On s'y servira beaucoup moins de certaines représentations bouffonnes, très indignes du christianisme, que l'on ne veut et que l'on ne souffre qu'avec peine dans les places publiques, tels que des arlequins et semblables travestissements. Nous suivons avec plaisir sur le sujet de ces tragédies l'esprit et les sentiments d'une savante compagnie, dont l'un des prin

« ZurückWeiter »