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politiques. En 1789, il vint

Paris une troupe de chanteurs italiens qui s'établit aux Tuileries sous le patronage de Monsieur, le comte de Provence. Cette troupe remarquable, où se trouvaient Raffanelli, Rovedino, Mandini et sa femme, couple de virtuoses excellens, Viganoni, un des meilleurs ténors qui aient existé, et la ravissante Mme Morichelli, chantait les opéras de Guglielmi, de Paisiello, de Cimarosa, de Sarti et des maîtres secondaires de la fin du xvin siècle. Elle est restée à Paris jusqu'à la révolution du 10 août 1792. Au commencement du consulat, en 1801, une seconde troupe de chanteurs italiens se forma, sous la direction de Mlle Montansier, au Théâtre-Olympique de la rue Chantereine. On y remarquait encore le bouffe Raffanelli, Parlamagni, Lazzarini, ténor, et Mme Strinasacchi. Ils débutèrent par le Matrimonio segreto de Cimarosa. Cette période de l'empire fut aussi terne pour l'opéra italien que pour tous les autres arts, malgré le goût très vif de l'empereur Napoléon pour la musique italienne, surtout pour celle de Paisiello. Crescentini et Mme Grassini ne chantaient qu'à la cour devant un public d'élite, qui seul était admis à apprécier de si beaux talens. Parmi les virtuoses qui ont brillé au Théâtre-Italien de cette époque, on peut citer le nom charmant de Mme Barilli et le fameux Crivelli, ténor remarquable, qui se fit admirer dans Pirro et la Nina de Paisiello. Avec la restauration commence une ère nouvelle aussi bien pour le Théâtre-Italien que pour tous les arts de l'esprit. Les chefs-d'œuvre de Rossini et de Mozart, entremêlés de quelques ouvrages moins considérables, sont interprétés par des chanteurs de premier ordre devant un public digne de les apprécier. Mme Pasta, Miles Naldi, Cinti, Sontag, Mombelli, avec Garcia, Pellegrini, Zucchelli, Galli, Bordogni, etc., formaient une troupe de chanteurs qui n'a pu être égalée que par celle qui lui a succédé en 1830. Les dix-huit années de la monarchie de juillet forment la quatrième époque de l'histoire du Théâtre-Italien depuis 1789. Rossini, Mozart, Cimarosa, suivis de la nouvelle génération de compositeurs Bellini, Donizetti, Mercadante, Paccini, etc., trouvent dans Mme Malibran, dans Rubini, Tamburini, Mlle Grisi et Lablache des interprètes incomparables.

Dans cette troupe de chanteurs d'élite qui, pendant vingt-deux ans, a fait l'étonnement de la France et de l'Angleterre, Lablache était une exception. La nature l'avait doué d'un physique imposant et d'une voix merveilleuse. Comédien accompli et chanteur éminent, il était beau dans tous les rôles de son vaste répertoire, et aucun style n'était inaccessible à sa souple intelligence; mais c'est dans l'opera buffa que Lablache était surtout remarquable, et le personnage de Geronimo du Mariage secret a été sa création la plus étonnante. Le chef-d'œuvre de Cimarosa interprété par un artiste comme Lablache forme une date glorieuse de l'histoire de l'art. Quand on a vu de telles merveilles résumant toute une époque, on peut s'écrier: Et nunc dimittis, Domine, quia viderunt oculi mei salutarem tuum.

P. SCUDO.

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

28 février 1858.

Si l'on veut voir comment un événement sinistre, exceptionnel par sa nature et en dehors de tous les calculs des hommes d'état, peut exercer une influence d'un certain ordre sur les affaires des peuples et laisser ses traces dans la politique, on n'a qu'à observer la marche des choses en quelques pays. En France, vous venez de suivre jusqu'à son dénoûment ce triste procès des auteurs du crime du mois de janvier, et il y a quelques jours à peine le corps législatif votait une loi qui spécifie des délits, prononce des peines nouvelles sous l'invocation de la sûreté générale. En Belgique, le gouvernement du roi Léopold a mis un prudent empressement à détacher d'un projet de code pénal qui s'élabore les dispositions relatives aux attentats contre les souverains étrangers, pour les soumettre dès ce moment au vote des chambres, et les représentans belges de toutes les opinions se sont hâtés de se rallier à la pensée du ministère; tout le monde s'est trouvé d'accord, bien que par des motifs différens, comme on l'a dit. A Turin, le cabinet, cédant à des nécessités identiques, a présenté une loi du même genre, et le gouvernement piémontais s'est vu obligé de redoubler de vigilance à l'égard des réfugiés étrangers, qui semblaient s'agiter, à Gênes notamment. En Angleterre, tout s'est effacé depuis quelques jours pour faire place à l'émotion causée par le bill sur les conspirations tendant à l'assassinat, et à cela sont venues se joindre les préoccupations d'une crise ministérielle née des péripéties de ce bill. Ainsi voilà un certain ensemble de faits liés par d'évidens rapports, et qui sont comme l'épilogue politique de l'attentat du 14 janvier. C'est principalement vers l'Angleterre que se tournent maintenant tous les regards, car ce que n'avaient pu faire ni les derniers incidens de la guerre avec la Russie, ni les hostilités ouvertes l'an dernier contre la Chine, ni l'insurrection de l'Inde, ni la réforme électorale, un événement imprévu l'a fait en un instant : il a provoqué la chute du cabinet de lord Palmerston, qui n'a pu franchir le défilé d'une seconde lecture du bill sur les conspira

tions. Chose plus curieuse, c'est lord Palmerston, le ministre préféré du patriotisme britannique, l'homme du civis romanus, qui tombe sous le soupçon de n'avoir pas suffisamment pourvu à l'honneur de l'Angleterre, et c'est M. Milner Gibson, le représentant de l'école de Manchester, le partisan de la paix, qui est dans le parlement le belliqueux promoteur des hostilités contre le cabinet! C'est lord Palmerston, le ministre si souvent accusé de vouloir déchaîner les tempêtes révolutionnaires sur l'Europe, qui échoue en soutenant une mesure d'un caractère évidemment conservateur, et ce sont les tories qui contribuent à sa chute, qui recueillent le pouvoir de ses mains! Tel est parfois le jeu bizarre des événemens.

La crise ministérielle qui vient de se dénouer à Londres avec une certaine promptitude par l'arrivée des tories au pouvoir est donc aujourd'hui l'un des principaux événemens, et elle domine la situation de l'Angleterre, en même temps qu'elle intéresse sa politique extérieure. Cette crise a été peutêtre un peu imprévue sur le continent pour plusieurs causes, dont la principale était que le bill présenté par lord Palmerston avait traversé sans encombre les difficultés d'une première lecture; il avait même obtenu une assez forte majorité relative. Et cependant, même après ce premier succès, à considérer de près le mouvement de l'opinion et les allures des partis, peut-être n'était-il pas impossible d'apercevoir des symptômes assez menaçans, des signes de lutte et d'orage prochain. D'abord les radicaux s'étaient prononcés ouvertement, violemment, contre le principe du bill. Lord John Russell lui-même, bien que dans la mesure de modération qui appartient à un homme d'état, s'était rallié à cette opinion tranchée. Les peelites observaient une certaine réserve. Les tories, de leur côté, par l'organe de M. Disraeli, manœuvraient visiblement de façon à ne point s'engager avant d'avoir sondé le terrain. Ils ne combattaient pas la mesure dans son principe, ils se réservaient de montrer dans les détails qu'elle n'était satisfaisante pour aucun intérêt. Il y avait là tous les élémens d'une coalition parlementaire qui, appuyée sur l'opinion extérieure, se présentait avec quelques chances de succès.

Le difficile était de concilier des hostilités, des vues d'une nature fort diverse, de frapper sûrement le chef du cabinet dans sa politique, sans atteindre du même coup l'alliance avec la France. C'est M. Milner Gibson qui, par sa motion, au moment de la seconde lecture du bill, a donné le signal de cette campagne, fatale à la fortune ministérielle de lord Palmerston. Cette motion, habilement combinée, n'était point une tentative directe contre le bill: elle contenait un témoignage de la répulsion profonde inspirée par le récent attentat ourdi en Angleterre; elle déclarait que la chambre des communes était prête à concourir à une réforme de la loi criminelle, si elle était jugée nécessaire, et en même temps elle exprimait le regret que le cabinet, avant de présenter son projet, n'eût pas cru devoir répondre à la dépêche reçue du gouvernement français et soumise au parlement. Pour tout dire sur ce point, il n'y a eu ni une parfaite exactitude ni une parfaite justice dans quelques-uns des griefs qui se sont produits, attendu que la dépêche de M. le comte Walewski n'incriminait nullement, comme on l'a dit, le gouvernement ou le peuple anglais; elle mettait uniquement en cause les réfugiés qui abusent de l'hospi

talité britannique et se transforment en artisans de meurtre. Lord Palmerston, de son côté, n'a point eu de peine à prouver que le projet présenté par lui ne touchait en rien au droit d'asile, et n'avait aucun des caractères d'un alien-bill. C'était une loi pénale également applicable aux sujets anglais et aux étrangers. Mais le point vulnérable était découvert : lord Palmerston n'avait pas répondu à la dépêche du gouvernement français. On avait trouvé le terrain du combat, et sur ce terrain se sont rencontrés, venant de points différens, M. Disraeli, M. Gladstone, lord John Russell, M. Roebuck lui-même. Tories, libéraux, radicaux, peelites, ont fait le succès de la motion de M. Milner Gibson, votée à une majorité de quelques voix. Lord Palmerston s'est défendu jusqu'au bout avec une verve que l'âge ne refroidit pas, et qui s'est exercée cruellement contre ses adversaires; il n'a pu éviter une défaite à laquelle peut-être il ne s'attendait pas. Que devait-il résulter de là? Le cabinet a immédiatement offert sa démission à la reine. Or, dans les circonstances actuelles, lord John Russell ne pouvait guère recueillir la succession qui s'ouvrait; ce sont done les tories qui ont été appelés au pouvoir. Le comte de Derby est aujourd'hui premier lord de la trésorerie. Il a essayé un moment de s'entendre avec quelques-uns des principaux peelites, notamment avec M. Gladstone; il n'a pu réussir dans ses tentatives d'alliance, et dès lors il n'a plus songé qu'à former un cabinet entièrement conservateur, où figure naturellement M. Disraeli, comme chancelier de l'échiquier, à côté du comte de Malmesbury, qui est ministre des affaires étrangères, et de lord Ellenborough, sir Frederic Thesiger, M. Henley, M. Walpole. Telle est la situation, si complétement transformée en quelques jours.

C'est une situation, il faut le dire, qui ne laisse point d'être singulière et d'avoir encore ses obscurités. Lord Palmerston a disparu pour le moment, il est vrai, dans la dernière mêlée parlementaire; mais le bill qu'il avait présenté a-t-il disparu également? C'est un point qui reste à éclaircir, qui est discuté chaque jour en Angleterre. Le fait est que le succès de la motion de M. Milner Gibson ne semble pas impliquer absolument au fond le rejet d'une mesure sur laquelle la chambre des communes n'a pas eu à se prononcer. La combinaison parlementaire qui a triomphé paraît avoir consisté justement à frapper le dernier cabinet sans préjuger le sort du bill luimême. Dans tous les cas, le bill fût-il retiré, ou modifié, ou remplacé par une proposition équivalente d'un autre genre, il est une question que tous les principaux orateurs se sont efforcés d'élever au-dessus de la discussion et de ne point compromettre dans cette échauffourée des partis : c'est le maintien de l'alliance avec la France. M. Milner Gibson lui-même a protesté contre toute intention de jeter des embarras dans les relations des deux pays. Lord Derby, lorsqu'il a parlé, il y a quelques jours, dans la chambre des pairs, et M. Disraeli plus récemment, se sentaient trop près du pouvoir pour ne point témoigner le prix qu'ils attachent à une alliance qui a été jusqu'ici une garantie pour la paix et pour la civilisation du monde. La composition même du cabinet actuel d'ailleurs éloigne toute pensée d'une politique contraire à un système de bonne intelligence. Quelles que soient donc les dernières péripéties parlementaires, les rapports entre l'Angleterre et la France ne sont pas menacés, il faut le croire, et sur ce point le nou

veau ministère fera vraisemblablement tout ce qu'il pourra, tout ce que l'opinion du pays et du parlement lui permettra. Seulement il est toujours une question assez grave: quelle sera la durée de ce ministère qui vient de naître? De quelles forces dispose-t-il? Où sont ses élémens de vie? Lord Derby est assurément un chef de cabinet éminent; M. Disraeli, dans son passage aux affaires il y a quelques années, a laissé voir des qualités qui ont émoussé quelque peu l'ironie de ses ennemis; mais en définitive cela ne change pas la situation d'un ministère qui trouve toute sa force en lui-même, et qui est dépourvu d'appuis suffisans. De toute façon il faut bien en revenir à ce fait extraordinaire, que le cabinet tory vient au monde sans avoir une majorité dans la chambre des communes, et il ne peut guère songer à dissoudre un parlement qui est élu depuis une année à peine. Là est vraiment la difficulté. La nouvelle administration pourra garder le pouvoir pendant quelques mois, comme elle peut ne le garder que pendant quelques jours. Elle est exposée à vivre à l'aide de majorités de circonstance qui la soutiendront tant qu'il ne se présentera pas une occasion favorable de la renverser. Que fera lord Palmerston dans cette situation nouvelle? Il attendra peutêtre, comme il attendit en 1852 après sa sortie du ministère. Il trouvera bien pourtant quelque moyen d'exercer ses représailles, de faire sentir son influence, et parmi toutes les éventualités qui peuvent s'offrir en Angleterre, le retour de lord Palmerston au pouvoir n'est point certainement la plus impossible.

Entre toutes les choses qui s'accomplissent aujourd'hui en France, il en est qui touchent à des intérêts matériels, au développement économique du pays, et il en est qui se rattachent encore au trouble profond né le mois dernier de cette odieuse tentative devenue tout à coup un événement européen. Parmi les premières vient se ranger en ce moment un décret qui transforme le régime de la boucherie en consacrant définitivement la liberté de cette industrie. Il y a longtemps que cette question est étudiée et que les expériences se succèdent; il y a même ce fait singulier à considérer, que Paris seulement était soumis jusqu'ici à un régime tout spécial, dont les départemens restaient affranchis, et qui n'existe point dans les grandes capitales de l'Europe. Le décret actuel fait cesser heureusement cette anomalie, et il a cet avantage de concilier tout à la fois ce qui est dû à l'intérêt du public et le respect du principe de la liberté des professions et des industries. Parmi les choses qui ont aujourd'hui un caractère politique, tout se résume, à vrai dire, dans le procès qui vient de se terminer devant la cour d'assises de Paris et dans la loi sur les nouvelles mesures de sûreté générale votée, il y a quelques jours, par le corps législatif.

Que peut-on dire de ce procès, des auteurs de l'attentat du 14 janvier? Il s'est déroulé sans notable incident, il s'est dénoué comme il était facile de le prévoir. La vérité était tristement palpable; le souvenir du sang versé pesait encore sur cette affaire. Entre la justice des hommes et la justice de Dieu, il n'y a certes place pour aucune parole. Quant à la loi sur les mesures de sûreté générale, elle a été votée par le corps législatif à peu près telle que le gouvernement l'a présentée, si ce n'est que les mesures d'internement ou d'expulsion, pour être entourées de plus de garanties, devront être pro

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