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Le père de famille, c'est Dieu, et sa vigne, c'est le monde ; les vignerons auxquels il la loue, ce sont les puissants du monde, ceux qui ont pouvoir sur les autres et qui n'ont reçu ce pouvoir qu'à la condition de remplir les obligations imposées par le père de famille, à la condition de produire les fruits de justice et de charité que Dieu exige des chefs préposés à la conduite des peuples. Les serviteurs qu'il envoie recueillir ces fruits, ce sont tous ceux qui, rappelant sa loi, réclament incessamment contre les abus de la puissance, disent, comme Jean-Baptiste à Hérode, cela ne vous est point permis, se font les défenseurs des foibles, des pauvres, des opprimés, au nom des saints devoirs sur lesquels repose l'ordre réel de la société, au nom de l'égalité, de la liberté, de la fraternité humaine. Ces serviteurs du père de famille ont été de tout temps persécutés par ceux qui exploitent sa vigne à leur profit. Il les ont poursuivis, torturés, lapidés. Patient jusqu'au bout, le père de famille a enfin envoyé son fils. Jésus est venu demander aux vignerons les fruits de la vigne, et, comme ils avoient tué les serviteurs, ils ont tué le fils, croyant s'assurer à jamais la possession de son héritage. Continuant de défendre par la force ce qu'ils avoient acquis par la force, ils ont, de siècle en siècle, perpétué leur usurpation, et le monde leur appartient encore. Mais le jour du jugement approche; il se fait partout comme l'apprêt d'une de ces grandes assises de Dieu, à la suite desquelles la terre se renouvelle. Il a prononcé en lui-même son irrévocable sentence, et les peuples sont chargés de son exécution. Pàles, inquiets, tourmentés de sinistres pressentiments, les oppresseurs se disent l'un à l'autre : Est-ce que notre fin seroit venue? Chaque bruit retentit à leur oreille comme une menace formidable, chaque ombre qui passe leur semble un messager de la mort. Serviteurs du père de famille, sacrés martyrs de l'humanité, que vos os tressaillent dans la tombe. Votre sang mêlé au sang du Fils n'a point été stérile; il a fécondé le germe dont l'avenir mûrira les fruits; il a préparé

le salut que les nations attendent, et qu'à la veille du grand combat d'où le Christ sortira vainqueur, elles saluent d'un cri d'espérance.

CHAPITRE XXII.

1. Jésus, parlant encore en paraboles, leur dit :

2. Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit les noces de son fils.

3. Il envoya ses serviteurs appeler ceux qui étoient conviés aux noces, et ils ne voulurent point venir.

4. Il envoya encore d'autres serviteurs, disant : Dites aux conviés : Voilà que mon festin est prêt, on a tué les bœufs et les animaux engraissés; venez aux noces.

5. Mais ils n'en tinrent compte, et ils s'en allèrent, l'un à sa ferme, l'autre à son négoce.

6. Les autres se saisirent de ses serviteurs, et après les avoir outragés, ils les tuèrent1.

7. Ce qu'ayant entendu, le roi entra en grande colère, et il envoya ses armées, fit mettre à mort ces homicides, et brûla leur

ville.

8. Alors il dit à ses serviteurs Les noces sont prêtes, mais ceux qui étoient conviés n'en étoient pas dignes.

9. Allez donc à l'issue des chemins, et tous ceux que vous trouverez, appelez-les aux noces.

10. Les serviteurs s'étant dispersés sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, bons et mauvais; et la salle des noces fut remplie de convives.

11. Le roi entra pour voir ceux qui étoient à table, et ayant vu un homme qui n'étoit point revêtu de la robe nuptiale,

1 Tous sont conviés aux noces, au banquet où se doivent asseoir les peuples affranchis par le Christ mais le souci des affaires, la passion du gain, l'amour exclusif des biens matériels, font que beaucoup refusent d'y venir. L'un a sa ferme, l'autre a son trafic; c'est là leur grand prétexte, et, si on les presse d'entrer, inquiets pour leurs intérêts, et, dans leur peur, les voyant déjà menacés, ils s'irritent et tuent les envoyés du père.

12. Il lui dit: Mon ami, comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale? Et cet homme resta muet.

13. Alors le roi dit à ses serviteurs : Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures; là seront les pleurs et le grincement de dents.

14. Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus 1.

15. Les Pharisiens alors s'en allant se concertèrent pour le surprendre dans ses paroles.

:

16. Ils envoyèrent leurs disciples avec des Hérodiens 2, lui dire Maître, nous savons que vous êtes véritable, et que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité, sans souci de personne, car vous ne regardez point à ce que sont les hommes 3.

17. Dites-nous donc ce qui vous en semble Est-il permis, ou non, de payer le cens à César?

18. Mais Jésus ayant connu leur pensée, leur dit : Hypocrites, pourquoi me tentez-vous?

19. Montrez-moi la monnoie du cens. Ils lui présentèrent un denier :

20. Et Jésus leur dit : De qui est cette image et cette inscription? 21. Ils lui répondirent : De César. Alors il leur dit : Rendez donc à César ce qui est de César, et à Dieu ce qui est de Dieu“. 22. Ce qu'ayant entendu, ils furent saisis d'admiration, et le quittant ils s'en allèrent.

23. Ce même jour, des Sadducéens, qui disent qu'il n'y a point de résurrection, vinrent à lui et l'interrogèrent,

24. Disant Maître, Moyse a dit : Si un homme meurt sans laisser de fils, que son frère épouse sa femme et suscite des enfants à son frère.

25. Or, il y avoit parmi nous sept frères : le premier ayant pris une femme, mourut, et n'ayant point d'enfant, il laissa sa femme à son frère.

26. Pareillement le second, et le troisième, jusqu'au septième.

I La robe nuptiale, ce sont les œuvres commandées par la loi de Jésus. Tous sont appelés à s'en revêtir, mais combien peu s'en revètent effectivement!

2 Secte qui regardoit Hérode comme le Messie attendu.

3 Lier l'honnête homme par sa conscience, louer pour trahir, c'est une des pratiques des méchants.

4 Jésus se dérobe à l'embûche cachée sous la question qu'on lui adresse; il y répond par une maxime générale de justice qui ne résout, dans l'application, aucun cas particulier.

27. Enfin la femme aussi mourut après eux tous.

28. Duquel donc des sept sera-t-elle l'épouse dans la résurrection? Car tous l'ont eue.

29. Jésus leur répondit: Vous vous trompez, ne comprenant ni les Écritures, ni la puissance de Dieu.

30. Car dans la résurrection, les hommes n'auront point de femmes, ni les femmes de maris; mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel.

31. Et touchant la résurrection, n'avez-vous point lu ce qui vous a été dit par Dieu même :

32. Je suis le Dieu d'Abraham, et le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob? Or, Dieu n'est point le Dieu des morts, mais des vivants1. 33. Et les peuples en l'écoutant admiroient sa doctrine.

34. Mais les Pharisiens apprenant qu'il avoit réduit les Sadducéens au silence, s'assemblèrent,

35. Et l'un d'eux, docteur de la loi, lui demanda pour le tenter : 36. Maître, quel est le grand commandement de la loi? 37. Jésus lui dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.

38. C'est là le premier et le plus grand commandement. 39. Le second lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

40. Ces deux commandements renferment toute la loi et les Prophètes.

41. Ayant rassemblé les Pharisiens, Jésus les interrogea, disant: 42. Qu'est-ce qu'il vous semble du Christ? De qui est-il fils? Ils lui répondirent de David.

43. Il leur dit Comment donc David l'appelle-t-il en esprit son Seigneur, disant :

44. Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis l'escabeau de tes pieds?

45. Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils? 46. Et personne ne pouvoit lui rien répondre; et, de ce jour, nul n'osa plus l'interroger.

I La mort n'est qu'un mot, dont le vrai sens est renaissance.

Il ne se peut rien de plus formel que les paroles de JésusChrist, touchant les deux préceptes qui renferment toute la loi et cependant combien peu ont-elles été comprises! Qu'est-ce que les hommes n'ont pas fait de cette loi si simple et si féconde? Parmi ceux-mêmes qui se disent les disciples de Jésus, en est-il aucun qui, plus ou moins, ne dénature son enseignement, celui-ci parce qu'il y ajoute, et celui-là parce qu'il en retranche, tous en substituant, selon les préoccupations diverses de leur esprit, à sa pensée leur propre pensée? Ils ont vu que l'Évangile rappeloit sans cesse la nécessité de la foi, la puissance de la foi: et, en effet, comment accomplir la loi sans y croire, sans croire à la réalité, à la sainteté des devoirs qu'elle impose? Comment l'amour de Dieu, d'où dérive l'amour du prochain, seroit-il possible sans la foi en Dieu? La foi et l'amour sont inséparables; qui ne croit point, n'aime point; qui n'aime point est mort à tout bien. Mais, de ses idées, quelles qu'elles fussent, de ses principes spéculatifs, chacun a voulu faire l'objet de cette foi nécessaire. De là, les sectes innombrables qui, dès l'origine, divisant les chrétiens, ont détourné le christianisme de sa voie véritable, et retardé sur la terre l'avénement du royaume de Dieu. On s'est proscrit pour des opinions; on en a fait une partie essentielle de la loi, et la principale, puisqu'elle a pu, en certains cas, suppléer les œuvres de l'amour, et que plusieurs même, pour relever l'efficace de la foi, les ont déclarées inutiles, oubliant cette parole d'un apôtre du Fils de l'homme : « Vous croyez, c'est bien; mais les démons aussi » croient, et ils tremblent. » Élargissez vos cœurs, et vous serez vraiment les disciples de Jésus. Il n'est point venu pour expliquer les mystères du souverain Être, ni les secrets de la création; il n'est point venu enseigner la science qui se développe incessamment, et se développera sans fin par le travail naturel et continu de l'intelligence humaine unie à Dieu, source de toute lumière : il est venu enseigner la loi de vie, qui n'est que la loi de l'amour, et donner l'exemple de son

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