Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

lieu le jour où l'on donnait un nom à l'enfant. Ce jour, chez les Romains, était le neuvième pour les garçons, et le huitième pour les filles (1); on l'appelait lustricus, à cause de l'eau lustrale qu'on employait pour purifier le nouveau-né (2). Des rites semblables se retrouvent chez toutes les nations. Ce fait est tellement évident que Voltaire lui-même n'a pu s'empêcher de le reconnaître. « Nous remarquerons, dit-il, que les Parsis eurent toujours un baptême. Le baptême est commun à toutes les anciennes nations de l'Orient (3). » Et ailleurs « La chute de l'homme dégénéré est le fondement de la théologie de toutes les anciennes nations (4). »

Et puis, sans recourir à toutes ces autorités étrangères, ne trouvons-nous pas en nous-mêmes la preuve de notre dégradation? Qu'est-ce en effet, je vous prie, que cet inconcevable mélange de désirs bons et de penchants mauvais, de grandeur et de bassesse, de vérité et d'erreur, de vertu et de vice qui se manifestent en nous dès l'enfance? Qu'est-ce que ces deux hommes ennemis que nous portons en nous et qui font de notre vie une guerre continuelle? Vous ne le nierez pas, voilà ce que nous sommes tous, et certes il serait bien à plaindre celui qui ne reconnaîtrait pas que l'homme tel qu'il est aujourd'hui enclin au mal dès le berceau, n'est qu'une grande ruine.

(1) Macrob. Satur. lib. 1.

-(2) Festus, de Verb. signif. (3) Remarq. sur l'hist. gén. § 1x, p. 41.

(4) Quest. sur l'Encyclop. Voyez aussi le Zend-Avesta, liv. 1; Virgil. Æneid. lib. vi. v. 426-429; Creutzer, Relig. de l'antiquité.

Ainsi, nous le répétons, d'un côté le terrible mystère de la transmission dn péché originel est certain : d'un autre côté, il est inattaquable; car puisque Dieu est infiniment bon, juste et saint, il faut nécessairement conclure que la transmission du péché originel n'est contraire ni à une bonté, ni à une justice, ni à une sainteté infinies. Ne craignons rien: Dieu n'a jamais fait et il ne fera jamais tort à personne. Telle est la grande réponse à toutes les difficultés que notre esprit ou celui des autres peut élever sur ce mystère comme sur tous ceux qui se rencontrent dans la Religion. Nous sommes heureux de le dire, c'est aussi la réponse et le conseil du grand Maître qui nous sert de guide: « Quoique je ne puis pas, dit saint Augustin, réfuter tous les arguments des hérétiques, je vois cependant qu'il faut s'en tenir à ce que l'Écriture nous enseigne clairement, savoir qu'aucun homme ne peut parvenir à la vie et au salut sans être uni à Jésus-Christ, et que Dieu ne peut condamner injustement personne ou le priver injustement de la vie et du salut (1). »

Dieu a donc été juste, parfaitement juste, en punissant Adam et Ève et en nous enveloppant tous dans leur châtiment. Ce qu'il y a de bien touchant, mes chers amis, c'est qu'on voit briller dans cette conduite, si sévère en apparence, une miséricorde infinie.

En effet, 1o au lieu de faire mourir nos premiers parents le jour même de leur faute, comme il en avait le droit, Dieu leur accorde le temps ct le moyen de faire pénitence.

(1) De Peccat. merit. et remiss. lib. m, c. 4, n. 7.

2o Pour les venger du démon, il promet à la femme qu'un jour elle lui écrasera la tête, qu'il leur rendra tous les biens qu'ils ont perdus, qu'ils deviendront réellement semblables à lui, afin de confondre l'orgueil de Satan, en accomplissant dans toute son étendue la promesse trompeuse qu'il leur avait faite : Vous serez comme des dieux.

3° Cette redemption sera tellement abondante, les biens qu'elle procurcra au genre humain tellement supérieurs aux maux occasionnés par la faute originelle, que l'Église ne craint pas de s'écrier, en parlant du péché d'Adam Heureuse faute! ô péché vraiment nécessaire! puisqu'il nous a mérité d'avoir un tel Rédempteur (1).

:

4° Depuis le moment de leur chute, Dieu n'aura plus d'autre pensée que de la réparer; sauver l'homme sera son unique affaire, le centre auquel aboutiront tous ses desseins, la fin de toutes ses œuvres.

On reste frappé d'étonnement à la vue de l'inconcevable facilité et de la prodigieuse miséricorde avec lesquelles Dieu pardonne au père du genre humain. Essayons de jeter quelques lumières sur cet abîme de sagesse et de bonté : le plus noble usage de la raison, c'est de conduire l'homme à la foi.

<< Par son péché, l'homme est devenu l'ennemi de Dieu, et il faut que la haine réciproque de Dieu et de l'homme se change en amour mutuel, pour que Dieu et l'homme puissent de nouveau faire ensemble une société véritable. Mais l'homme ne peut se réconcilier

(1) Office du Samedi Saint.

avec Dieu s'il n'est pardonné, ni Dieu se réconcilier avec l'homme s'il n'est pas satisfait. Ce sont des rapports nécessaires dérivés de l'Etre infiniment juste et infiniment bon.

<«< Mais Dieu étant infiniment juste ne peut céder les droits de sa justice, il punira donc l'homme avec une rigueur infinie. D'un autre côté, Dieu étant infiniment bon et voulant sauver l'homme, il lui pardonnera avec une bonté infinie. Comment concilier ces deux choses? Punir l'homme avec une rigueur infinie, c'est le faire mourir au milieu des plus affreux tourments, et lui pardonner avec une bonté infinie, c'est le conserver sain et sauf avec tous ses priviléges. Dieu lui-même, tout puissant qu'il est, peut-il à la fois détruire et conserver l'homme?

« Oui, il le peut; il peut détruire un homme à la place de tous les hommes; il peut conserver tous les hommes à la considération d'un homme détruit. Comme la faute d'un seul a rendu tous les hommes pécheurs, de même la justice d'un seul justifie tous les hommes (1). La justice humaine nous donne l'idée et l'exemple d'une pareille compensation (2). »

Témoin, entre mille autres, ce fait si célèbre dans l'histoire de France. En 1347, Édouard III, roi d'Angleterre, assiégeait la ville de Calais. Irrité de la longue résistance des assiégés, il les pressa si fort qu'ils furent réduits à demander la paix. Édouard réfusa de l'accorder si on ne lui livrait six des principaux habitants pour en faire ce qu'il voudrait.

(1) Rom. v, 18, 19.

(2) Voyez M. Bonald, Théorie du Pouvoir, p. 147 et suiv.

Eustache de Saint-Pierre s'offrit pour être une des six victimes; à son exemple il s'en trouva cinq autres qui remplirent le nombre et s'en allèrent, la corde au cou et nus en chemise, porter les clefs de la ville au prince anglais. Ce fier vainqueur voulait absolument les faire mourir. Déjà il avait fait mander le bourreau pour l'exécution, et il fallut toutes les larmes et les prières réitérées de son épouse pour les arracher à sa fureur.

A cet exemple, on pourrait en ajouter bien d'autres; et certes il y a une grande miséricorde, lorsque toute une famille, tout un peuple, tout le genre humain est coupable et digne de mort, de ne faire mourir qu'un seul homme à la place de tous les autres.

« C'est ce que Dieu a fait. Il a détruit un homme à la place de tous les hommes; cet homme détruit à la place de tous les hommes sera donc infiniment haï de Dieu, puisqu'il sera chargé du crime infini de tous les hommes. En même temps, cet homme aux mérites duquel tous les hommes devront leur pardon, sera infiniment aimé de Dieu, puisqu'il méritera à tous les hommes le pardon d'un crime infini.

<< Or, Dieu ne peut haïr infiniment que l'être infiniment haïssable, qu'un homme chargé de péché; ni aimer infiniment qu'un être infiniment aimable, que lui-même, que Dieu. Cet homme sera donc Dieu, il sera Homme-Dieu.

« L'Homme-Dieu sera donc détruit à la place de tous les hommes pour satisfaire à la justice de Dieu; et tous les hommes seront pardonnés et conservés, par les mérites et la considération de cet Homme

« ZurückWeiter »