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sonne avec laquelle nous nous serons `unis, une humeur parfaitement assortie à la nôtre.

Nos sages s'applaudirent de cette invention. heureuse qui au gré de leurs vœux, réduisoit, le mariage à n'être plus qu'une formalité vaine et illusoire. Nous avons, donné disoient-ils, deux solutions d'un problème dont aucun législateur ne paroit s'être douté : Par quel moyen peut-on conserver dans le mariage la plus grande liberté possible? Nos disciples auront le choix.

Je vois quelque chose de plus parfait encore, dit l'auteur des Moeurs; c'est la suppression de cette formalité du mariage, qui n'est qu'une gêne imposée mal à propos à la liberté que nous tenons de la nature. L'ancienne morale, les lois, les maximes d'honneur, flétrissent le concubinage; ils est temps qu'enfin la philosophie leur impose silence. « Sous quel prétexte qua>>lifie-t-on le concubinage de crime ? C'est une >> union durable entre deux fidèles amans qui » n'ont qu'un cœur, qu'une volonté, qu'une ame. » L'instinct de la nature exige-t-il quelque chose » de plus ? Et qu'a donc de préférable le dur » joug du mariage? Son indissolubilité ? Une >> union fondée sur la tendresse 1'est-elle pas plus » pure, plus sainte, plus estimable que celle > qui n'est affermie que par la nécessité ? » (page 347 et 348.)

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Quel coup, s'écria- t-on, pour les superstitieux et les fanatiques! Il faut dit le philosophe en promenant fièrement ses regards sur son auditoire, <«< il faut qu'ils conviennent de ces vérités sans > contester.» (Ibid.)-Ils sont trop opiniâtres pour cela. J'ai de quoi les confondre. Vous connoissez mon principe: Quiconque est capable d'aimer est vertueux. Qu'ils tremblent : voici la conséquence accablante qui en résulte. Donc le concubinage si calomnié par nos moralistes qui le peignent comme une suite de crimes, est un des plus puissans ressorts des vertus.

Quelques athées applaudirent à ce déiste. Il est digne, dirent-ils, de prendre place parmi nous. Guérissons-le de la foiblesse qu'il a de croire en Dieu; nous aurons en lui un philosophe parfait : ils travaillèrent en effet à lui donner cette dernière façon. Pour mieux piquer son amour-propre, on le tourna en ridicule, en l'appelant le philosophe capucin. Le coup fut manqué. Revenu du vertige qui l'avoit égaré quelque temps, il renonça dans un âge plus mûr à la première de ces qualités pour ne conserver que la seconde. Il ne voulut plus être, quoique en pussent dire ses anciens confrères athées ou déistes qu'un capucin, c'està-dire en langue philosophique, un Chrétien.

Ce fut sans doute une perte pour la philosophie: elle s'en consola sans peine en considérant qu'en dépit de l'apostasie de ce lâche adepte, elle de

meuroit en possession des précieuses découvertes dont il venoit de grossir ses trésors. Le droit de les retenir, malgré le désaveu solennel de leur auteur, ne pouvoit lui être contesté. C'étoit un bien qui lui appartenoit en propre : quels nobles efforts ne fitelle pas pour assurer leur triomphe? Les lois civiles qui consacroient et maintenoient le lien conjugal et l'autorité paternelle, leur opposèrent long-temps une barrière insurmontable; mais enfin cette barrière fut forcée: pour l'instruction du genre humain, la philosophie a été quelques momens sur le trône; elle s'est hâtée d'en profiter pour venger la raison, de ces lois honteuses, fruits de la barbarie des siècles qui les avoient instituées. Autant qu'il étoit possible, tout a été ramené avec énergie à ce droit naturel dont elle nous avoit si bien fait connoître les principes. A la vérité, ses travaux n'ont pas eu toute la solidité dont elle se flattoit. Mais du moins, sous son règne, la France a respiré, libre du joug absurde qui pesoit sur elle depuis tant d'années.

CHAPITRE XV.

Fin de la huitième séance. - Dernières instructions de Voltaire à ses associés. - Leur zèle à mettre leurs projets à exécution. Leurs succès.

Le code de doctrine de nos sages étoit achevé, un secrétaire eut ordre d'en faire la lecture à haute voix. Il fut trouvé excellent, admirable, digne en tout de la philosophie, propre à élever le siècle où il verroit le jour à une hauteur incalculable, et à lui assurer pour toujours à l'exclusion de tout autre le nom glorieux de siècle des lumières; il ne restoit plus qu'à le commenter et à le publier. Ce soin fut abandonné au génie de chacun des coopérateurs : on sait comment ils s'en sont acquittés.

D'Alembert gardoit le silence: mais il n'étoit pas moins ardent à servir la cause commune. C'étoit lui qui sous main excitoit le zèle de ses compagnons dont il rioit quelquefois en particulier avec Voltaire. Mes amis, leur cria-t-il enchanté de leurs travaux, «quel furieux abattis » nous allons faire dans la forêt des préjugés ! » C'est pour cela, dirent en eux-mêmes quelques uns des assistans dont la philosophie consistoit à

moquer de tout, «c'est pour cela

» terons bien des fagots.» (*)

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que nous débi

Cependant ils n'étoient pas sans inquiétude sur le sort de ces fagots: Ils craignoient que le public ne les rejetât avec mépris. Et pourquoi cette crainte qui nous déshonore? leur dirent d'autres philosophes; les passions ne sont-elles pas d'intelligence avec nous pour accréditer nos raisonnemens et nos systèmes?-Les préjugés les repousseront: Vous voyez que nous les attaquons sans ménagement.Il est possible que les préjugés s'opposent à nous dans le principe, mais soyons persévérans et nous triompherons. - Et croyez-vous que ce triomphe soit durable? Pourquoi ne le seroit-il pas ? Les passions sont intéressées à le maintenir. On pourra se dégoûter de nos idées. -Nous devons nous y attendre. Qu'importe ? On ne reviendra pas pour cela à la religion, et c'est tout ce qu'il nous faut. Quand une fois on en a perdu le goût, il est difficile de le reprendre ; il est plus difficile encore de le prendre quand on ne l'a jamais eu. (Em., t. 3.) Il faudroit se faire d'autres idées, d'autres affections, se donner un nouveau cœur et un nouvel entendement. Quel travail et à quoi conduiroit-il ? à des résultats désolants pour les passions. Ce seroit bien la peine de l'entreprendre on jugera qu'il vaut mieux

(*) C'est la réponse que fit une dame à ce propos de d'Alembert.

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