Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

ce sujet «< il est vrai que je prêche l'athéisme; je » suis athée et je m'en fais gloire. (*) Un véri» table athée a nécessairement un caractère ferme >> et décidé, il est très-éclairé et il a profondé» ment médité et long-temps réfléchi. Un igno» rant, un homme foible, celui qui a des idées >> courtes, de la timidité dans le caractère ne sera >> jamais un véritable athée. » (nouv. péns. phil.)

Damilaville à ces mots s'écrie avec transport : ce portrait de l'athée ne convient à personne plus qu'à moi ; j'ai atteint la perfection de l'athéisme. Je fais plus que nier l'existence de Dieu : JE LE

HAIS.

Ce trait fit plaisir à Voltaire. L'entendez-vous? dit-il à d'Alembert; «il hait Dieu : j'aime l'intré>> pidité de son ame; il a l'enthousiasme de Saint>> Paul : c'est un homme qui nous est nécessaire.» (23 décembre 1769 et 13 janvier 1770.)

la

Cependant il paroissoit de mauvaise humeur. L'athéisme, sur-tout celui qui va jusqu'à la haine de Dieu avoit des charmes pour lui; il venoit de le prouver; mais il étoit effrayé des conséquences que cette doctrine pouvoit avoir pour société. « L'athée fourbe, ingrat, calomniateur, >> brigand, sanguinaire, a-t-il dit depuis, raisonne » et agit conséquemment, s'il est sûr de l'impu» nité de la part des hommes; car s'il n'y a point

(*) Hé! Monsieur, répliqua le ministre, vous sauriez à má place que si Dieu n'existoit pas, il faudroit l'inventer.

de

1

» de Dieu, ce monstre est son dieu à lui-même ; >> il s'immole tout ce qu'il désire, ou tout ce >> qui lui fait obstacle. Les meilleurs raisonnemens » ne peuvent pas plus sur lui, que sur un loup » affamé de carnage.

» Le sénat de Rome étoit presque tout com» posé d'athées de théorie et de pratique, c'est» à-dire, qu'il ne croyoit ni à la providence, ni » à la vie future. Le sénat étoit une assemblée » de philosophes, de voluptueux, d'ambitieux, >> tous très-dangereux, et qui perdirent la répu>>blique factieux dans le temps de Sylla et de » César, ils furent sous Auguste et Tibère, des >> esclaves athées.

:

» Je ne voudrois pas avoir affaire à un prince » athée, qui trouveroit son intérêt à me faire >> piler dans un mortier, je suis sûr que je serois » pilé. Je ne voudrois pas si j'étois souverain, >> avoir affaire à des courtisans athées, dont » l'intérêt seroit de m'empoisonner; il me faudroit >> prendre au hasard du contre-poison tous les >> jours.

» Il est donc absolument nécessaire pour les » princes et pour les peuples, que l'idée d'un >> Être-suprême, créateur, gouverneur, remu» nérateur et vengeur, soit profondément gravée >> dans les esprits. >>

Telles étoient les pensées qui agitoient Voltaire, pendant que ses amis clabaudoient contre

Dieu. Il trouvoit pour cette raison qu'ils s'abandonnoient trop à leur zèle. D'ailleurs, leur imprudence trahissoit le secret de la philosophie. II en fit ses doléances à son ami d'Alembert.

<< Sur l'existence de Dieu, lui dit celui-ci, ils >> me paroissent trop fermes et trop dogmatiques, > et je ne vois en cette matière que le scepticisme » de raisonnable. Non en métaphysique ne me » paroît guère plus sage que oui: non liquet est » la seule réponse raisonnable à presque tout. » D'ailleurs, indépendamment de l'incertitude de » la matière, je ne sais si on fait bien d'attaquer > directement et ouvertement certains points aux» quels, il seroit peut-être mieux de ne pas » toucher.» (25 juillet et 4 août 1770.)

Rien de mieux imaginé que cette philosophie de d'Alembert: elle a tous les avantages de l'athéisme, puisque douter de l'existence de Dieu, au fond c'est la nier; et elle n'en a pas les inconvéniens, puisque par là, on se dispense d'entrer en discussion avec les défenseurs de ce dogme; ce qui peut devenir embarrassant. Aussi a-t-elle été adoptée, ou à peu près par nos athées modernes. Demandez-leur pourquoi les choses sont: elles sont, vous répondront-ils, parce qu'elles sont. -Ont-elles une cause? Oui, si elles en Et cette cause quelle est-elle ? — Elle est ce qu'elle est. - «La matière mue, disent les » théistes, nous montre une volonté; la matière

ont une.

» mue selon de certaines lois nous montre une >> intelligence.» La cause première est donc intelligente. -Oui si elle existe et si elle est intelli

gente. Mais enfin, raisonnons. Mais enfin,

nous ne voulons pas raisonner, parce que « nous >> ne voyons en cette matière que le scepticisme >> de raisonnable. » D'ailleurs, abrutis comme vous l'ètes par vos vils préjugés, que pourriezvous comprendre à notre langage? Et tout fiers de cette force d'esprit qu'ils viennent de déployer, ils vous imposent silence, en vous lançant de cette hauteur à laquelle leur sublime génie s'est guindé, un regard de cette pitié insultante qu'un philosophe doit concevoir naturellement pour un homme qui ne l'est pas.

CHAPITRE VI.

Suite de la sixième séance. Foible résistance que les déistes opposent aux athées. -Efforts de Rousseau et de Voltaire, pour les réconcilier ensemble.

Opinions de Voltaire sur Dieu et sur l'athéisme.—Sortie de Rousseau contre les athées. - Schisme qu'il fait avec eux, et avec les autres philosophes.

A force de clameurs, les athées s'étoient enfin rendus presque entièrement maîtres du champ de bataille. Les déistes cependant leur résistoient encore. Alors Rousseau, s'avança au milieu de l'assemblée. «< Son objet étoit de rapprocher les >> deux partis par une estime réciproque, et » d'apprendre aux philosophes qu'on peut croire » à Dieu sans être hypocrite, et qu'on peut être > incrédule (ou ne pas y croire,) sans être un >> coquin.» (lett. à Vern.) Il avoit pour cela conçu le plan d'un roman dont les personnages, tous hors de la nature, devoient selon lui, rendre sensible cette grande vérité. L'un d'eux étoit un athée assez peu délicat, pour épouser malgré elle une fille dont il savoit les aventures, et qui faisoit venir auprès d'elle l'amant dont elle étoit

« ZurückWeiter »