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>> cabinet, est de faire les athées de cour. C'est >> Chiron qui élève Achille il le nourrit de >> moelle de lion. Un jour Achille traînera le > corps d'Hector autour des murailles de Troie, >> et immolera douze captifs innocens à sa ven » geance.» (Quest. sur l'enc., art. Dieu.)

A ce hardi discours aucun n'osoit répondre : Par des traits trop puissans ils se sentoient confondre d'ailleurs, c'étoit Voltaire qui parloit : sous peine de perdre le brevet d'homme de génie qu'on avoit reçu de lui, il falloit se taire et écouter. Et puis, que leur demandoit-il ? d'admettre à tout hasard un Dieu d'une existence assez incertaine pour s'en moquer dans leurs satires et dans leurs contes, sauf à chercher en lui dans le besoin quelque consolation, et à le montrer de temps en temps aux grands de la terre comme le vengeur du crime. C'étoit bien la peine de le contredire ! Ils gardèrent donc le silence : ce qui put confirmer Diderot dans l'opinion où il étoit que «le déiste >> seul peut faire tête à l'athée, et que le supersti » tieux n'est pas de sa force ; » vérité importante pour la philosophie dont Rousseau ne tarda de fournir de nouvelles preuves.

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Lorsque ce dernier vit les esprits heureusement calmés par Voltaire, il s'avança une seconde fois au milieu de l'assemblée; là il exhala contre le christianisme tout le fiel dont son ame s'abreuvoit

en secret depuis long-temps. Son discours qui fut long et dont il a depuis composé le dernier chapitre de son Contrat social lui concilia, comme on devoit s'y attendre, la bienveillance des athées. Alors s'adressant à eux, il leur demanda grâce pour une profession de foi qui sera, dit-il, purement civile. «Le souverain en fixera les articles >> non pas précisément comme dogmes de reli>gion, mais comme sentimens de sociabilité, >> sans lesquels il est impossible d'être bon citoyen » ni sujet fidèle. Et quels sont ces dogmes? >> lui demanda-t-on. - L'existence de la Divinité >> puissante, intelligente, bienfaisante pré» voyante et pourvoyante, la vie à venir, le >> bonheur des justes, le châtiment des méchans, >> la sainteté du Contrat social et des lois. >> (Contrat social, l. 4, c. 8.)

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Plusieurs athées murmurèrent. Quoi ! direntils, encore ces dogmes qui nous rendent le christianisme si odieux ! - Que vous êtes simples! leur répondirent d'autres athées dont les vues étoient plus profondes; laissez-le faire, ne voyezvous pas que c'est détruire ces dogmes que les rabaisser à n'être plus que des dogmes purement civils! Quelle solidité peuvent avoir des articles de foi fixés par les hommes? Allez si jamais la : philosophie peut amener un peuple à porter un décret par lequel il reconnoit l'Étre-suprême et l'immortalité de l'ame, soyez sûrs que ce peuple

sera

sera athée de cœur ou d'esprit, peu importe, ou à la veille de le devenir.

Cependant, on proposa à Rousseau cette petite difficulté. De quel droit le souverain exigera-t-il des citoyens qu'ils croient les dogmes dont vous venez de faire l'énumération? « Sans pouvoir » obliger personne à les croire, répondit-il, il » pourra bannir de l'état quiconque ne les croient » pas. Que si quelqu'un après avoir reconnu pu>> bliquement ces mêmes dogmes, se conduit » comme ne les croyant pas, qu'il soit puni de » mort ; il a commis le plus grand des crimes, il >> a menti devant les lois. >>

Les athées se regardèrent avec étonnement. Tudieu ! dirent-ils, quelle rigueur pour maintenir une profession de foi purement civile ! les Chrétiens que nous voulons peindre si intolérans, ne sont jamais allés aussi loin que le bon, l'humain, le sensible Jean-Jacques.

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Pourquoi murmurez-vous? leur dit-il il ne s'agit que de nous entendre. « Ce n'est pas comme >> impie que je veux que l'athée soit banni de l'état > ou mis à mort; c'est comme insociable, comme >> incapable d'aimer sincèrement les lois, la justice, et d'immoler au besoin sa vie à son » devoir.» (Ibid.)

Rousseau s'arrêta, attendant des applaudissemens pour cette distinction heureuse, à l'aide de laquelle il ne sacrifioit que le philosophe et mettoit

à couvert la philosophie. Les athées, malgré leur mécontentement ne purent s'empêcher d'en rire.

O Rousseau, mon cher et digne ami, lui dit Diderot, (Encyc.) à quoi pensez-vous donc ? «Sans >> doute il n'est point de vertu sans croire en Dieu; >> point de bonheur sans vertu. Des athées qui se >> piquent de probité, et des gens sans probité qui >> vantent leur bonheur, voilà mes adversaires. >> (Ess.sur le mérite et la vertu) « Non, je ne croirai » jamais ni à la bonne foi, ni à la probité d'un » prédicant de l'athéisme. Car si l'athée est éclairé; » (et il doit l'être, autrement il ne seroit pas > athée, il sentira que de toutes les opinions » en matière de religion, c'est la sienne qu'il est >> le plus dangereux de répandre pour le bonheur » de la société et la sûreté des citoyens. » (Nouv. pens. phil., p.31 et 36.) Mais quelle prise le gouvernement peut-il avoir sur lui? << Si j'avois le » malheur d'être athée, je nierois sans balancer » que je le suis si l'on exigeoit de moi une pro>> fession de foi. Un athée abjure toutes les reli>> gions pour n'en reconnoître aucune. On peut » donc, lorsqu'on a abjuré toutes les religions, » sans manquer à la vérité, se dire de la religion » dans laquelle on est né.» (Ibid. 38 et 39.) Vous voulez qu'on condamne l'athée au bannissement ou même à la mort. Hélas! et moi aussi. Votre digne admirateur Mercier, me rendra témoignage, que j'employai un jour deux heures

de suite à lui prouver que les lois n'auroient pas tort de brûler un athée en place publique. (De J. J. considéré comme l'un des premiers auteurs de la révolution, t. 2, p. 137.) Néanmoins « c'est >> un homme que je plains, parce que je le crois >> dans l'erreur: je désire qu'il la reconnoisse, ma >> religion me le commande. Mais je ne puis le » blâmer : c'est la force de sa raison qui l'a égaré. » (*) Il faut en convenir, l'existence de Dieu » répugne à la raison de ceux qui ne l'adorent » pas.» (Ibid. 37 et 25.)

Diderot, venoit d'exprimer une vérité profonde: c'étoit le véritable principe de l'athéisme qu'il dévoiloit sans s'en douter. « Si les objections contre >> l'existence de Dieu, dit-il, ont paru insoutena» bles au célèbre Sannderson, c'est qu'il avoit une » pureté de mœurs, et une ingénuité de caractère » qui manque aux athées.» (Lett. sur les aveug.)

» J'avoue naïvement, répondit Rousseau, que » sur l'existence de Dieu, ni le pour, ni le contre > ne me paroissent démontrés. (Lett. à Volt.)

(*) Voilà pourquoi, on ne compte aucun athée dans la multitude des hommes célèbres du siècle de Louis XIV. Aucun n'avoit une raison assez forte pour l'égarer: aucun n'avoit un caractère ferme et décidé; aucun n'avoit profondément médité, ni long-temps réfléchi : ils étoient tous des ignorans, des hommes foibles, d'un caractère timide; leurs idées étoient très-courtes d'ailleurs ils adoroient Dieu. Aussi Diderot, n'a pas eu pour les grands écrivains de ce siècle cette sorte de respect qui les lui auroit fait juger dignes de travailler à l'Encyclopédie,

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