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de MM. Thiers et Odilon Barrot, mais catholique à la manière de l'Évangile et des Pères de l'Église, ce qui est fort différent. » Il continue en disant (avec le Christ républicain) que le règne de Dieu doit arriver sur la terre comme au ciel. « C'est donc en ce monde et sur terre que ceux qui ont faim doivent être rassasiés et que ceux qui pleurent doivent être consolés. Le socialisme qui se propose cette sainte mission ne fait donc qu'accomplir la volonté de Dieu et préparer l'avènement de son règne. Là-dessus il prouve que la maxime : « A chacun selon ses œuvres » est de saint Matthieu; il reprend les citations des Pères sur le prêt à intérêt, combat la rente, etc., etc.

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Lorsqu'on retrouve ces élucubrations, on ne s'étonne plus qu'Arnaud (de l'Ariège) ait demandé d'introduire le droit au travail, comme un principe chrétien, dans le préambule de la Constitution. On ne s'étonne pas non plus de ces tentatives de fusion ou de confusion qui s'engageaient sous couleur de conciliation universelle. Le lendemain de la mort de l'archevêque de Paris, le général Cavaignac écrivait aux grands vicaires : <«< Depuis trois mois le clergé s'est associé à toutes les joies de la république; il vient de s'associer à ses douleurs ». Il s'associait aussi à ses illusions, dont

1. Séance de l'Assemblée nationale du 13 septembre 1848.

beaucoup étaient généreuses. Dans cet essor de fraternité, le christianisme protestant faisait peu de bruit. Son principal organe, le Semeur, était bien pâle. Il n'en demandait pas moins un rapprochement des communautés religieuses, un nouveau concile ou au moins une alliance. Cet appel avait trouvé un écho dans beaucoup de cœurs catholiques un beau jour, paraît-il, on vit l'abbé Deguerry, curé de la Madeleine, se promener bras dessus bras dessous, aux applaudissements de la foule, avec le pasteur Athanase Coquerel, dans une sorte de procession manifestante comme on en voyait tant à cette époque enthousiaste et troublée.

V

Il fallut bien cependant qu'on s'expliquât : il fallut voir de près ce que les uns voulaient obtenir et ce que les autres voulaient ou ne voulaient pas concéder. Après les avances des socialistes aux catholiques et cellesfdes catholiques aux socialistes vinrent graduellement les réflexions des personnages principaux dans chacun des deux groupes; et les mains tendues les unes vers les autres ne tardèrent pas beaucoup à se retirer ou à se fermer.

Pour ceux qui ne voulaient pas s'aveugler eux-mêmes, les événements marchaient vite.

Commençons par ceux qui, d'habitude, prenaient tout en riant. Le Charivari ne laisse pas que d'être un guide assez précieux pour qui veut suivre à la piste les idées, les désirs et les craintes journalières du moment. Dès le 10 mars, il sent le besoin d'écrire un article spécialement destiné aux ouvriers, et il leur dit : « Nous avons assez ri, permettez-nous maintenant de vous faire réfléchir ». Et il essaye de les prémunir contre ceux qui veulent faire table rase et qui, au moment où la république a besoin du concours de tous, les poussent à confisquer le gouvernement à leur profit, « comme s'il n'y avait que les ouvriers de citoyens dans la république ». C'est le 29 avril que Cham commence

la série de ses célèbres et amusantes caricatures sur les communistes. C'est le 1er mai qu'il signale pour la première fois la peur du bonapartisme. Si l'on prend l'ensemble de la presse, c'est au commencement d'avril que les journaux conservateurs commencent à se préoccuper vivement de la question sociale et des progrès du communisme.

Ce communisme, quand la pression des âmes naïves ne l'obligeait pas à traiter le christianisme avec une faveur apparente, laissait vite voir ses véritables sentiments. Ceux-ci, par exemple, éclataient bien dans les articles que publiait le Peuple, au moment où (décembre 1848) on annonçait comme possible l'arrivée du Pape

à Paris. « Le catholicisme est notre ennemi. Si

aujourd'hui le suffrage universel a donné de si pitoyables résultats, c'est au catholicisme que nous le devons. Entre le catholicisme et le socialisme, il n'y a rien de commun1. >> La feuille de Proudhon poursuivait en signalant l'hypocrisie du National, qui « ne rougit pas, disait-elle, de tendre la main au chef du catholicisme». Deux jours plus tard, elle revenait à la charge, en élargissant le terrain du combat: « L'Univers dit ce matin qu'il n'y a rien de commun entre sa religion et la nôtre il a raison. La sienne consacre tous les despotismes et voudrait faire accepter aux misérables, en échange d'un bonheur hypothétique, toutes les peines et toutes les douleurs, fruits d'une mauvaise organisation sociale; la nôtre prêche l'égalité et la liberté, elle croit que l'homme a été mis sur la terre pour jouir de la vie. » Ce thème une fois dessiné par le maître, le disciple Langlois le reprenait, peut-être pour en adoucir un peu les teintes : et tout en persistant à dire 2 que, pour son compte, il préférait encore l'Évangile aux doctrines intermédiaires, comme celle de Victor Cousin, il opposait la doctrine de la justice, « qui est celle des socialistes », à la doctrine de la résignation, « qui est celle des catholiques » :

1. Le Peuple du 7 décembre 1848. 2. Le Peuple du 18 décembre.

2

Devant de pareilles professions de foi, les catholiques éclairés ne devaient pas hésiter bien longtemps. Il y eut d'abord entre eux quelques divergences; mais bientôt tous (ou très peu s'en faut) se rallièrent dans des efforts communs de résistance. Le numéro du Correspondant qui suivit le 24 février avait comme abrité deux idées un peu différentes l'une de l'autre. Ozanam s'était chargé d'y écrire un manifeste qu'il avait intitulé l'Attente et l'Action. A vrai dire, il semblait annoncer et désirer, quant à lui, plus d'action que d'attente. « Derrière la révolution politique, nous voyons une révolution sociale; nous voyons l'avènement de cette classe ouvrière qu'on ne connaissait pas assez, qui a sauvé les personnes et les biens de la bourgeoisie, quand la bourgeoisie n'avait rien fait pour elle et repoussait même depuis vingt ans, comme des questions incendiaires, toutes celles qui touchent à l'organisation du travail. Ces problèmes sont formidables; nous les traiterons sans imprudence, sans illusion, mais sans timidité. » Cette note, ce fut désormais à l'Ère nouvelle qu'Ozanam la fit entendre. La tendance destinée à dominer dans la rédaction du Correspondant s'était manifestée dans un autre article, non signé, qui suivait immédiatement celui d'Ozanam, sous ce titre : la République. On y disait bien : « Nous devons être moins sévères pour les hommes d'aujourd'hui que pour ceux d'hier »;

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