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tection des divers peuples? Il faudrait cependant qu'elle le fit, si elle devait aider les souverains à organiser leurs industries respectives et à assurer dans chaque corporation privilégiée l'ensemble des avantages temporels que l'Association catholique prétend dus à chaque travailleur.

Il ne nous reste plus qu'à résumer brièvement nos conclusions : c'est un travail qui nous est rendu bien facile par l'immortelle encyclique de Léon XIII.

III

Toutefois avant d'en venir à l'encyclique ellemême, il ne sera pas inutile de rappeler certaines déclarations parties du centre catholique dans la période contemporaine elles aideront à reproduire plus fidèlement la suite ininterrompue de la tradition.

En 1881, 1882 et 1883, une réunion de théologiens, travaillant avec l'agrément du Pape, rédigeait, à Rome, une série de propositions longuement étudiées sur le travail, la propriété, la répartition des gains. Parmi les remarquables formules sorties de ces délibérations, il

1. Voir l'Association catholique de décembre 1886.

suffira de citer celles qui ont trait aux rapports du salaire et du capital. Elles étaient toutes dominées par cette proposition si sensée : « Chacun a droit à une part de gain qui correspond à la part qu'il a prise à la réussite de l'entreprise ». Il n'est point malaisé de remarquer la portée voulue de ce mot « réussite »>, et la préoccupation de résister au socialisme ouvrier, en lui rappelant les droits des autres facteurs de la production. Le travailleur, néanmoins, doit être payé le premier et ni le capitaliste, ni l'entrepreneur, ne sauraient arguer de la disparition de leurs bénéfices pour se dispenser de payer des salaires; mais dans l'intérêt même des salariés, il est à souhaiter que ceux qui les emploient fassent des bénéfices; car si on peut les obliger à payer les ouvriers qu'ils ont engagés, on ne peut pas les obliger à en engager d'autres pour perdre à nouveau de

l'argent.

« Il faut que le propriétaire de la valeur (de la chose qui sert de base à l'entreprise) gagne assez pour conserver un intérêt dans l'entreprise; mais puisqu'il n'engage ni son temps ni ses forces, pouvant les employer utilement d'une autre façon, et que le gain qu'il veut retirer dépasse généralement le nécessaire, il ne doit être contenté qu'après les autres participants (travailleurs et directeurs), lesquels travaillent pour gagner le nécessaire.... Il y a, du

reste, un intérêt général à ce que le propriétaire de la valeur puisse prélever un gain suffisant, pour conserver la valeur de la propriété, pour encourager l'épargne, le maintien et la création d'utiles entreprises économiques; mais cet intérêt est secondaire à côté de celui de la conservation de la vie humaine. » Toutes ces équitables pondérations n'empêchent pas que la formule ne soit nettement opposée aux tendances autrichiennes et à ceux qui les ont suivies.

Non moins conforme aux lois de l'économie politique « moderne » semblera cette formule: « Si le produit est l'effet d'un travail appliqué à la propriété d'un autre, il faut, en l'absence d'un droit acquis, un mutuel accord pour fixer le droit du travailleur et celui du patron». II est à croire que les rédacteurs de la proposition n'eussent point fait un pareil appel au « mutuel accord» ou au contrat, s'ils eussent eu la conviction qu'une des deux parties est forcément opprimée et hors d'état de stipuler librement.

Mais bientôt Léon XIII parle en personne.

Dans son encyclique Immortale Dei1, sur la constitution des États, il rappelait que l'Église n'avait jamais favorisé l'accroissement indéfini du pouvoir central et de l'action de la loi proprement dite: « Toutes les institutions, disait-il,

1. En 1885.

qui ont pour but soit de protéger les peuples contre les caprices tyranniques des princes, soit d'empêcher le pouvoir central (summam rempu blicam) d'intervenir d'une façon importune dans les affaires municipales ou domestiques; toutes celles qui relèvent la dignité de la personne humaine ou sont de nature à garantir à chaque citoyen l'égalité des droits, l'Église catholique les a ou bien établies, ou bien prises sous sa protection, ou bien conservées : les monuments historiques des âges précédents sont là pour l'attester. » Sous Pie IX, en 1865, la Civiltà cattolica, qu'on a si souvent représentée comme l'organe officiel de l'absolutisme politique, avait dit en termes plus philosophiques ou plus techniques : « La doctrine de l'État de la Révolution ne montre pas dans la société un organisme vivant, composé d'éléments organisés euxmêmes, dont chacun a sa vie propre, ses propres lois, qui ne peuvent pas lui être enlevés. On n'y voit qu'un mécanisme inerte, fait de leviers et de rouages, qui ne saurait être actionné que par une force motrice extérieure, celle du gouvernement du moment. >>

Ces textes ne visent point directement le régime industriel ou économique. Mais n'y sontils pas applicables? Ne nous préparent-ils pas à comprendre que la vraie théorie chrétienne est une théorie où chacun doit organiser sa vie propre (avec l'aide morale de la religion, sans

doute, et sous la protection de la loi), mais en sacrifiant le moins possible sa dignité au désir de se voir privilégié par le « gouvernement du moment »>! Tout n'est point louable tant s'en faut, tout n'est point acceptable dans la vie des nations modernes. Quand Léon XIII n'était encore que le cardinal Pecci, archevêque de Pérouse, il savait (dans le carême de 1877) flétrir les abus de la civilisation contemporaine : la production considérée comme la fin suprême de l'homme, la surcharge des heures de travail, l'abrutissement des enfants « conduits dans des manufactures où la phtisie les guette au milieu de leurs fatigues précoces », la frénésie du travail arrachant la mère au foyer domestique, la fureur de tenir tous les hommes rivés à la matière, plongés et absorbés en elle; «< d'un côté, des frémissements désespérés, qui n'attendent qu'un signal pour se convertir en des actes de sauvagerie; de l'autre, des divertissements obscènes, des danses condamnables, une corruption à la mode ». Mais il terminait cette énumération par ces paroles : « S'il existe un 1 moyen de faire cesser le mal contemporain et de conjurer les périls futurs, ce ne peut être que votre fidélité aux lois de Dieu et de son Église, manifestée courageusement par leur

1. Un seul appel était fait « aux lois » : c'était pour interdire le « trafic sans humanité » du travail prématuré des enfants dans les manufactures.

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