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Des textes examinés jusqu'ici, nous pouvons donc, ce semble, conclure: Il pourrait y avoir un socialisme chrétien, s'il se trouvait un mode de socialisme qui, se conformant à la prédication des Livres saints, réussît à mieux empêcher le vol, à mieux protéger la famille, à mieux rendre à chacun ce qui lui est dû, à diminuer les abus de la force, à resserrer la solidarité des individus.

Il y aurait encore un socialisme chrétien, s'il se trouvait une organisation socialiste qui, sans réussir par elle-même à procurer tous ces avantages, consentît à en recevoir une partie de l'influence morale du christianisme.

Mais si l'on veut parler d'un régime autoritaire et niveleur, cherchant des moyens humains de régenter le travail et d'imposer l'égalité; en ce sens, on peut dire hardiment qu'il n'existe pas de socialisme ou biblique ou évangélique, autrement dit pas de socialisme chrétien....

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CHAPITRE II

LA TRADITION. LES HÉRÉSIES

L'Église en tant que société.

- I. Le préjugé sur les Pères de l'Église. L'Eglise primitive de Jérusalem: en quoi elle se comportait comme la plupart des minorités proscrites.

tenue.

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Comment pourtant on y respectait la liberté. La vie chrétienne se mêlant à la vie sociale sans la détruire et en s'en accommodant. La charité toujours libre dans l'Église. La tradition de la Bible et de l'Évangile mainLa propriété ecclésiastique. — II. Vrai sens des prédications des Pères sur la richesse et la pauvreté, Par essence, les richesses ne sont ni bonnes ni mauvaises. La richesse et la santé. Textes de Clément d'Alexandrie, d'Origène, de saint Basile, etc. Le prêt à intérêt. III. Le problème de l'inégalité des conditions. Les divers sens de l'expression état de nature. L'égalité spirituelle et l'égalité du droit, les seules auxquelles tienne le christianisme. Doctrine des Pères sur la loi naturelle, la loi positive, la loi divine et leurs rapports. · · Les Pères n'ont pas méconnu le droit naturel. Texte de saint Augustin sur la mobilité inévitable du droit positif. IV. Opinions des Pères sur le communisme de Platon. Textes décisifs. Platonisme et manichéisme. Manichéisme et gnosticisme. Gnosticisme et socialisme. Carpocrate et Proudhon. Fond de ces hérésies: la condamnation des richesses liée au mépris du corps et de la nature. Marcionites, ébionites. Suite de ces hérésies

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dans la secte des cathares et des albigeois. Les vaudois. Les fratricelles. Les anabaptistes.

Dans l'Église,

le socialisme n'est représenté que par les hérésies.

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Voici cependant l'Église chrétienne qui se constitue elle-même à l'état de société. Elle se dégage peu à peu de la «<loi » mosaïque et des institutions propres aux Juifs. Elle enseigne aux nations une loi jusqu'alors inconnue, elle se mêle à tous les peuples, qu'elle travaille à rapprocher les uns des autres, elle s'adresse à leurs consciences, elle s'efforce de persuader ceux qui les gouvernent; elle leur imprime, quand elle le peut, une direction qui, de proche en proche, tend à «< renouveler toutes choses ».

Dès lors, ne sommes-nous pas destinés à voir grandir chez elle un vrai « socialisme », demandant qu'on mette à la portée de chacun les ressources de tous et qu'on ordonne à tous la pratique effective d'une justice complète?

Aux documents authentiques de répondre!

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Tout récemment, le plus grand journal de Paris contenait l'assertion suivante 1 : « Il n'y

1. Sans pousser bien loin l'indiscrétion, l'on peut dire qu'elle avait toutes chances d'émaner d'un professeur de théologie protestante ou d'un agrégé de philosophie, occupant l'un comme l'autre, parmi leurs collègues, un rang des plus élevés. Voir le Temps du 20 janvier 1891.

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a en somme que deux systèmes possibles, deux théories de l'État. Ou bien l'État est une sorte d'entité métaphysique, avec des droits antérieurs à ceux des individus, une véritable providence, chargée de dispenser les biens et les maux et de faire régner la vertu; ou bien l'État est une assemblée de citoyens formée uniquement dans le but d'assurer à chacun de ses membres le respect de ses droits et de ses libertés. La première doctrine est celle de Platon, des Pères de l'Église et de toutes les sectes communistes; c'est aussi celle de M. de Mun. »

Je n'ai pas l'intention de m'arrêter pour aujourd'hui à ce dernier nom qui personnific, semble-t-il, les aspirations socialistes d'une très grosse fraction des catholiques actuels. Mais une fois de plus on vient de nous donner Platon, les Pères de l'Église et les communistes comme for

mant les anneaux successifs et étroitement unis d'une même chaîne. Est-ce vrai? Est-ce faux? Il est peu de problèmes historiques ou philosophiques dont l'importance dépasse celle de cette question.

En fait, on ne peut nier que la première Église

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de Jérusalem ne vécût dans une communauté assez étroite. Ce fut la continuation - peu prolongée, du reste de cet état dont parlent les Actes des Apôtres. Était-ce une communauté obligatoire? Les paroles mêmes si connues de saint Pierre à Ananie prouvent que non. Était-ce

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communauté absolue de tous les biens? Aucun texte ne le prouve, et l'historien protestant Mosheim'estime qu'il y avait là tout simplement un régime où la charité des riches envers les pauvres était toujours active et en quelque sorte illimitée, mais libre. « Nul ne regardait comme étant à lui rien de ce qu'il possédait », dit le récit apostolique. Donc on pouvait rester légitime propriétaire de ce qu'on avait, tout en mettant en commun les fruits et les revenus. C'est là une interprétation que rien ne repousse et qui n'est nullement contredite par le fait que les plus zélés vendaient ce qu'ils possédaient pour en apporter le prix aux apôtres. C'est le propre de toutes les sociétés naissantes et isolées de serrer ainsi leurs membres les uns contre les autres et de leur persuader un dévouement réciproque. C'est aussi quelquefois le cas de certaines castes affaiblies qui expirent au milieu de l'hostilité de leurs contemporains. Là, comme ailleurs, les extrêmes peuvent se toucher.

Sous ce rapport, l'histoire de l'Église permet

d'établir une distinction très nette entre les premiers chrétiens et les esséniens avec lesquels on a cherché souvent à les confondre. Les essé

niens étaient une secte fatiguée du vieux judaïsme; ils représentaient le dégoût des sanc

1. Dissertation sur l'histoire ecclésiastique, 11, 14. 2. Actes, IV, 32.

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