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vous accomplissiez la volonté de Dieu, aurionsnous besoin de telles paroles? Prête aux pauvres ; c'est Dieu qui te répond pour eux, c'est Dieu qui te payera! >>

Ces aumônes ou ces prêts d'argent ne sont cependant pas des libéralités que les Pères recommandent aveuglément, indistinctement, comme on les en a tant de fois accusés. Sans doute, celui qui tient à donner pour donner et pour soulager sa conscience, celui-là n'est point blâmable. On ne lui fera tout au moins que des reproches bien légers, car on sait que le plus difficile est d'obtenir la volonté de donner, et c'est à quoi le prêtre s'efforce: là est sa mission. C'est à lui à rappeler qu'il est inhumain et peu chrétien de garder pour soi seul les avantages, quels qu'ils soient, dont on jouit. jouit. « Si tu as la santé, viens en aide aux malades; si tu es riche, viens en aide aux pauvres ; si tu es joyeux, viens en aide à celui qui est triste1. » Mais si, à la prédication pure et simple du dogme, le docteur de l'Église a su allier quelque étude des lois du monde moral, il ne dédaignera pas d'avertir la prudence du fidèle. Ainsi fera saint Ambroise. Il rappellera qu'il faut songer d'abord aux siens, puis à ses domestiques, puis aux gens de bien. Il expliquera que l'aumône doit être justifiée par diverses considérations, fide, loco, causa, tem

1. Saint Grégoire de Nazianze, Oratio XIV, 26. 2. De officiis ministrorum, 1, 28, 157.

pore. Il ne faut pas non plus qu'elle soit sans limites Dieu ne veut pas que l'on gaspille ses richesses, mais qu'on en dispense les bienfaits (non effundi, sed dispensari).

Plus loin, le même Père1 énumère les principales espèces de libéralités que doit s'imposer un chrétien, quand il le peut. Ce sont toujours les mêmes: « Racheter des captifs, arracher des femmes au déshonneur, rendre des enfants à leurs parents et des citoyens à leur patrie, doter des jeunes filles... ». Mais de pareilles générosités ne sont pas à la portée de tout le monde. Il y a beaucoup d'honnêtes gens qui ont des ressources modestes ils ne peuvent en apparence rien donner pour alléger la pauvreté d'autrui; et cependant il est un genre de bienfaisance qui leur permet d'aider leurs inférieurs; car «< il est une générosité qui agit sans donner d'argent et qui trouve le moyen de rendre service, et bien souvent c'est de beaucoup la plus belle, de beaucoup la plus éclatante ».

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Dans tout cela, je ne vois guère de communisme ; je ne vois même pas poindre ce socialisme d'État demandant à l'action des pouvoirs publics de rétablir (en l'imposant) un équilibre plus exact dans la coopération toujours nécessaire des riches et des pauvres. Je ne vois pas non plus que les Pères aient devancé la théorie socialiste

1. De officiis ministrorum, II, 13.

du droit au crédit et du crédit à tous, par leurs recommandations sur les prêts.

Il est certain que le prêt à intérêt est suspect à la grande majorité des Pères de l'Église. Aussi fut-il positivement défendu aux « clercs » de prêter à intérêt. Mais il est inutile de revenir sur une question aussi épuisée. Tout le monde sait que les Pères n'ont jamais écrit en vue d'une société «< industrielle ». Ils n'envisageaient pas le crédit qui aide un homme à travailler dans des conditions plus avantageuses ou à entrer d'avance en possession d'un capital dont il tirera parti pour fortifier sa situation, en créer une à ses enfants. Ils considèrent uniquement les emprunts faits sous la pression de besoins personnels; et dans ces conditions leur règle est uniforme. Si ces besoins ne sont pas absolument impérieux, ils disent au pauvre : <<< Sache te priver, celá vaut mieux, car l'emprunt te causera bien des déceptions et t'exposera même à bien des fautes ». Si ces besoins sont certains et urgents, ils disent au riche : « Vois ton frère qui souffre, ne spécule pas sur sa misère, fais pour lui ce que tu peux et ce que la charité te

commande ».

Les véritables socialistes reconnaîtront-ils ici des ancêtres? Ils devront en être, ce semble, bien éloignés. N'est-il pas de tradition parmi eux que la charité est un outrage à la dignité de l'homme libre et un outrage à la justice, un moyen hypo

crite de sauver un injustifiable privilège, en sacrifiant une petite partie de ce qu'on détient par accaparement, par monopole ou, plus simplement, par vol? Entre un socialisme qui veut avant tout rendre inutile une charité ainsi soupçonnée et une religion qui fait de cette charité la vertu par excellence, il n'est point aisé d'apercevoir une bien étroite parenté.

III

La démonstration toutefois n'est pas complète ; car on peut dire : « Sans doute, le christianisme essaye d'abord de remédier aux maux qu'il constate, en conseillant aux uns la modération, aux autres la charité. Mais par-dessous cette prédication qui va d'abord au plus pressé, n'a-t-il point une doctrine à lui sur les origines, sur les caractères, sur l'étendue possible de ces maux? Il s'incline devant les riches, non sans les avertir cependant avec une certaine rudesse, et il essaye de relever la dignité des pauvres. Mais que pense-t-il de l'inégalité de leurs conditions? D'où croit-il que vienne la richesse? Ne la juge-t-il pas plus entachée du péché originel que tout le reste de ce qui est humain? Et quand, au lieu de s'adresser aux individus hors d'état de changer les institutions, il sait se faire écouter de ceux qui font les lois et les appliquent, quelles sont

donc les mesures qu'il conseille et qu'il s'efforce d'obtenir? >>

Essayons de répondre à ces nouvelles questions par des textes précis.

C'est une discussion bien ancienne que celle qui porte sur cette difficulté : « L'inégalité des conditions vient-elle de la nature ou vient-elle des hommes? Et si elle vient des hommes, qu'accuse-t-elle ou que met-elle le plus en relief, leur initiative et leur courage ou bien leur égoïsme et leur méchanceté? >>

Dans le développement des idées chrétiennes, le mot de nature prend des acceptions toutes spéciales. Pour un théologien, il désigne souvent l'état de l'homme avant le péché, avant la chute. Cet état se trouvait-il être la perfection? Non, évidemment la perfection n'appartient qu'à Dieu. A quel degré en était-il rapproché ou éloigné? Dans quelle mesure exacte Dieu avait-il entendu départir à la race humaine ses dons et ses grâces? Si nous voulons juger, non par comparaison avec l'état qui a suivi, mais par comparaison avec ce qui était métaphysiquement possible, il faut avouer que nous l'ignorons; car les degrés de l'imperfection nécessaire et inévitable sont infinis, et Dieu était libre de choisir. Cet état primitif était un état d'innocence et de bonheur, nous dit la Genèse. Mais ne comportait-il aucune distinction? Ce serait s'avancer beaucoup que de l'affirmer. Indubitablement il y

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