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surent affronter des héros incomparables, en même temps qu'il fut un éternel sujet de reproche et de honte pour les cœurs avilis.

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C'est de ces victimes volontaires et magnanimes de la religion, dit M. Freppel, c'est d'elles et du divin maître qui les inspirait que date dans le monde cet attachement au vrai et au bien qui fait la noblesse de l'âme; et si, depuis cette époque, le genre humain est entré en possession de ces grandes choses qui ne périssent jamais, le respect de la dignité humaine, l'inviolabilité de la conscience, la liberté du vrai et la liberté du bien; si depuis ce moment-là, en dépit des passions humaines qui survivent à tout, il n'est plus donné à une puissance quelconque d'étouffer la doctrine dans les étreintes de la force, nous le devons, avant tout, après Dieu, à ces hommes héroïques qui ont écrit avec leur sang sur le berceau du monde chrétien, les droits immortels de la vérité. »

Telle est la gloire du christianisme qu'il a vu dès le Ier siècle éclater tout ensemble dans les Pères la pureté et l'unité de sa doctrine, et dans les martyrs sa force et ses vertus. Ce ne sont là sans doute que des commencements; une fois entreprise, l'œuvre de la réformation du monde va toujours grandissant; ni les docteurs, ni les martyrs ne lui font défaut dans la suite. Mais c'est au Ier siècle surtout qu'il faut admirer le côté merveilleux de ce grand mouvement qui doit renouveler l'humanité. Car s'il ne trouve que plus tard toute son expansion et tout son éclat, c'est à son origine qu'il fait plus particulièrement paraîtré sa miraculeuse vertu; c'est alors que les obstacles qu'il rencontre sont redoutables, que ses triomphes sont décisifs, que sa vitalité est surprenante, que chacun de ses caractères est important à constater. Toute la vie, tout l'avenir du christianisme sont dans ce siècle. Il n'est pas une vérité définie par l'Eglise dans la suite qui n'existe en germe dans les dogmes fondamentaux proclamés et enseignés dès cette époque, pas un progrès de la constitution ecclésiastique, du culte ou de la discipline, qui ne soit l'épanouissement naturel des principes et des règles posés, reconnus dès ce temps. L'arbre divin est planté, il croît arrosé sans cesse par un sang nouveau. Si ses rameaux n'ont pas atteint tout leur développement, s'il n'enlace pas encore toutes les parties de l'univers, au moins jette-t-il déjà dans le sol de si profondes racines qu'on peut s'attendre à le voir bientôt répandre partout son ombre tutélaire, trop vigoureux pour être jamais abattu. Grand siècle que celui-là! grande œuvre dont les Pères apostoliques ne sont pas seulement les glorieux instruments, mais encore les historiens ardents et convaincus. Avec eux commencent ces grandes annales de la société chrétienne, cette tradition vivante où l'Eglise retrouve tous ses titres de gloire, où le fidèle cherche pour sa foi un fondement qui ne

lui fait jamais défaut, où son espérance se rajeunit éternellement. Bientôt elle retentira par le monde entier, cette puissante voix de la tradition; dès le II et le IIIe siècle par la bouche des Justin, des Clément d'Alexandrie, des Origène, des Tertullien, des Cyprien, elle se fera pourtant entendre, et viendra confirmer avec une force irrésistible tous les imposants témoignages des Pères du Ier siècle.

L'Eglise désormais pourra comparaître devant tous les juges. Chaque époque pourra discuter ses origines, contester son ancienneté, ses droits, son caractère. Elle aura ses témoins qui, chaque fois qu'on les interrogera, se lèveront pour faire triompher la vérité et confondre ses accusateurs. Et pendant dix-neuf cents ans elle vivra ainsi, sans cesse mise en cause et sans cesse justifiée.

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LE

SÉNATUS-CONSULTE

du 21 décembre 1861

Une chose est digne de remarque: plus le gouvernement de l'Empereur s'avance dans les voies libérales, plus il élargit de son plein gré les droits conférés aux représentants de la nation, et plus il rencontre de réserve, on pourrait même dire d'aigreur, au sein des groupes politiques qui se sont attribué, bien à tort, le droit de représenter les tendances libérales de l'époque. Plus on s'efforce, je ne dirai pas de leur donner satisfaction, car le régime impérial a la prétention, assez bien justifiée jusqu'ici, de relever de la nation entière et non des partis, mais de répondre aux vœux qu'ils ont souvent exprimés, moins ils sont empressés de reprendre ces airs satisfaits dont ils se montraient si prodigues en d'autres temps Moins avares de leurs sympathies, de leur concours même, quand l'allure régulière de la politique paraissait éloigner le gouvernement de leurs doctrines, ils semblent, aujourd'hui qu'il s'en rapproche, lui retirer jusqu'à leur impartialité. Comment expliquer cette attitude et de quel œil les hommes préoccupés uniquement des intérêts du pays doivent-ils l'envisager?

Une manière d'être si contradictoire est le résultat de plusieurs causes qui n'ont rien de mystérieux. Lorsque l'empire fut proclamé, le sentiment presque unanime de la France fut celui d'une délivrance inespérée; après avoir tremblé pour toutes choses, on fut heureux d'être rassuré et de rencontrer enfin le repos, dût-il n'être que momentané. Il y avait même des téméraires qui offraient de risquer leur fortune dans des entreprises hasardeuses, car tout paraissait hasard à qui stipulait, à qui contractait pour plus de deux ou trois

ans. L'ennemi était encore aux portes; était-il désarmé? On l'espérait, tout en gardant de grandes appréhensions; et les forces vives de la nation se réunissaient, sans acception de partis, pour appuyer le pouvoir restauré. Depuis lors, la sécurité s'est faite; la crainte du lendemain s'est évanouie; on a passé d'une confiance relative à une confiance absolue, trop absolue peut-être, puisque les aventureux du début ont paru des timides. On s'est lancé dans des entreprises de toute espèce; on a rajeuni les anciennes; on en a imaginé de nouvelles; les capitaux, dont la bravoure est bien connue, affluaient de toutes parts; la richesse, la vraie richesse, celle que la sécurité seule peut enfanter, semblait sourdre de terre, sous l'égide d'une autorité respectée, à l'abri des émeutes dont un autre temps avait été si souvent troublé. C'était un spectacle inouï, bien fait pour réjouir tous les cœurs et leur communiquer cette parfaite quiétude qui porte les uns à l'indifférence, les autres à la critique. Celle-ci dès lors ne fit plus défaut on crut l'ennemi bien loin; la prudence se relâcha et les langues se délièrent. Elles sont aujourd'hui si bien déliées, que beaucoup de bonnes gens estiment qu'il serait périlleux de les délier encore plus. Ce n'est pas nous, assurément, qui avons cette penséelà; nous trouvons au contraire un grand avantage à écouter ce qui se dit autour de nous, et dans la confiance robuste dont tant d'aspirations libérales et de récriminations portent involontairement témoignage, nous puisons, nous, une confiance prudente et raisonnée dans les institutions qui nous régissent. La maison est réparée, les murs sont solides; pourquoi ne casserait-on pas un peu les meubles? Reprenons de vieilles habitudes, qui n'étaient dangereuses que dans des temps moins assurés, et donnons, comme autrefois, quelques leçons sévères au pouvoir : il est assez fort pour les recevoir, puisqu'il est assez fort pour nous protéger.

Voilà des sentiments qui courent le monde et s'affichent parfois dans les journaux; y verrons-nous une marque d'ingratitude? Non, c'est tout simplement une tendance de l'humanité. Les libertés ne sont pas faites seulement pour qu'on en use, mais pour qu'on en abuse, et ce serait trop demander aux partis que d'exiger d'eux quelque reconnaissance pour les armes qu'on leur met entre les mains. Ne perdons pas de vue que ces armes ne leur sont pas données pour qu'ils nous défendent, mais bien pour qu'ils nous attaquent, et il n'est pas d'homme d'Etat sérieux, je pense, qui, dans un pays ravagé par les révolutions comme le nôtre, espère quelque justice de ses contemporains. S'il en était autrement, pourquoi ces hommes d'Etat écriraient-ils leurs mémoires? Contentons-nous de tirer du spectacle que nous avons sous les yeux un enseignement profitable. N'est-il pas évident que la stabilité des institutions actuelles est plus grande

qu'on ne veut l'avouer, puisqu'au silence que chacun s'imposait, a succédé la plus grande, sinon la plus aimable franchise? On comprend que nous ne puissions admettre une autre cause à cette tactique nous ne nous occupons ici que des gens qui méritent qu'on s'occupe d'eux.

Les bienfaits de cette incontestable franchise ont pourtant une autre source encore, moins évidente mais également réelle. A l'origine de l'Empire, il ne pouvait entrer dans l'esprit de personne de manifester ses sympathies pour telle ou telle forme politique; la loi du salut public dominait tous les sentiments, toutes les affections particulières; mais le courage étant revenu avec la sécurité, on n'a pas tardé à trouver fâcheux que le gouvernement prétendît à son tour posséder une doctrine à lui et qu'il entendit manifester son existence sous une forme spéciale, qui ne rentrât pas nécessairement dans le cadre des gouvernements précédents. Que l'Empire se bornât à être un fait heureux, à la bonne heure! cela n'empiétait sur aucune théorie; que comme tel il fût modeste et n'eût pas l'ambition de vivre au delà des nécessités qui l'avaient fait naître, on n'y trouvait rien à contredire; mais lui était-il permis, en devenant libéral, de ne point aspirer à copier les formes parlementaires ou républicaines? La liberté est-elle permise en dehors de ces formes consacrées et en quelque sorte académiques? peut-elle vivre si elle n'a pas pris dans le passé ses règles et sa tradition, de même que la tragédie si elle ne s'emboîte exactement dans les trois unités ? Quelques-uns le croient sans doute, puisqu'ils ne peuvent voir sans étonnement les hauts dignitaires de l'Etat, les hommes les plus considérables et les plus honorės, ramener constamment leur pensée sur le maintien des bases fondamentales de la Constitution, et démontrer leur conservation intégrale au milieu du développement qu'implique leur perfectibilité. Ils imaginent je ne sais quel antagonisme chimérique entre le souverain et ses serviteurs, attribuant à l'Empereur des vues libérales contre lesquelles ses conseillers voudraient réagir, et ne comprenant pas qu'on puisse être plus libéral qu'eux en l'étant d'une autre manière, ils accusent de tendances rétrogrades ceux-là même qui contribuent le plus efficacement par leurs travaux et l'élévation de leurs idées à consolider l'édifice impérial en préparant de solides assises à ses développements successifs.

En améliorant la Constitution de 1852, le gouvernement ne tend nullement à la transformer et à la ramener aux formes déjà connues et durement expérimentées. Il songe certainement à étendre les libertés, mais il se préoccupe en même temps de les rendre solides, et au lieu de poursuivre un bien éphémère, il prétend asseoir ses bienfaits sur un fondement inattaquable. Dix années d'expérience au

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