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l'embarcation reprenait précipitamment le large, et Pamfilio rentrait lentement chez lui, en proie à une irritation mal contenue, et laissant parfois échapper ces mots à voix haute :

«Attendre toujours attendre! »

Un dernier soir enfin, par un temps sombre et orageux, la conférence fut plus longue sur la grève. Un promeneur attardé, qui s'était abrité contre la pluie dans une anfractuosité du rivage, assez près des deux interlocuteurs, entendit distinctement la fin de leur entretien, dont il ne comprit pas alors la signification terrible :

«< Dis-tu vrai, Francisco?

Oui, amico, de ce matin même ils sont au château.

Tous deux ?

Oui, et presque tous les domestiques sont encore en ville et ne doivent arriver que demain. D'ailleurs, à la ville comme au château, c'est moi qui règle les mouvements de toute cette valetaille. L'imbécile a voulu se donner à son tour le luxe d'un intendant. Par saint Janvier, il a eu la main heureuse! Le sien lui coûtera plus cher qu'il n'a coûté lui-même à son maître.

- Enfin !!! dit Pamfilio en respirant fortement. Et tout est prêt, dis-tu?

Tout!

-Au large, alors!» Et la barque, emportant deux passagers cette fois, disparut dans les ténèbres sillonnées d'éclairs.

Le lendemain, une effroyable nouvelle se répandit dans Syracuse. Des assassins avaient, disait-on, pénétré dans le château de SantaCrux, y avaient égorgé Orlando et sa maîtresse. Les meurtriers n'étaient pas des voleurs ordinaires, car nul objet précieux n'avait été enlevé. Orlando fut trouvé horriblement mutilé, mais respirant encore. La cruauté des assassins s'était visiblement ingéniée à lui laisser un souffle de vie, pour qu'il pût sentir plus longtemps la douleur. La marquise, au contraire, avait été tuée d'un seul coup, frappé au cœur d'une main résolue. Elle n'avait pas dû souffrir, car sa figure était calme comme celle d'un enfant endormi. On la trouva couchée sur son lit jonché de fleurs, et comme parée pour ses funérailles avec un soin tout fraternel. Sur sa poitrine, on avait placé une croix d'or, et fixé une bande de papier sur laquelle étaient écrits en gros caractères deux mots qui suffisaient pour expliquer ce double meurtre, et justifiaient presque la sympathie populaire que nous avions vue se manifester d'une manière si éclatante en faveur du meurtrier.

Ces deux mots, c'était le nom véritable de la prétendue Marquise : ANNITA FLORIO. JOSEPH CHAUTARD.

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Les questions qui touchent à notre économie industrielle et commerciale sont jugées et appréciées très différemment, et presque toutes les réformes sur cette matière ne sont au début que difficilement acceptées. C'est qu'en effet l'importance de la moindre modification législative est si grande, ses conséquences peuvent être si graves, que les intérêts des uns, la sollicitude des autres, font toujours naître des craintes qui, quoique chimériques pour la plupart, n'en retardent pas moins le progrès. On admet généralement aujourd'hui cette maxime, que le commerce a besoin de liberté; mais cette liberté, dans quelle mesure doit-on l'accorder? Voilà l'objet de bien des discussions. Colbert semblait prévoir l'avenir lorsqu'il écrivait dans son testament politique : « Si Votre Majesté supprimait tous les règlements faits jusqu'ici à l'égard du commerce, elle n'en ferait pas plus mal. >>

Parmi ces problèmes économiques, il en est un qui est relatif à ce qu'il y a de plus essentiel et de plus délicat dans l'industrie, à ce qui constitue particulièrement la supériorité de notre siècle; nous voulons parler du droit d'inventer. Une loi sur les brevets d'invention est depuis plusieurs années soumise au Corps législatif, et les ajournements dont elle a été l'objet sont une preuve de la maturité avec

laquelle on veut que ces difficultés soient résolues. Assurément, ce droit, ou ce prétendu droit des inventeurs n'est point aisé à réglementer; aussi un long examen n'est-il pas superflu pour résoudre des questions sur lesquelles tant de jugements contradictoires sont portés.

Avant d'exposer les motifs de la réforme industrielle que nous souhaiterions de voir adopter, et qui consisterait dans la suppression des brevets d'invention, nous allons montrer quelle était la situation des inventeurs en France antérieurement à 1789, puis indiquer les points les plus importants de la loi actuellement en vigueur, et les nouvelles modifications sur lesquelles le Corps législatif est appelé en ce moment à délibérer.

I

On considérait, avant 1789, le droit de travailler comme un droit royal, que le Prince pouvait vendre et que les sujets devaient acheter. Notre organisation commerciale semblait être en partie, à cette époque, la conséquence de ce principe : dans chaque localité, chaque branche d'industrie était monopolisée et appartenait à une association d'artisans, qui en avaient obtenu du souverain le privilége à prix d'argent. Nul ne pouvait donc exercer librement une industrie quelconque. Celui qui faisait une découverte, s'il était membre d'une de ces communautés, voyait son œuvre devenir la propriété de la corporation à laquelle il appartenait; si, au contraire, cet inventeur n'était membre d'aucune communauté, défense expresse lui était faite d'exploiter son œuvre, à moins que le roi ne lui accordât spécialement un privilége particulier, dont on fixait la durée arbitrairement. Ces concessions, données parfois capricieusement et obtenues souvent par corruption et par intrigue, étaient bien loin d'encourager les inventeurs. Elles étaient, d'ailleurs, rarement octroyées et ne profitaient pas toujours à celui qui les avait obtenues, car la jalousie des corporations créait aux privilégiés des difficultés presque insurmontables. C'était le combat de la routine contre le progrès. - Chaque communauté, lorsqu'un privilége pour une invention était accordé, se croyait atteinte dans sa propriété, et nous ne citerons que l'exemple d'Argant, l'inventeur de la lampe à double courant d'air, qui fut obligé de plaider contre les communautés des ferblantiers, des serruriers, des taillandiers, des maréchaux grossiers, qui toutes prétendaient qu'en fabriquant sa lampe, Argant fabriquait une pièce dont elles avaient le monopole. Aussi qu'arri

vait-il à cette époque? C'est que ceux qui enrichissaient l'industrie d'un procédé nouveau, d'un perfectionnement utile, étaient la plupart du temps contraints de porter leurs inventions loin de leur patrie, soit à cause de la difficulté de l'obtention du privilége royal, soit à cause des interminables contestations suscitées par la haine et la jalousie. Nicolas Briot alla demander à l'Angleterre une hospitalité que lui avait refusée son pays natal. Il avait tenté en France de vains efforts dans le but de faire accepter son balancier pour frapper les monnaies, mais il succomba devant les cabales de ceux qui étaient en possession de la fabrication de la monnaie au marteau. De même, l'inventeur des métiers à bas alla se réfugier en Angleterre, ainsi que les inventeurs des métiers à gaze, de la teinture du coton en rouge, du moulin à papier et à cylindre et de bien d'autres découvertes qu'il serait long d'énumérer.

Sous le ministère du duc de Choiseul, une déclaration royale, datée du 23 décembre 1762, réglementa sur quelques points l'octroi des priviléges des inventeurs. On en fixa la durée à quinze années, soit parce que, dit le préambule, lorsque ces priviléges sont accordés pour des temps illimités, ils semblent être plutôt un patrimoine héréditaire qu'une récompense personnelle à l'inventeur, soit parce que le privilége peut être cédé souvent à des personnes qui n'ont pas la capacité requise; soit enfin parce que les enfants, successeurs ou ayants cause de l'inventeur, appelés par la loi à la jouissance du privilége, négligent d'acquérir les talents nécessaires. On ne pouvait assurément invoquer de plus justes et de plus sages considérations.

Cette déclaration royale était un progrès qui devait être suivi d'une réforme bien autrement radicale, réforme qui malheureusement échoua. Turgot fit signer au roi Louis XVI, toujours désireux de satisfaire aux besoins de la nation, le mémorable édit de 1776. La liberté était rendue au commerce et on supprimait ces corporations, condamnées depuis longtemps, mais toujours maintenues à cause des résistances que l'on rencontrait, et à cause aussi des ressources financières qu'elles procuraient.

Dans le préambule de cet édit, les raisons qui l'avaient inspiré étaient développées avec une remarquable clarté. Le roi proclamait qu'il regardait comme un des premiers devoirs de sa justice et comme un des actes les plus dignes de sa bienfaisance, d'affranchir ses sujets de toutes les atteintes portées au droit de travailler. Il exprimait sa volonté de rendre à chacun la faculté de choisir ses ouvriers, de permettre à tous de fabriquer ou vendre les objets de commerce qu'ils voudraient, et de se destiner à l'exercice des arts et métiers vers lesquels ils seraient portés par leurs dispositions naturelles, et cela sans

acquérir la maîtrise, sans passer par des épreuves aussi longues que nuisibles, sans satisfaire à des droits ou à des exactions multipliées. Le roi expliquait encore qu'il ne pouvait laisser subsister ces institutions arbitraires qui ne permettaient pas à l'indigent de vivre de son travail, qui repoussaient un sexe à qui sa faiblesse a donné plus de besoins et moins de ressources, et qui semblaient, en le condamnant à une misère inévitable, seconder la séduction et la débauche. Enfin, il déclarait vouloir mettre fin à un ordre de choses qui rendait inutiles les talents de ceux qui ne faisaient pas partie des communautés, qui retardait le progrès des arts par les difficultés multipliées que rencontraient les inventeurs auxquels les différentes corporations disputaient le droit d'exécuter les découvertes qu'elles n'avaient pas faites.

Tels étaient les motifs sur lesquels était fondé cet acte important, qui honore autant le souverain qui l'avait signé que le ministre qui l'avait conseillé. Ces sages dispositions soulevèrent l'indignation des membres des corporations en possession des priviléges, qui étaient dépossédés par cette reconnaissance, faite à tout le monde, du droit de travailler. Peu de temps après, le ministre fut renvoyé, et son œuvre fut abandonnée. Louis XVI avait raison de dire : « Il n'y a que M. Turgot et moi qui aimions le peuple, » car une fois séparé de son sage conseiller, ce prince, cédant malgré lui à de perfides inspirations, rétablit, en partie du moins, par un autre édit, l'ancien état de choses.

La révolution éclata. Les priviléges accordés aux inventeurs et ceux concédés ou vendus aux corporations, tombèrent, comme le reste de l'édifice social, dans la nuit du 4 août. Une liberté illimitée succéda à un système restrictif et absolu. Chacun put travailler, chacun put exploiter ses découvertes. En 1791, l'Assemblée nationale, dans le but d'accorder une protection aux inventeurs, décréta une loi dont les principes, qui furent empruntés à l'Angleterre, subsistent encore aujourd'hui.

En Angleterre comme en France, les monopoles commerciaux ont existé, pendant le moyen-âge, au profit des corporations, et ces monopoles n'étaient pas moins multipliés que chez nous, puisque l'on allait jusqu'à établir une distinction entre un carrossier et un fabricant de roues. Sous le règne de Jacques Ier, ces institutions disparurent. Un bill, rendu en 1623, introduisit tout un nouveau système industriel et établit une législation relative aux inventions industrielles qui est encore actuellement en vigueur, sauf quelques modifications introduites, en 1835, par un statut de Guillaume IV, et, en 1852, par un acte portant amendement à la loi sur les patentes d'invention. Garantir à tout auteur la jouissance de sa découverte

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