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nions ne faisoient pas moins de ravages que leurs armes, des peuples corrompus, des cours vicieuses, des finances épuisées, des gouvernemens chancelans; pour moi, je l'avouerai, ce n'est pas sans étonnement que j'ai vu M. Pitt portant seul, comme Atlas, la voûte d'un monde en ruines.

Il ne nous reste plus qu'à considérer Carthage et l'Angleterre, dans leur esprit guerrier et commerçant.

:

J'ai déjà touché quelque chose de cet intéressent sujet. Ajoutons que, par un jeu singulier de la fortune, la rivale de Rome et celle de la France ne comptèrent chacune qu'un grand Général la première, Annibal; la seconde, Marlborough. Un parallèle suivi entre ces hommes illustres, nous écarteroit trop de notre sujet; il suffira de remarquer que, tous les deux employés contre l'antique ennemi de leur patrie, ils le réduisirent également à la dernière extrémité,† et

* Il y eut sans doute quelqu'autres grands généraux à Carthage et en Angleterre, mais aucun aussi célébre qu'Annibal et Marlborough.

† A présent le siècle impartial convient, qu'on ne doit pas juger Marlborough avec autant d'enthousiasme que nos pères ; il auroit fallu le voir aux prises avec les Condé et les Turenne pour bien juger de ses talens. Il n'eut jamais en tête que de mauvais généraux, et il agit presque toujours en conjonction avec le Prince Eugène. La seule fois qu'il combattit contre un grand capitaine, je crois, à Malplaquet, il perdit vingt-deux mille hommes; encore Villars n'avoit-il que des recrues qui n'avoient jamais vu le feu, et manquoient de tout, même de pain. A la prise de Lille, Vendôme étoit subordonné au due de Bourgogne, Anuibal combattit les Fabius, les Scipion, &c.

furent sur le point d'entrer en triomphe dans la Capitale de son empire; qu'on leur reprocha le même défaut, l'avarice; enfin, que tous deux rappellés dans leur pays, n'y trouvèrent que l'ingratitude.

Quant au commerce, en ayant déjà décrit l'étendue, je me contenterai de citer un fait peu connu. Carthage est la seule puissance maritime de l'antiquité qui, de même que l'Angleterre, ait imaginé les loix prohibitives pour ses colonies. -Celles-ci étoient obligées d'acheter aux marchés de la mère-patrie les divers objets dont elles se faisoient besoin; et ne pouvoient s'adonner à la culture de telle ou telle denrée. On juge par ce trait jusqu'à quel degré la vraie nature du commerce, et les calculs du fisc étoient entendus de ce peuple Africain; peut-être aussi y trouveroiton la cause des troubles qui ne cessoient d'agiter les colonies Puniques.

Que si encore deux gouvernemens se livrent aux mêmes entreprises, suggérées par des motifs semblables, on doit en conclure que ces gouvernemens sont animés d'une portion considérable du même génie; or, nous voyons que ceux de Carthage et d'Angleterre, furent souvent mûs d'après de semblables principes, vers des objets de prospérités nationales. Nous allons rapporter les deux voyages, entrepris pour l'agrandissement du commerce dans l'ancien monde, et dans le monde moderne le premier fait par ordre du Sénat de Carthage, à une époque qui n'est pas exactement

connue ;* le second exécuté de nos jours par la munificence du Roi de la Grande-Bretagne. Hannon, qui commandoit l'expédition Carthaginoise, devoit, en entrant dans l'Océan par le détroit de Gades ou de Gadir,† découvrir les terres inconnues en faisant le tour de l'Afrique et jettant ça et là des colonies sur ses rivagés. Sans l'usage de la boussole, avec une imparfaite connoissance du ciel, et de fréles barques souvent conduites à lá rame, lorsqu'on se représente qu'il auroit fallu affronter les tempêtes du Cap de Bonne-Espérance si long-temps la borne redoutable des navigateurs modernes, on ne peut que s'étonner du génie hardi qui poussoit les Carthaginois à ces entreprises périlleuses. Le dessein échoua en partie de retour dans sa patrie, Hannon publia une relation de son voyage, et son journal étant traduit en Grec par la suite, nous a, par ce moyen, été conservé. La brièveté et l'intérêt de l'unique monument de littérature Punique, qui soit échappé aux ravages du temps m'engagent à le donner ici dans son entier.

* Il est reconnu que ce voyage n'est pas de l'Hannon auquel on l'attribue, et qui devoit vivre vers le temps de l'expédition d'Agathocles en Afrique. Les uns font l'auteur de ce journal, contemporain d'Annibal; d'autres le rejettent à un siècle, qui approcheroit de la révolution de la Grèce dont nous parlons: peu importe au lecteur,

† Cadiz.

Il nous reste une scène en Punique dans Plaute, et des fragmens d'un ouvrage sur l'agriculture traduit en Latin, où l'on apprend le secret d'engraisser des rats.

Voyage par mer et par terre au-delà des Colonnes d'Hercule, fait par Hannon, roi des Carthaginois; qui à son retour voua dans le temple de Saturne, la relation suivante :

Le peuple de Carthage m'ayant ordonné de faire un voyage audelà des Colonnes d'Hercule, pour y fonder des villes Liby-Phoniciennes, je mis en mer avec une flotte de 60 vaisseaux à 50 rames; ayant à bord une grande quantité de vivres, d'habits, et environ trente mille personnes, tant hommes que femmes.

Deux jours après que nous eûmes fait voile, nous passâmes le détroit de Gades; et jettâmes le lendemain, sur la côte d'Afrique, dans un lieu où s'étend une plaine considérable, une colonie que nous appellâmes, Thymiaterium. De-là, cinglant à l'Ouest, nous fîmes le Cap Soloent, sur la côte de Lybie, pro⭑* montoire couvert d'arbres, où nous élevâmes un temple à Neptune.

Dirigeant notre course à l'Orient, après un demi jour de navigation nous atteignîmes, à peu de distance de la mer, la hauteur d'un lac* plein de grands roseaux, où nous vîmes des éléphans et plusieurs autres animaux sauvages paissant çà et là. A un jour de navigation de ce lac, nous fondâmes plusieurs villes maritimes: Cytte, Acra, Mélisse, &c.

Durant notre relâche nous avançâmes jusqu'au grand fleuve Lixa, qui sort de la Lybie, non loin des Nomades; nous y trouvâmes les Lixiens qui s'occupent de l'éducation des troupeaux. Je demeurai quelque temps parmi eux et conclus un traité d'alliance.

Au-dessus de ces peuples, habitent les Ethiopiens, nation inhospitalière, dont le pays est rempli de bêtes féroces et entrecoupé de hautes montagnes, où l'on dit que le Lixa prend sa source. Les Lixiens nous racontoient que ces montagnes sont fréquentées par les Troglodytes, hommes d'une forme étrange, et plus légers que les chevaux à la course. Je fis ensuite, avec des interprêtes, deux journées au Midi dans le désert.

* Il se trouve ici une difficulté dans le Grec. On croiroit d'abord qu'Hannon a remonté une rivière, ensuite on le trouve fondant des villes maritimes. J'ai suivi le sens qui m'a paru le plus probable.

K

A mon retour j'ordonnai qu'on levât l'ancre* et nous courûmes pendant vingt-quatre heures à l'Est. Au fond d'une baye, nous trouvâmes une petite île de cinq stades de tour, à laquelle, nous donnâmes le nom de Cernes et y laissâmes quelques habitans. J'examinai mon journal, et je trouvai que Cernes devoit être située sur la côte opposée à Carthage: la distance de cette île aux colonnes d'Hercule, étant la même que celle de ces mêmes colonnes à Carthage.

Nous reprîmes'notre navigation, et après avoir traversé une rivière, appellée Chreles, nous entrâmes dans un lac, où se formoient trois îles plus considérables que Cernes. Nous mîmes un jour à parvenir de ces îles jusqu'au fond du lac. De hautes montagnes en bordoient l'enceinte; nous rencontrames des hommes couverts de peaux et habitans des bois, qui nous assaillirent à coups de pierres. Longeant les rives de ce lac, nous touchâmes à un autre fleuve large, couvert de crocodiles et de chevaux marins. De là nous revirâmes et gagnâmes l'île de Cernes.

De Cernes, portant le Cap au Sud, nous rangeâmes pendant 12 jours, une côte habitée par les Æthiopiens qui paroissoient extrêmement effrayés, et se servoient d'un langage inconnu même à nos interprêtes.

Le douzième jour nous découvrîmes de hautes montagnes, chargées de forêts, dont les arbres de différentes espèces sont parfumés. Après avoir doublé ces montagnes, en deux jours de navigation, nous entrâmes dans une mer immense. Dans les parages avoisinant au continent, s'élevoit une espèce de champ d'où nous, voyions durant la nuit sortir, par intervalles, des flammes; les unes plus petites, les autres plus grandes. Les équipages ayant fait de l'eau, nous serrâmes le rivage pendant quatre jours, et le cinquième nous louvoyâmes dans un grand golfe que nos interprêtes appelloient Hesperum Ceras (la Corne du Soir). Nous nous trouvâmes par le gîssement d'une île d'une latitude considérable. Un lac salin, dans lequel se formoit un îlot, occupoit l'intérieur de cette grande île. Nous mouillâmes par le travers de la terre et nous n'apperçûmes qu'une forêt. Mais pendant la nuit nous voyions des feux, et nous entendions

Cette phrase n'est pas du texte, mais elle y est impliquée.

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