Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

d'Athènes, ne furent pas plus heureux dans le choix et le génie de leurs chefs, que les aristocrates de France.

Il semble qu'il y ait des hommes, qui renaissent à des siècles d'intervalles pour jouer, chez différens peuples et sous différens noms, les mêmes rôles, dans les mêmes circonstances. Mégaclès et Tallien en offrent un exemple extraordinaire. Tous deux redevables à un mariage opulent de la considération attachée à la fortune ;* tous deux placés à la tête du parti modéré, dans leurs nations respectives; ils se font tous deux remarquer par la versalité de leurs principes et la ressemblance de leurs destinées. Flottant, ainsi que le révolutionnaire François, au gré d'une humeur capricieuse, l'Athénien fut d'abord subjugué par le génie de Pisistrate; parvint ensuite à renverser le tyran; s'en repentit bientôt après; rappella les Montagnards; se brouilla de nouveau avec eux; fut chassé d'Athènes; reparut encore, et finit par s'éclipser tout-à-coup dans l'histoire: sort commun des hommes sans caractère: ils luttent un moment contre l'oubli qui les submerge; et soudain s'engloutissent tout vivans dans leur nullité.

Tel étoit l'état des factions à Athènes, lorsque Solon, après dix ans d'absence, revint dans sa malheureuse patrie.

* Mégaclès étoit riche, mais sa fortune fut considerablement augmentée par son mariage avec la fille de Clisthène, tyran de Sicyone.

CHAPITRE IX.

Pisistrate.

APRES avoir erré sur le globe, l'homme, par un instinct touchant, aime à revenir mourir aux lieux qui l'ont vu naître, et à s'asseoir un moment au bord de sa tombe, sous les mêmes arbres qui ombragèrent son berceau. La vue de ces objets, changés sans doute, qui lui rappellent à la fois, les jours heureux de son innocence, les malheurs dont ils furent suivis, les vicissitudes et la rapidité de la vie, raniment dans son cœur ce mêlange de tendresse et de mélancolie, qu'on nomme, l'amour de son pays.

Quelle doit être sa tristesse profonde, s'il a quitté sa patrie florissante, et qu'il la retrouve déserte, ou livrée aux convulsions politiques! Ceux qui vivent au milieu des factions, vieillissant pour ainsi dire avec elles, s'apperçoivent à peine de la différence du passé au présent: mais le voyageur qui retourne aux champs paternels, bouleversés pendant son absence, est tout-à-coup frappé des changemens qui l'environnent; ses yeux parcourent amèrement l'enclos désolé: de même qu'en revoyant un ami malheureux après de longues années, on remarque avec douleur sur son visage les ravages du chagrin et du temps. Telles furent sans doute les sensations du Sage Athénien, lorsqu'après les premières joies du retour, il vint à jetter les regards sur sa patrie.

Il ne vit autour de lui qu'un cahos d'anarchie et de misère. Ce n'étoient que troubles, divisions, opinions diverses. Les citoyens sembloient transformés en autant de conspirateurs. Pas deux têtes qui pensassent de même; pas deux bras qui eussent agi de concert. Chaque homme étoit lui tout seul une faction: et quoique tous s'harmoniassent de haine contre la dernière constitution, tous se divisoient d'amour sur le mode d'un régime nouveau.

Dans cette extrémité, Solon cherchoit un honnête homme, qui, en sacrifiant ses intérêts, put rendre le calme à la république. Il s'imagina le trouver à la tête du parti populaire : mais s'il se laissa tromper un moment par les dehors patriotiques de Pisistrate, il ne fut pas long-temps dans l'erreur. Il sentit que, de deux motifs d'une action humaine, il faut s'efforcer de croire à la bonne et agir comme si on n'y croyoit pas. Le Sage qui connoissoit les cœurs sut bientôt ce qu'il devoit penser d'un homme riche et de haute naissance, attaché à la cause du peuple. Malheureusement il le sut trop tard.

Sur le point de dénoncer la conspiration, il nʼattendoit plus que de nouvelles lumières; lorsque Pisistrate se présente tout-à-coup sur la place publique, couvert de blessures qu'il s'étoit adroitement faites. Le peuple ému, s'assemble en tumulté. Solon veut envain faire entendre sa voix. On insulte le vieillard; on frémit de rage; on décrète par acclamation une gaide formidable à

a

cette illustre victime de la démocratie, que les nobles avoient voulu faire assassiner. O homines ad servitutem paratos! Nous avons vu un tyran de la convention employer la même machine.

Quiconque a une légère teinture de politique, n'a pas besoin qu'on lui apprenne la conséquence de ce décret. Une démocratie n'existe plus là où il y a une force militaire en activité dans l'intérieur de l'Etat. Pisistrate s'empara peu après de la citadelle; et ayant désarmé les citoyens il règna sur Athènes avec toutes les vertus, hors celles du républicain.

CHAPITRE X.

Règne et Mort de Pisistrate.

LA victoire s'attachera au parti populaire, toutes les fois qu'il sera dirigé par un homme de génie ; parce que cette faction possède au-dessus des autres, l'énergie brutale d'une multitude pour laquelle la vertu n'a point de charmes, ni le crime de remords.

Après tout, le succès ne fait pas le bonheur : Pisistrate en est un exemple. Chassé de l'Attique par Mégaclès réuni à Lycurgue, il y fut bientôt rappellé par ce même Mégaclès qui, changeant. une troisième fois de parti, se vit à son tour obligé de prendre la fuite. Deux fois les orages qui grondent autour des tyrans, renversèrent Pisistrate de son trône; et deux fois le peuple l'y re

plaça de sa main. La fin de sa carrière fut plus heureuse. Il termina tranquillement ses jours à Athènes; laissant à ses deux fils, Hipparque et Hippias, la couronne qu'il avoit usurpée.

Au reste, ces différentes factions avoient tour à tour, selon les chances de la fortune, rempli la terre de l'étranger d'Athéniens fugitifs. A la mort de Pisistrate, les Modérés et les Aristocrates se trouvoient émigrés dans plusieurs villes de la Grèce: là, nous allons bientôt les voir remplir avec succès le même rôle, que de nos jours, les Constitutionnels et les Aristocrates de France, ont joué si malheureusement en Europe.

CHAPITRE XI.

Hipparque et Hippias.

Assassinat du premier.

Rapports.

HIPPIAS et Hipparque montèrent sur le trône, aux applaudissemens de la multitude. Sages dans leur gouvernement et faciles dans leurs mœurs, ils avoient ces vertus obscures, que l'envie pardonne; et ces vices aimables, qui échappent à la haine. Peut-être eussent-ils transmis le sceptre à leur postérité; peut-être un seul anneau changé dans la chaîne des peuples, auroit-il altéré la face du monde ancien et moderne; si l'Etre suprême qui règle les empires n'avoit décidé autrement de l'ordre des choses.

Hipparque insulté par Harmodius, jeune Athé

« ZurückWeiter »